Document public
Titre : | Arrêt relatif à la condamnation de la France pour violation de l'article 8 pour refus de changer un nom patronymique d'un franco-algérien : Kismoun c. France |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 05/12/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 32265/10 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Nom de famille [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Géographie] France [Géographie] Algérie |
Résumé : |
Le requérant, Christian Cherif Henry Kismoun, est un ressortissant franco-algérien né en 1956 et résidant à Villeurbanne (France).
L’affaire concernait le refus de changement de nom opposé à M. Henry Kismoun par les autorités françaises. Enregistré à l’état civil français sous le nom patronymique de sa mère, Henry, le requérant fut reconnu par son père, M. Kismoun, en 1959. Abandonné par sa mère à l’âge de trois ans, il fut recueilli par son père qui l’emmena vivre en Algérie. Il y fut scolarisé et effectua son service militaire sous le nom de Cherif Kismoun. C’est également sous ce nom, auquel son entourage en Algérie s’est toujours référé, qu’il est actuellement enregistré à l’état civil algérien. En 1977, il tenta de reprendre contact avec sa mère mais cette dernière refusa d’entrer en relation avec lui. Il apprit à cette occasion que son état civil en France était Christian Henry. En 2003, suite à une première tentative infructueuse, il réitéra sa demande en vue de substituer au patronyme d’Henry celui de Kismoun. Au soutien de ses prétentions, le requérant alléguait notamment le désintérêt de sa mère à son égard. Faute d’avoir pu en apporter la preuve, il fut débouté en appel en 2008. De surcroît, les juridictions françaises estimèrent que le désintérêt invoqué, à supposer qu’il eut été établi, ne suffisait pas à lui conférer un intérêt légitime pour changer de nom. Son pourvoi devant le Conseil d’Etat fut déclaré non admis en 2009. M. Henry Kismoun alléguait notamment que le refus de changement de nom qui lui avait été opposé emportait violation de l’article 8 (droit au respect de sa vie privée et familiale). La Cour rappelle que dans le domaine en cause, les Etats contractants jouissent d’une large marge d’appréciation et elle fait donc une appréciation in concreto. Pour la Cour la question qui se pose est celle de savoir si les autorités nationales ont ménagé un juste équilibre dans la mise en balance des différents intérêts en jeu qui sont, d’une part, l’intérêt privé du requérant à porter son nom algérien et, d’autre part, l’intérêt public à réglementer le choix des noms. La Cour admet qu’il est de l’intérêt public de garantir la stabilité du nom de famille, en vue de la sécurité juridique des rapports sociaux. Par la suite, les juridictions nationales n’ont jamais expliqué en quoi la demande du requérant, qui contenait des motivations personnelles et individuelles susceptibles d’être prises en compte dans l’examen du bien-fondé d’un motif affectif (paragraphe 16 ci-dessus), se heurtait à un impératif d’ordre public. De l’avis de la Cour, la justification précitée, liée au nom de « Henry », ne constitue pas une réponse suffisante à la demande du requérant parce qu’elle n’accorde aucun poids au fait qu’il cherchait à porter un nom unique. Dans ces conditions, la Cour estime que le processus décisionnel de la demande de changement de nom n’a pas accordé aux intérêts du requérant la protection voulue par l’article 8 de la Convention. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-138601 |