Document public
Titre : | Arrêt relatif au mauvais traitement infligé à une personne lors d'une garde à vue : Mehmet Ali Okur c. Turquie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 17/01/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 31869/06 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Turquie [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Garde à vue |
Résumé : |
Le requérant, soupçonné d’avoir commis des violences et d’avoir blessé par arme à feu un restaurateur, a été arrêté à son domicile dans la nuit de 3 février 2005 par des agents de la direction de la sûreté. Au cours de la nuit, la police a rédigé un procès verbal d’incident dans lequel elle a indiqué que le requérant, menotté, avait vivement protesté en se jetant à terre et contre le mur, à l’annonce qu’il serait remis à des agents de la section du crime organisé. Un rapport médical a été établi le 4 février en présence de deux policiers constatant quelques blessures. Trois jours plus tard, un certificat médical établit par l’institut médicolégal a fait aussi état d’ecchymoses en forme de rails sur le dos du requérant qui n’ont pas été mentionné dans le rapport du 4 février.
La Cour rappelle que lorsqu’une personne est blessée au cours d’une garde à vue, alors qu’elle se trouvait entièrement sous le contrôle de fonctionnaires de police, toute blessure survenue pendant cette période donne lieu à de fortes présomption de fait. Il appartient au gouvernement de fournir une explication plausible sur les origines de ces blessures et de produire des preuves établissant les faits qui font peser un doute sur les allégations de la victime, notamment si celles-ci sont étayées par des pièces médicales. En l’espèce, la Cour relève que le procès verbal sur lequel se fondait le gouvernement pour établir que le requérant s’était blessé lui-même n’était pas signé par ce dernier, qu’il ne donnait pas d’indications détaillées sur les circonstances dans lesquelles le requérant se serait infligé lui-même ses blessures ni de description, fût elle sommaire, des blessures occasionnées. La Cour souligne que l’examen médical, après l’arrestation du requérant, a été effectué en présence de deux policiers pour de raisons alléguées de sécurité et elle émet un sérieux doute quant à la fiabilité du rapport résultant de cet examen. Elle rappelle que l’examen médical qui constitue une des garanties fondamentales permettant de détecter et de prévenir les mauvais traitements qui risquent d’être infligés dans le but notamment d’extorquer les aveux aux personnes détenues, doit se faire en privé, sous le contrôle de l’expert médical et sans la présence d’agents de sécurité et autres fonctionnaires. Les considérations de sécurité peuvent rendre la présence policière nécessaire au cours de l’examen médical d’un gardé à vue, mais il faut que la nécessité d’une telle présence soit établie. En l’espèce, la Cour considère que tel n’est pas le cas. Elle s’appuie sur l’absence de circonstances laissant penser que le requérant représentait un risque pour le médecin s’il se trouvait seul avec lui, la déposition du médecin selon laquelle le requérant n’avait posé aucune difficulté et le fait que le gouvernement n’a pas évoqué de raisons liées à la sécurité. D’ailleurs elle considère qu’on ne peut pas reprocher au requérant de ne pas avoir mentionné les blessures dans le dos lors de cet examen médical, la présence de deux policiers avait pu avoir un effet dissuasif à cet égard. La Cour conclut, qu’au vu de l’ensemble des éléments soumis à son appréciation et de l’absence d’explication plausible de la part du gouvernement, elle juge établi que les ecchymoses en forme de rails relevées sur le corps du requérant ont pour origine un traitement dont le gouvernement porte la responsabilité. Il a donc eu violation de l’article 3. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-108694 |