Document public
Titre : | Arrêt relatif au caractère injustifié du recours à l’usage d’arme à feu par les forces de l’ordre pour arrêter un suspect fugitif : Ülüfer c. Turquie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 05/06/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 23038/07 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Turquie [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Décès [Mots-clés] Arme à feu |
Résumé : |
La requérante est une mère d’un suspect arrêté dans une affaire de vol et décédé à la suite des graves blessures occasionnées par balle tirée par l’un des gendarmes qui accompagnait le suspect alors que celui-ci tentait de s’échapper à la sortie de l’audience tenue au tribunal correctionnel. Le gendarme a été acquitté au motif qu’il avait agit en conformité avec les règles internes turques régissant l’utilisation des armes à feu en cas de nécessité. La requérante allègue que le décès de son fils est dû à un usage excessif de la force.
La Cour examine cette affaire sous l’angle de l’article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle estime notamment que le but légitime d’empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue et d’effectuer une arrestation régulière ne peut justifier de mettre en danger des vies humaines qu’en cas de nécessité absolue. En principe, dit la Cour, il ne peut y avoir une pareille nécessité lorsque l’on sait que la personne qui doit être arrêtée ne représente aucune menace pour la vie ou l’intégrité physique de quiconque et qu’elle n’est pas soupçonnée d’avoir commis une infraction à caractère violent, même s’il peut en résulter une impossibilité d’arrêter le fugitif. L’article 2 énonce les circonstances pouvant justifier d’infliger la mort mais il implique également le devoir primordial pour l’Etat d’assurer le droit à la vie en mettant en place un cadre juridique et administratif approprié définissant les circonstances limitées dans lesquelles les représentants de l’application des lois peuvent recourir à la force et faire usage d’armes à feu, compte tenu des lignes directrices internationales en la matière. Le droit national doit également offrir un système de garanties adéquates et effectives contre l’arbitraire et l’abus de la force. En l’espèce, la Cour relève que le fugitif était jugé pour des infractions à caractère non violent. Il était menotté et sans arme lorsque l’incident s’était produit et il n’est pas établit qu’avant le tir mortel, la victime avait un comportement susceptible d’être interprété comme représentant une menace réelle pour qui que ce soit. La Cour note que les dispositions de la législation turque telles que interprétées par les juridictions internes permettent l’usage de la force meurtrière pour arrêter un suspect fugitif dès lorsqu’il a refusé d’obtempérer et ne prévoyaient presque aucune garantie claire visant empêcher que la mort soit infligée de manière arbitraire. Un tel cadre juridique est fondamentalement insuffisant et se situe bien en deçà du niveau de protection « par la loi » du droit à la vie requis par la Convention dans les sociétés démocratiques aujourd’hui en Europe. En conséquence, la Cour considère, d’une part, que ce recours à la force meurtrière dans la présente affaire excessif et injustifié et d’autre part, que la Turquie a manqué de façon générale aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 2 en mettant en place un cadre juridique approprié sur l’usage de la force et des armes à feu par les membres des forces de l’ordre. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-111172 |