Document public
Titre : | Arrêt relatif au placement d'un enfant en danger et à la déchéance de l'autorité parentale : Assuncao Chaves c. Portugal |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 31/01/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 61226/08 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Espagne [Géographie] Portugal [Mots-clés] Droit de visite [Mots-clés] Droit d'hébergement [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Placement [Mots-clés] Autorité parentale [Mots-clés] Adoption [Mots-clés] Situation de famille |
Résumé : |
Le requérant, ressortissant brésilien résidant au Portugal, est le père d’une fille née en septembre 2006. Inquiet pour la sécurité du nouveau-né, le personnel soignant de l’hôpital signale aux autorités que la mère de l’enfant souffre de problèmes de toxicomanie, d’oligophrénie et d’épilepsie et qu’elle refuse de se soumettre à un traitement médical. Faisant suite à ce signalement, l’autorité de protection de l’enfance ouvre alors une enquête et ordonne le maintien de l’enfant à l’hôpital. Le requérant et sa compagne acceptent l’intervention de cette autorité puis quelques jours plus tard quittent l’hôpital avec l’enfant sans autorisation et déclarent ne plus souhaiter l’intervention de l’autorité de protection de l’enfance. Fin septembre 2006, une procédure de protection de l’enfant en danger est mise en place et le placement de l’enfant est ordonné. Les parents rendent visite à leur fille régulièrement. En juin 2007, le requérant et la mère de l’enfant demandent le retour de leur fille au foyer familial. Le maintien de l’enfant auprès des services sociaux est ordonné notamment en raison du comportement agressif et l’instabilité psychique et émotionnelle du père ainsi que des conditions socio-familiales des parents. Dès la fin 2007, les parents cessent de rendre visite à leur fille toujours placée et en mai 2008, une demande de placement en vue de son adoption est sollicitée par le procureur de la république. En avril 2009, le juge déclare la déchéance de l’autorité parentale et l’interdiction de visite, s’appuyant notamment sur l’absence de contacts entre l’enfant et ses parents depuis fin 2007. En septembre 2009, une procédure de pré-adoption est ouverte.
Le requérant soutient que la procédure de protection, le placement institutionnel, la déchéance de son autorité parentale et l’orientation vers l’adoption de sa fille étaient contraire à l’article 8 de la Convention. La Cour, qui considère que l’éclatement d’une famille constitue une ingérence très grave, rappelle sa jurisprudence selon laquelle l’ingérence dans la vie familiale, telle que la prise en charge de la fille du requérant, ne méconnait pas l’article 8 si elle remplit certaines conditions énoncées par la Convention. Elle doit être prévue par la loi (en l’espèce, la loi portugaise prévoyait une telle prise en charge), poursuivre un but ou objectif légitime (sauvegarde de l’intérêt de l’enfant), être nécessaire dans une société démocratique et proportionnée au but poursuivi. Elle rappelle l’obligation positive découlant de l’article 8, selon laquelle les Etats doivent notamment prendre les mesures propres à réunir le parent avec son enfant. Un juste équilibre doit être établit entre les intérêts concurrents (intérêt de l’enfant de demeurer placé et celui du parent de vivre avec lui). Elle considère qu’à la suite du retrait d’un enfant en vue de sa prise en charge, des restrictions supplémentaires, qui risquent d’amputer les relations familiales entre l’enfant et ses parents, peuvent être apportées par les autorités (droit de visite des parents). Elle estime également que la prise en charge de l’enfant doit être considérée comme une mesure temporaire à suspendre dès que la situation s’y prête et tout acte d’exécution doit concorder avec un but ultime qui est d’unir à nouveau l’enfant et son parent. En l’espèce, la Cour relève qu’au départ, la prise en charge de l’enfant et son maintien initial en institution avait essentiellement pour origine de raisons médicales et ensuite le tribunal a pris notamment en compte la rupture des liens parent-enfant dès la fin de 2007. Elle observe que le requérant disposait d’un droit de visite et en déduit que la rupture de leurs liens était de l’entière responsabilité des parents, ceux-ci ayant notamment choisi d’établir leur résidence en Espagne. La Cour estime que le requérant n’a avancé aucune raison valable et impérieuse pour justifier un tel éloignement de sa fille qui faisait alors l’objet d’une mesure de protection aux conséquences particulièrement graves. Elle conclut que pour statuer le tribunal portugais s’est appuyé sur des motifs pertinents et suffisants, se justifiant par la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 8 de la Convention. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-108838 |