
Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que l’exécution d’une décision de retour d’un enfant déplacé illicitement par sa mère en Belgique, prise en méconnaissance des exigences procédurales de l’article 8, constituerait une violation du droit au respect de la vie familiale : B. c. Belgique |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 10/07/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 4320/11 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Etats-Unis [Géographie] Belgique [Mots-clés] Enlèvement parental [Mots-clés] Situation de famille |
Résumé : |
Les requérantes sont la mère et son enfant né en 2003 aux Etats-Unis d’une union avec un ressortissant américain. L’enfant y a vécu exclusivement avec sa mère jusqu’à l’âge de 4 ans. En mai 2008, le juge américain a constaté un accord de garde alternée entre les parents. Après avoir refusé de laisser l’enfant à son père car il ne voulait pas communiquer sa nouvelle adresse, la requérante a quitté les Etats-Unis avec l’enfant alors âgé de 5 ans en octobre 2008, sans autorisation du père ou du juge, pour s’installer en Belgique. Le juge américain a considéré que l’enfant a été enlevé et a donné temporairement la garde exclusive au père. En mars 2010, le juge belge refuse d’ordonner le retour de l’enfant aux Etats-Unis en estimant qu’il y serait exposé à des dangers physiques ou psychologiques. Les rapports d’une psychologue faisaient état du fait que séparer l’enfant de sa mère risquait d’affecter son développement psychologique et qu’il y avait un danger pour l’enfant à vivre avec son père en cas de retour forcé aux Etats-Unis. La Cour d’appel a annulé la décision en décembre 2010 et a ordonné le retour de l’enfant en ne retenant pas les différents rapports et expertises établis à l’initiative de la mère. En mars 2011, le père a tenté en vain d’enlever l’enfant de force à la sortie de l’école. En novembre 2011, le pourvoi formé par la mère devant la Cour de cassation a échoué. Invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), la mère estimait que le retour de l’enfant aux Etats-Unis le placerait dans une situation intolérable au sens de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.
La CEDH examine si l’ingérence dans la vie familiale des requérantes constituée par l’ordre de retour de l’enfant était nécessaire dans une société démocratique et poursuivait un but légitime. Elle relève que les juridictions belges n’ont pas été unanimes sur la question du risque de « situation intolérable » pour l’enfant dans l’hypothèse d’un retour aux Etats-Unis. La Cour d’appel belge a ordonné le retour, contre l’avis du ministère public qui avait recommandé des investigations supplémentaires. La CEDH estime qu’il y a eu une lacune procédurale qui a empêché de vérifier la réalité des risques invoqués car le juge belge, après avoir rejeté les rapports établis unilatéralement par la mère, n’a pas commandé d’autres expertises. En outre, la Cour d’appel a simplement constaté qu’il était invraisemblable que la mère retourne aux Etats-Unis, sans examiner la possibilité pour elle d’y accompagner sa fille ou la question de savoir si son refus de rentrer aux Etats-Unis était objectivement justifié. Par ailleurs, la CEDH note qu’au moment de la décision de la juridiction d’appel, l’enfant était en Belgique depuis plus de deux ans et était parfaitement intégré dans son cadre de vie et son milieu scolaire. Selon la Cour, cette intégration n’a pas été prise en compte par le juge belge au motif que la demande de retour avait été faite alors que l’enfant avait passé moins d’un an en Belgique. Tout en reconnaissant que le maintien de l’enfant en Belgique pendant 11 mois entre la décision de la cour d’appel et celle de la Cour de cassation résultait de la mesure provisoire sollicité par la CEDH, celle-ci estime que le facteur temps était un élément crucial pour l’évaluation des implications concrètes du retour. Il en résulte que, dans ces conditions, l’existence d’un risque au sens de l’article 13 b) de la Convention de La Haye ne pouvait être déterminée de manière claire par la Cour d’appel belge. La CEDH conclut donc que le retour forcé de l’enfant n’était pas nécessaire dans une société démocratique et que le processus décisionnel n’a pas satisfait aux exigences procédurales inhérente à l’article 8. Par 5 voix contre 2, la Cour conclut qu’il y aurait violation de l’article 8, si l’arrêt de la Cour d’appel était mis à exécution. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-112087 |