
Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que les condamnations pénales d’un frère en raison des relations incestueuses avec sa sœur biologique ne portent pas atteinte à sa vie privée : Stübing c. Allemagne |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 12/04/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 43547/08 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Allemagne [Mots-clés] Maintien des liens [Mots-clés] Inceste [Mots-clés] Liens familiaux [Mots-clés] Situation de famille |
Résumé : |
Le requérant a été placé à l’âge de trois ans dans une famille d’accueil qui l’a adopté à l’âge de sept ans. Il n’a repris contact avec ses parents biologiques qu’en 2000, alors âgé de 24 ans. A ce moment là, il a appris l’existence de sa sœur biologique âgée de 16 ans. Après le décès de leur mère biologique en décembre 2000, les contacts entre le requérant et sa sœur se sont intensifiés et ils ont eu des relations sexuelles consenties à partir de janvier 2001. Ils ont vécu en couple pendant plusieurs années et ont eu quatre enfants entre 2001 et 2005. Le requérant a été déclaré coupable à plusieurs reprises d’inceste et a été condamné à des peines d’emprisonnement. En s’appuyant sur une expertise selon laquelle la sœur du requérant était timide et introvertie et qu’elle se trouvait sous la coupe de son frère, le juge allemand a estimé qu’elle n’était que partiellement responsable de ses actes et ne lui a infligé aucune sanction. Invoquant l’article 8, le requérant allègue que ces condamnations ont porté atteinte à sa vie privée.
Pour savoir si l’ingérence dans la vie privée du requérant que constituaient ses condamnations pénales était « nécessaire dans une société démocratique », la Cour relève d’abord qu’il n’existe pas de consensus, au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe, sur la question de savoir si des relations sexuelles consenties entre adultes d’une même fratrie doivent être sanctionnée pénalement. Cette question relève de la marge d’appréciation des Etats et la majorité d’entre eux réprime pénalement ces faits. La Cour relève toutefois que même dans les Etats qui ne répriment pas pénalement ces relations incestueuses, il est interdit aux membres d’une même fratrie de se marier. Il existe donc un large consensus pour bannir les relations sexuelles entre membres d’une fratrie. La Cour souligne que cette affaire concerne une question touchant aux exigences de la morale, domaine pour lequel sa jurisprudence accorde une ample marge d’appréciation aux Etats, lorsqu’il n’existe pas un consensus entre eux. Elle rappelle qu’il lui appartient d’examiner la manière dont la législation allemande a été appliquée au requérant compte tenu des circonstances de l’espèce. Après avoir minutieusement analysé les arguments, la Cour constitutionnelle allemande a considéré que la condamnation du frère se justifiait au regard d’un ensemble d’objectifs (protection de la famille, autodétermination et santé publique) et de l’opinion générale favorable à la sanction de l’inceste. Elle a considéré que les relations sexuelles entre membres d’une même fratrie pouvaient gravement nuire aux structures familiales, et donc à la société toute entière. Les juges allemands ont relevé que la sœur souffrait d’un trouble de la personnalité et était très dépendante de son frère. Ils ont conclu qu’elle n’était que partiellement responsable de ses actes. Dans ces circonstances, la Cour européenne considère à l’unanimité que les tribunaux allemands n’ont pas excédé leur marge d’appréciation lorsqu’ils ont condamné le requérant. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 8 de la Convention. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-110314 |