Document public
Titre : | Arrêt relatif à la condamnation de la Turquie pour l'absence d'un service civil de remplacement au service militaire : Feti Demirtas c. Turquie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 17/01/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 5260/07 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Turquie [Mots-clés] Religion - Croyances [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Armée [Mots-clés] Témoin de Jéhovah |
Résumé : |
Le requérant, un témoin de Jéhovah a refusé d’accomplir son service militaire. Toutefois, malgré son refus, il a été incorporé dans un régiment en juin 2005. Il s’était déclaré prêt à accomplir un service civil de remplacement mais une telle possibilité n’existe pas en Turquie. Il a fait objet de plusieurs condamnations qui selon lui constituent, avec l’impossibilité d’accomplir un service civil de remplacement, une violation de l’article 9 de la Convention. Il s’estime également victime de mauvais traitements subis lors de son séjour dans une prison militaire où il a été forcé de se déshabiller, de porter l’uniforme militaire, et a été également menotté à un lit pendant des longues heures et battu. En février 2007, le requérant a été démobilisé pour des raisons de santé.
La Cour considère que les condamnations successives dont le requérant a fait l’objet et le risque de poursuites pénales perpétuelles auquel il s’est trouvé exposé pour avoir refusé d’accomplir son service militaire en raison de ses convictions s’analysent en une ingérence dans son exercice de la liberté de manifester sa religion garantie par l’article 9 de la Convention. Elle estime qu’une telle ingérence n’est pas nécessaire dans une société démocratique. Elle relève que le système du service militaire obligatoire en Turquie impose aux citoyens une obligation susceptible d’engendrer de graves conséquences pour les objecteurs de conscience : il n’autorise aucune exemption pour raisons de conscience et donne lieu à de lourdes sanctions pénales pour les personnes qui, comme le requérant, refusent d’accomplir leur service militaire. Ainsi, l’ingérence litigieuse tire son origine non seulement des multiples condamnations dont le requérant a fait l’objet mais aussi de l’absence d’un service de remplacement. La Cour considère qu’un tel système ne ménage pas un juste équilibre entre l’intérêt de la société dans son ensemble et celui des objecteurs de conscience. Elle précise que la démobilisation du requérant n’affecte en rien ces constatations. Certes, l’intéressé, démobilisé, ne risque plus d’être poursuivi à cause de son refus d’effectuer le service militaire. Toutefois, la démobilisation du requérant n’est intervenue que par suite de l’apparition, au cours de son service militaire, d’un trouble psychologique ; ce qui selon la Cour est une illustration supplémentaire de la lourdeur de l’ingérence incriminée. Elle conclut donc à la violation de l’article 9. La Cour conclut également à la violation de l’article 3 concernant le séjour du requérant en prison car elle constate que le tribunal militaire avait considéré que les faits allégués de mauvais traitement étaient établis. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-108617 |