Document public
Titre : | Décision MLD-2013-118 du 7 juin 2013 relative à un refus de renouveler un contrat à durée déterminée opposé par le Directeur d'un centre hospitalier |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Marie Dupuy, Auteur ; Emploi public (2011-2013), Auteur |
Type de document : | Décisions |
Editeur : | [S.l.] : Le Défenseur des droits, 07/06/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | MLD-2013-118 |
Format : | 5 p. |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Embauche [Mots-clés] Grossesse [Mots-clés] Discrimination [Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue |
Résumé : |
Une infirmière diplômée d’Etat ayant exercé ses fonctions en tant que contractuel au sein d’un centre hospitalier, a saisi le Défenseur des droits d’une réclamation relative au refus de renouveler son contrat à durée déterminée, que lui a opposé le Directeur du centre hospitalier, suite à l’annonce de son état de grossesse.
L’enquête menée par le Défenseur des droits permet de considérer que cette décision est fondée sur l’état de grossesse de la réclamante dès lors que l’enquête a révélé qu’un poste d’infirmière a été ouvert au recrutement après le départ de la réclamante et que les reproches fondés sur sa manière de servir ne sont pas établis par les pièces du dossier Par suite, la réclamante a été victime d’une discrimination prohibée, en raison de son état de grossesse. Ainsi, le Défenseur des droits décide de présenter ses observations dans le cadre du recours introduit par la réclamante devant le tribunal administratif. |
Note de contenu : |
Le Défenseur des droits,
Vu l’article 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vu la loi organique n°2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ; Vu le décret n°2011-904 du 29 juillet 2011 relatif à la procédure applicable devant le Défenseur des droits ; Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; Vu la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Saisi d’une réclamation de Mme X., infirmière diplômée d’Etat, relative à la décision de refus de renouveler son contrat à durée déterminée, opposée par le Directeur de l’hôpital, par courrier reçu le 1er décembre 2011 et qu’elle estime discriminatoire à raison de son état de grossesse, Décide de présenter les observations suivantes devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Le Défenseur des droits Dominique Baudis Observations devant le Tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne dans le cadre de l’article 33 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 I) Faits et procédure : Le Défenseur des droits a été saisi par Madame X., infirmière diplômée d’Etat, d’une réclamation relative à la décision de non renouvellement de son contrat qu’elle estime fondée sur son état de grossesse et à ce titre, discriminatoire. Mme X. a été recrutée par l’hôpital, en qualité d’aide soignante en contrat à durée déterminée puis d’infirmière du 8 novembre 2010 au 31 décembre 2010. Son contrat a été renouvelé pour la période allant du 1er janvier 2011 au 30 juin 2011. Au cours du mois d’avril 2011, la réclamante a démissionné de son poste espérant obtenir un contrat à durée indéterminée au sein d’un autre centre de soins. Toutefois, cette opportunité n’ayant pas abouti, elle a conclu un nouveau contrat à durée déterminée avec l’hôpital du 9 mai au 31 août 2011, contrat prorogé jusqu’au 30 novembre 2011. Le 17 octobre, son état de grossesse étant attesté par son gynécologue, elle demande à bénéficier d’une heure de réduction d’horaire, conformément au dispositif prévu par la circulaire DH/F1/DAS/TS39 N° 96-52 du 29 février 1996, applicable à compter du 3ème mois de grossesse. Cette demande est acceptée par son employeur, le 26 octobre suivant. Par courrier du 21 novembre 2011, Mme X. sollicite le renouvellement de son contrat. Toutefois, par courrier du 28 novembre, reçu le 1er décembre, le centre hospitalier l’informe de ce que son contrat, qui a pris fin le 30 novembre, n’est pas renouvelé. Mme X. a saisi, le 20 janvier 2012, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’une requête tendant à l’annulation de cette décision ainsi qu’à la réparation du préjudice résultant du caractère illégal de cette décision. Par courriers du 27 septembre 2012 ainsi que du 6 mars 2013, une instruction a été menée par le Défenseur des droits auprès du Directeur de local qui y a répondu par courriers reçus le 24 octobre 2012 et le 18 mars 2013. II) Discussion : L’article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose qu’« aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de (…) de leur sexe (…). ». L’article 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, applicable aux agents publics, dispose pour sa part que « 3° toute discrimination directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité. ». Il en résulte que, si le renouvellement d’un contrat à durée déterminée n'est pas un droit pour l’agent, il doit répondre à l’intérêt du service, notamment au regard de la manière de servir de l’agent. Le refus de renouveler le contrat devient irrégulier s’il est fondé sur un motif discriminatoire, tel que l’état de grossesse, conformément à l’article 2 de la loi du 27 mai 2008 précité. Par un jugement du 13 novembre 2012, le tribunal administratif de Rouen a estimé que l’illégalité d’une décision de non-renouvellement de contrat prise en raison de motifs discriminatoires cause un préjudice de nature à fonder une demande en réparation (TA de Rouen, n° 1003010, 13 novembre 2012) S’agissant des modalités d’administration de la preuve, un dispositif adapté de la charge de la preuve s’applique lorsque le moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination est soulevé par le demandeur. Le Conseil d’Etat a ainsi considéré « que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination » (CE, 30 octobre 2009, Mme Perreux, n° 298348 ; CE, 11 juillet 2011, n° 321225) En l’espèce, il n’est pas contesté que l’état de grossesse de la réclamante était connu du centre hospitalier, depuis le 26 octobre 2011, date à laquelle la réclamante a demandé à bénéficier d’une réduction de ses horaires auquel son état de grossesse lui donnait droit, lorsque la décision de non renouvellement de son contrat lui a été notifiée, le 28 novembre 2011. Il sera d’ailleurs observé, qu’il ne s’est écoulé qu’un mois entre la date à laquelle l’employeur a eu connaissance de son état de grossesse et la date à laquelle le centre hospitalier a informé la réclamante de ce que son contrat ne serait pas renouvelé. La réclamante prétend, de surcroît, que le centre hospitalier lui aurait signifié, oralement, peu de temps avant que la décision de non renouvellement ne lui soit notifiée, que son contrat serait renouvelé jusqu’en décembre mais pas au-delà, en raison de son état de grossesse. Le centre hospitalier fait valoir, quant à lui, que le non-renouvellement du contrat de Mme X. est fondé sur sa manière de servir, jugée insatisfaisante par le Directeur du centre hospitalier. Ainsi, le manque d’investissement de l’intéressée dans la vie de l’établissement, qui aurait été souligné lors de son entretien professionnel, aurait fondé la décision litigieuse. Le centre hospitalier ajoute que « le savoir être d’un professionnel est un élément d’appréciation tout aussi important que ses qualités techniques » et que, « c’est au regard de l’ensemble de ces critères qu’une décision de recrutement ou de renouvellement doit être prise ». Toutefois, il résulte de l’enquête menée par le Défenseur des droits que de tels reproches ne sont pas établis par les pièces du dossier. En premier lieu, il résulte de sa fiche de compétence établie le 8 novembre 2011, que Mme X. a donné entière satisfaction. Elle est, en effet, considérée comme ayant un niveau « confirmé » pour 9 des 11 critères utilisés dans l’évaluation de ses compétences techniques à l’emploi. Sa capacité d’adaptation est jugée « confirmée » et la qualité de son comportement dans ses relations avec autrui comme étant d’un niveau se situant entre celui « d’intermédiaire » et de « confirmé ». Seule sa capacité à travailler en équipe n’est pas qualifiée de « confirmée » mais « d’intermédiaire ». En second lieu, le Défenseur des droits relève que le contrat de la réclamante, initialement recrutée en tant qu’aide-soignante en 2010, a pourtant été renouvelé en tant qu’infirmière en janvier, mai et août 2011. Le centre hospitalier explique, que le manque de savoir-être de la réclamante et « sa conception individualiste du métier d’infirmière en totale opposition avec les valeurs du service public hospitalier » sont, notamment, établis par le fait que, alors que le centre hospitalier se trouvait en situation de sous-effectif et dans l’incapacité de recruter du personnel infirmier, la réclamante a, par courrier du 15 mars, présenté sa démission, avant de solliciter un mois plus tard le 26 avril 2011, son retour dans les effectifs du centre hospitalier. Toutefois, il sera relevé que les tergiversations de la réclamante n’ont pas empêché le centre hospitalier de renouveler son contrat à deux reprises, le 5 mai 2011 puis le 1er septembre 2011. Il paraît, ainsi, pour le moins surprenant de lui en faire grief pour justifier le non renouvellement de son contrat six mois plus tard. Dès lors, l’insuffisance professionnelle de la réclamante ne paraît pas établie. Ainsi, faute de présenter des éléments justifiant le caractère objectif de sa décision, et conformément au principe de l’aménagement de la charge de la preuve précité, la décision de non renouvellement du contrat de Mme X. présente un caractère discriminatoire. Le conseil de Mme X. ayant fait une demande préalable d’indemnisation au centre hospitalier par courrier du 2 juillet 2012, le Défenseur des droits considère qu’il y a lieu de procéder à la réparation des préjudices matériel et moral qu’elle invoque. Telles sont les observations que le Défenseur des droits souhaite porter à la connaissance du tribunal. |
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