Document public
Titre : | Arrêt relatif à la violation de l'article 8 de la Convention par la France suite à une procédure d’expulsion diligentée contre des familles du voyage : Winterstein et autres c. France |
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Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 17/10/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 27013/07 |
Note générale : | SIMONOT Anne, "La CEDH condamne la France pour l'expulsion de gens du voyage sédentarisés", ASH, 17 octobre 2013 PORTMANN Anne, "Expulsion de gens du voyage d’un terrain terrain privé : condamnation de la France"; Dalloz actualités 12 novembre 2013 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) [Mots-clés] Gens du voyage [Mots-clés] Logement [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Roms [Mots-clés] Occupation illégale d'un terrain [Mots-clés] Origine [Géographie] France |
Résumé : |
Les requérants sont, d’une part, 25 ressortissants français, en leur nom et au nom de leurs enfants mineurs, et, d’autre part, l’association ATD Quart Monde.
L’affaire concerne une procédure d’expulsion diligentée contre des familles du voyage. Invoquant en particulier l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), seul et combiné avec l’article 14 (interdiction de la discrimination), les requérants se plaignent d’une atteinte à leurs droits en raison de la mesure d’expulsion des terrains qu’ils occupaient sur la commune d’Herblay. Habitant un lieu-dit où ils étaient installés depuis de nombreuses années et où certains étaient nés, ils faisaient partie d’un groupe de 95 personnes établies sur des terrains privés destinés au camping caravaning situés, selon le Plan d’occupation des sols, en « zone naturelle qu’il convient de protéger ». A la suite d’une procédure d’expulsion engagée par la mairie, les juridictions internes ordonnèrent l’expulsion de ces familles sous astreinte. À la suite de l’arrêt de la cour d’appel, les autorités décidèrent, dans le cadre du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées, de mener une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS) pour l’ensemble des familles concernées par la procédure judiciaire, afin de déterminer la situation de chacune et d’évaluer les possibilités de relogement envisageables. Ces décisions n’ont pas été exécutées, mais de nombreuses familles ont quitté les lieux de crainte de leur exécution. Seules quatre familles ont été relogées en logements sociaux, les terrains familiaux sur lesquels les autres familles devaient être relogées n’ayant pas été réalisés. Il est à noter que la HALDE avait notamment été saisie dans cette affaire en 2006 et avait conclu que la dispense accordée à la ville d’Herblay par le schéma départemental n’était pas conforme à la loi du 5 juillet 2000, elle fit ainsi des recommandations au préfet et au maire (retrait de l’arrêté, suspension des mesures d’expulsion prises sur la seule base de ce texte). La Cour considère que l’obligation faite aux requérants, sous astreinte, d’évacuer caravanes et véhicules et d’enlever toutes constructions des terrains constitue une ingérence dans leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile, même si l’arrêt du 13 octobre 2005 n’a pas à ce jour été exécuté. La Cour vérifie donc si l’ingérence est conforme aux exigences de l’article 8. Elle estime que ces dispositions étaient prévisibles et qu’elles visaient le but légitime que constitue la défense des « droits d’autrui » par le biais de la défense de l’environnement. Elle vérifie enfin si l’ingérence était « nécessaire dans une société démocratique », au sens de l’article 8 § 2. La Cour examine les garanties procédurales dont disposaient les requérants pour déterminer si l’État n’a pas fixé le cadre réglementaire en outrepassant sa marge d’appréciation. La Cour note que la perte d’un logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile. Toute personne qui risque d’en être victime doit en principe pouvoir faire examiner la proportionnalité de cette mesure par un tribunal indépendant à la lumière des principes pertinents qui découlent de l’article 8 de la Convention. La Cour relève la vulnérabilité des Roms et gens du voyage, et déclare ainsi que l’article 8 impose aux États contractants l’obligation positive de permettre aux Roms et gens du voyage de suivre leur mode de vie. La Cour constate qu’à part les quatre familles relogées en habitat social et deux familles qui se sont installées dans d’autres régions, les requérants se trouvent tous dans une situation de grande précarité. La Cour arrive à la conclusion qu’en l’espèce, les autorités n’ont pas porté une attention suffisante aux besoins des familles qui avaient demandé un relogement sur des terrains familiaux. La Cour en conclut qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention dans la mesure où ils n’ont pas bénéficié, dans le cadre de la procédure d’expulsion, d’un examen de la proportionnalité de l’ingérence conforme aux exigences de cet article. En outre, elle conclut qu’il y a également eu violation de l’article 8, pour ceux des requérants qui avaient demandé un relogement sur des terrains familiaux, en raison de l’absence de prise en compte suffisante de leurs besoins. Sur la violation de l’article 14 combiné avec l’article 8, les requérants concluent que le Gouvernement préfère les voir renoncer à leur identité de gens du voyage, plutôt que de reconnaître et respecter la spécificité de leurs besoins, ce qui constitue clairement une discrimination. Mais la Cour estime qu’aucune question distincte ne se pose sous l’angle de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8. Enfin sur la violation de l’article 3 la Cour relève que les requérants n’ont pas épuisé les voies de recours sur ce point. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-126910 |