
Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que les juges belges qui ont fondé la condamnation pénale d'un requérant sur des éléments de preuve obtenues au Maroc sous la torture n'ont pas respecté le droit à un procès équitable : El Haski c. Belgique |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 25/09/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 649/08 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Belgique [Géographie] Maroc [Mots-clés] Procédure pénale [Mots-clés] Torture [Mots-clés] Preuve |
Résumé : |
Le requérant, un ressortissant marocain qui a fait l’objet d’un mandat d’arrêt extraditionnel international lancé en 2003 par le Maroc, est arrivé en Belgique en 2004 muni de faux documents d’identité. Il y a été arrêté et inculpé entre autres chefs, de participation à l’activité d’un groupe terroriste en tant que membre dirigeant, de faux et d’usage de faux et d’association de malfaiteurs. Il a été condamné en 2006 à une peine de sept ans d’emprisonnement. Invoquant l’article 6 de la Convention, il s’estime victime de violation de son droit à un procès équitable. Plus particulièrement, il se plaint du fait que les juridictions belges ont principalement et essentiellement fondé sa condamnation pour participation à une organisation terroriste sur des éléments de preuve viciés et obtenus dans des conditions incompatibles avec les exigences de la Convention.
Tout d’abord la Cour constate que les juridictions belges ont refusé d’appliquer la règle d’exclusion à des déclarations de tiers recueillies au Maroc par les autorités marocaines dans le cadre de procédures pénales qui ont été conduites dans ce pays notamment celles qui ont eu lieu à la suite des attentats de Casablanca en mai 2003. La Cour examine si le système judiciaire marocain offrait à l’époque des faits des garanties réelles d’examen indépendant, impartial et sérieux des allégations de torture ou de traitements inhumains ou dégradants et, dans la négative, s’il existait un « risque réel » que les déclarations litigieuses aient été obtenues par le biais de tels moyens. La Cour énonce que de nombreuses données (issus de plusieurs rapports des organisations internationales gouvernementales et non-gouvernementales) la conduisent à douter qu’à l’époque des faits le système marocain offrait de telles garanties. Les autorités marocaines n’avaient pas notamment conduit d'enquêtes sur les allégations de nombreuses personnes qui se plaignaient d’avoir subi des actes de torture et dont les divers rapports ont fait état. En conséquence, la Cour estime que les informations, issues de sources diverses, objectives et concordantes, établissent qu’il existait à l’époque des faits un « risque réel » que les déclarations litigieuses aient été obtenues au Maroc au moyen de traitements contraires à l’article 3 de la Convention. L’article 6 de la Convention imposait en conséquence aux juridictions internes de ne pas les retenir comme preuves, sauf à s’être préalablement assurées, au vu d’éléments spécifiques à la cause, qu’elles n’avaient pas été obtenues de cette manière. Or les juges belges ont considérés qu’en « se bornant à citer de manière générale des rapports d’organisations de défense des droits de l’homme », le requérant n’avait apporté aucun élément concret propre à susciter un « doute raisonnable » s’agissant de violences, tortures ou traitements inhumains ou dégradants dont seraient victimes les personnes auditionnées au Maroc. Cela suffit à la Cour pour conclure qu’en l’espèce, il y a eu violation de l’article 6, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si, comme le soutient le requérant, cette disposition a en sus été méconnue pour d’autres raisons. |
ECLI : | CE:ECHR:2012:0925JUD000064908 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-113336 |