Document public
Titre : | Arrêt relatif au manquement des autorités espagnoles à mener une enquête effective sur l’allégation de mauvais traitements et de propos racistes tenus par des policiers à l’égard d’une prostituée d’origine étrangère : B.S. c. Espagne |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 24/07/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 47159/08 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Espagne [Mots-clés] Origine [Mots-clés] Race, Ethnie [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Propos déplacés [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Interpellation [Mots-clés] Enquête |
Résumé : |
La requérante d’origine nigérienne et résidant légalement en Espagne depuis 2003 a été interpellée à deux reprises en juillet 2005 par des policiers sur la voie publique où elle exerçait la prostitution. Elle allègue que les policiers l’ont agressée physiquement et ont proféré des propos racistes. Invoquant l’article 3 de la Convention européenne, la requérante se plaint devant la CEDH d’une part de ces mauvais traitements et d’autres part d’avoir été discriminée en raison de sa profession de prostituée, de la couleur de sa peau et du fait d’être une femme. Elle indique que d’autres femmes avec un « phénotype européen », exerçant la même activité dans le même secteur, n’ont pas été approchées par les forces de l’ordre. En outre, elle estime que l’enquête sur les faits n’a pas été effective.
La CEDH rappelle que lorsqu’un individu affirme avoir subi de la part de la police ou des services de l’Etat, des sévices contraires à l’article 3, cet article combiné avec l’article 1er de la Convention, requiert qu’il y ait une enquête officielle effective notamment pour identifier et punir les responsables. En l’espèce, la Cour considère que les investigations menées n’ont pas été suffisamment approfondies et effectives. En effet, les juges d’instruction se sont bornés à solliciter les comptes-rendus auprès de la direction générale de la police et se sont fondés exclusivement sur son rapport, émanant du supérieur hiérarchique des deux policiers, pour prononcer le non-lieu. En outre, la Cour considère que la demande de la requérante, rejetée par le juge d’instruction, visant à prendre des mesures afin de pouvoir identifier les responsables (identification à travers une glace sans tain ou remise des numéros d’identification des deux policiers en service les jours de l’interpellation de la victime) n’était pas superflue pour l’identification des responsables. Selon la Cour, l’audience publique tenue en mars 2008, durant laquelle les accusés n’ont pas été formellement identifiés par la requérante ne satisfait pas aux exigences de l’article 3 de la Convention. De même, les autorités n’ont pas enquêté sur les rapports médicaux constatant les blessures de la victime et les ont écartés (faute de date de leur rédaction et imprécision sur l’origine des blessures). Or selon la Cour, ces éléments justifiaient la nécessité d’actes d’investigations de la part des autorités judiciaires. La Cour souligne également qu’aucune démarche visant à identifier et à entendre les témoins n’a été entreprise. Concernant les mauvais traitements allégués par la victime, la Cour estime que les rapports médicaux ne sont pas concluants quant à l’origine des blessures et que les éléments du dossier ne permettent pas d’avoir une certitude, au-delà de tout doute raisonnable, sur la cause des lésions, pour conclure à la violation de l’article 3 dans son volet matériel. Toutefois, elle souligne que cette impossibilité découle en grande partie de l’absence d’enquête effective par les autorités. Enfin, sous l’angle de l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 3, la Cour considère que les autorités ont une obligation de moyens de rechercher s’il existe un lien entre des attitudes racistes et un acte de violence. En l’espèce, la Cour estime que les autorités n'ont pas satisfait à cette obligation car les tribunaux n’ont pas mené une enquête approfondie sur les attitudes prétendument racistes des policiers. Elle estime en outre que les décisions des juridictions internes n’ont pas pris en considération la vulnérabilité spécifique de la requérante, inhérente à sa qualité de femme africaine exerçant la prostitution. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-112456 |