Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'obligation pour les Etats membres de garantir la sécurité d'un détenu exposé aux violences de ses co-détenus : D.F. c. Lettonie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 29/10/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 11160/07 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Administration pénitentiaire [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Établissement pénitentiaire [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Droit des détenus |
Résumé : |
Le requérant, D.F., est un ressortissant letton né en 1963 et purgeant actuellement une peine d’emprisonnement à Riga. Il affirme avoir été informateur de la police dans les années 1990. En octobre 2005, il fut arrêté pour viol et détournement de mineurs et mis en détention provisoire. En
mars 2006, il fut reconnu coupable et condamné à 13 ans et un mois d’emprisonnement. Entre le 25 octobre 2005 et le 26 octobre 2006, D.F. séjourna à la prison de Daugavpils. Il allègue que, pendant cette période, il a été l’objet de violences de la part de ses codétenus car ils connaissaient son passé d’informateur de la police et de délinquant sexuel. Il dit que l’administration carcérale l’a fréquemment transféré d’une cellule à une autre, l’exposant à un grand nombre d’autres détenus. Il fit plusieurs demandes de transfert dans une prison spécialisée, mais elles furent toutes rejetées au motif, notamment, que l’administration des prisons n’avait pas jugé établi qu’il avait été informateur de la police. En août 2006, il pria le procureur général d’ouvrir des poursuites pénales contre la police parce que celle-ci n’aurait pas reconnu sa collaboration avec elle. En octobre 2006, il fut avisé que sa collaboration avait été confirmée et il fut transféré dans une autre prison. La Cour juge irrecevable le premier grief, tiré des mauvais traitements qu’aurait subi D.F. dans la prison de Daugavpils, faute pour lui d’avoir donné le moindre détail sur ces traitements ni produit le moindre élément prouvant qu’il avait subi des blessures. Pour ce qui est du second grief, tiré de ce que les autorités lettones auraient exposé D.F. à un risque et à des craintes de mauvais traitements en le maintenant en détention à Daugavpils, la Cour se réfère à des rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (« le CPT »). Le CPT a constaté que les détenus inculpés d’infractions à caractère sexuel étaient exposés à un plus grand risque de violence de codétenus. Il s’est également dit, à plusieurs reprises, préoccupé par les violences de ce type dans la prison de Daugavpils. Conformément aux recommandations du CPT, la Cour souligne que les autorités compétentes des États membres ont l’obligation de prendre toute mesure raisonnable pour empêcher les mauvais traitements de prisonniers dont elles ont eu ou auraient dû avoir connaissance. Les autorités lettones étaient conscientes que D.F. était exposé à un plus grand risque de violences d’autres détenus car l’administration pénitentiaire savait qu’il avait été inculpé pour des infractions à caractère sexuel contre des mineurs. De plus, certaines autorités disposaient de renseignements quant à ses activités passées d’informateur de la police, mais ceux-ci n’ont pas systématiquement circulé entre les autorités compétentes. D.F. a fait plusieurs demandes de transfert dans une autre prison, faisant état de menaces pour sa vie et son intégrité physique. De plus, selon ses propos non contestés par le gouvernement letton, il a fréquemment changé de cellule, ce pour quoi le Gouvernement n’a pas donné de justification convaincante. Se référant aux recommandations du CPT, la Cour souligne que les transferts de détenus vulnérables doivent s’inscrire dans le cadre d’une stratégie minutieusement établie permettant de les protéger des violences d’autres prisonniers. La Cour est préoccupée par le fait que la demande formulée par D.F. tendant à ce que les services répressifs confirment sa collaboration antérieure avec la police a donné lieu à des lenteurs procédurales, aggravées par une coordination insuffisante entre les autorités compétentes. La possibilité de demander une mesure conservatoire devant les juridictions administratives ne pouvait pas y remédier car, en vertu des règles alors en vigueur, aucun délai n’était prévu pour statuer sur une demande de ce type. Le système mis en place en matière de transfert des détenus vulnérables n’était donc pas effectif, que ce soit en droit ou en pratique. La Cour conclut donc à la violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention européenne des droits de l’homme. |
Documents numériques (1)
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