Document public
Titre : | Arrêt relatif à la violation de l'article 3 de la Convention par la France en cas de mise à l'exécution de la décision de renvoi du requérant vers le Pakistan : N.K. c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 19/12/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 7974/11 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Asile [Mots-clés] Religion - Croyances [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Convention européenne des droits de l'homme [Géographie] France |
Résumé : |
Le requérant, N.K., est un ressortissant pakistanais né en 1989 et résidant à Créteil. L’affaire concerne son éventuelle expulsion depuis la France vers le Pakistan, où il allègue risquer de subir des traitements inhumains et dégradants. À la suite de sa conversion à la religion amhadie, selon les rites de laquelle il se maria en 2009, M. N.K. fit l’objet d’une plainte déposée par son cousin pour prosélytisme religieux. Peu de temps après, il aurait été enlevé, séquestré puis torturé pendant plusieurs jours avant de parvenir à échapper à ses ravisseurs. Apprenant qu’un mandat d’arrêt avait été émis à son encontre pour prêche de la religion ahmadie, M. N.K. quitta le Pakistan.
Arrivé en France en août 2009, il sollicita l’asile. Estimant que ses déclarations n’étaient pas suffisamment étayées, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) rejeta sa demande en octobre 2009. Pour des motifs identiques, le recours formé par M. N.K contre cette décision fut rejeté par la CNDA en juillet 2010. À la suite d’un arrêté portant refus d’admission au séjour et obligation de quitter le territoire pris à son encontre, M. N.K. fut interpellé puis placé en centre de rétention administrative. La demande de réexamen de sa demande d’asile fut rejetée par l’OFPRA le 4 février 2011, date à laquelle il saisit la Cour d’une demande de mesure provisoire sur le fondement de l’article 39 de son règlement. En application de ce dernier, la Cour indiqua au gouvernement français de ne pas procéder à l’éloignement de M. N.K. Le 13 juillet 2011, la CNDA rejeta le recours formé par M. N.K. contre la décision de l’OFPRA du 4 février 2011. M. N.K. dit craindre d’être exposé, en cas de mise à exécution de la mesure d’éloignement dont il fait l’objet, à des traitements contraires à l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants). La Cour relève les différents rapports internationaux qui font état de la situation des ahmadis au Pakistan et notamment la persécution dont ils font l’objet. Le Gouvernement soulève une exception d’irrecevabilité du fait de l’absence d’épuisement des voies de recours internes. Le requérant n’ayant pas saisi le TA après avoir reçu son OQTF. La Cour rejette cette argument estimant «que l’on ne saurait reprocher au requérant d’avoir poursuivi un seul type de voies de recours, à savoir celles qui étaient ouvertes devant la CNDA, et de ne pas avoir introduit de recours devant le tribunal administratif. La Cour considère en effet qu’il ne lui appartient pas d’affirmer qu’une voie de droit serait, à l’égard du requérant, plus opportune qu’une autre dès lors que la voie de recours poursuivie par celui-ci était effective, c’est-à-dire, en matière d’éloignement d’étrangers, qu’elle permettait à l’Etat de prévenir l’expulsion d’une personne dont il était établi qu’elle risquait des traitements contraires à l’article 2 ou à l’article 3 de la Convention en cas de retour dans son pays d’origine. » Au regard de ces dernières constatations, la Cour estime que, pour qu’entre en jeu la protection offerte par l’article 3, la seule appartenance à la confession ahmadie ne suffit pas. Le requérant doit démontrer qu’il pratique ouvertement cette religion et qu’il est un prosélyte ou, à tout le moins, qu’il est perçu comme tel par les autorités pakistanaises. La Cour considère que, faute pour le Gouvernement de parvenir à mettre sérieusement en doute la réalité des craintes du requérant et compte tenu du profil de ce dernier et de la situation des Ahmadis au Pakistan, le renvoi du requérant vers son pays d’origine l’exposerait, au vu des circonstances de l’espèce, à un risque de mauvais traitements au regard de l’article 3 de la Convention. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-139179 |