
Document public
Titre : | Arrêt relatif à l’incohérence du système législatif italien qui n’autorise pas le dépistage préimplantatoire dans le but d’implanter uniquement un embryon non-atteint d’une maladie génétique, mais permet l’avortement des fœtus atteints : Costa et Pavan c. Italie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 28/08/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 54270/10 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Italie [Mots-clés] Règlementation des services publics [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Maternité [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Handicap [Mots-clés] Maladie [Mots-clés] Bioéthique [Mots-clés] Assistance médicale à la procréation (AMP) [Mots-clés] Interruption volontaire de grossesse (IVG) |
Résumé : |
Lors de la naissance de leur enfant en 2006 atteint d’une maladie génétique (mucoviscidose), les parents ont appris qu'ils étaient porteurs sains de cette maladie. En 2010, la femme a eu recours à un avortement thérapeutique après que le diagnostic prénatal ait révélé que le fœtus était aussi affecté par la maladie. Afin d’éviter de transmettre cette pathologie à leur futur enfant, le couple souhaitait avoir recours à la fécondation in vitro et au dépistage génétique préimplantatoire (DPI). Cependant, d'une part, la législation italienne interdit ce dépistage et d'autre part elle ne permet le recours à la procréation médicalement assistée qu'aux couples stériles et aux couples dont l’homme est atteint d’une maladie virale transmissible par voie sexuelle (VIH, hépatite B et C) afin d’éviter le risque de transmission de la pathologie à l’enfant. Invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), les requérants se plaignaient de ce que la seule voie qui leur était ouverte afin de mettre au monde un enfant qui ne soit pas affecté par la mucoviscidose était celle d’entamer une grossesse par les voies naturelles et de procéder à une interruption médicale de grossesse à chaque fois que le fœtus se révélait être malade. Sous l’angle de l’article 14 (interdiction de la discrimination), ils se disaient victimes d’une discrimination par rapport aux couples stériles ou infertiles et à ceux dont l’homme est atteint d’une maladie sexuellement transmissible.
D’abord, la Cour considère que le désir des requérants de mettre au monde un enfant qui ne soit pas atteint par la maladie génétique dont ils sont porteurs sains et de recourir pour ce faire à la procréation médicalement assistée (PMA) et au DPI relève de la protection de l’article 8 puisque pareil choix constitue une forme d’expression de leur vie privée et familiale. Ensuite, elle estime que l’interdiction législative qui leur est opposée constitue une ingérence dans la vie privée et familiale des requérants mais celle-ci est prévue par la loi et poursuit les buts légitimes de la protection de la morale et des droits et libertés d’autrui. Toutefois, concernant la nécessité de cette ingérence dans une société démocratique, la Cour estime que les arguments avancés par le gouvernement italien afin de justifier cette ingérence (la protection de la santé de l’enfant et de la femme, la dignité et de la liberté de conscience des professions médicales, le risque de dérives eugéniques) ne sont pas convaincants. La Cour estime qu’il y a une incohérence dans le système législatif italien qui interdit que seuls les embryons non-malades soient implantés, tout en autorisant l’avortement des fœtus atteints par la pathologie. Ainsi, la Cour ne voit pas comment la protection des ces intérêts se concilie avec la possibilité ouverte aux requérants de procéder à un avortement thérapeutique lorsqu’il s’avère que le fœtus est malade, compte tenu des conséquences pour le fœtus (dont le développement est plus avancé que celui d’un embryon) et pour le couple, notamment la femme. Elle conclut donc à l’unanimité que compte tenu de cette incohérence, l’ingérence dans le droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale a été disproportionnée et il y a eu violation de l’article 8 de la Convention. Concernant l’article 14, la Cour constate que l’accès au DPI est interdit à toute catégorie de personnes, le grief est donc rejeté comme étant manifestement mal fondé. |
ECLI : | CE:ECHR:2012:0828JUD005427010 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-112992 |