Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que le refus d'adoption d'un enfant recueilli au titre d’une kafala n’est pas contraire au respect de la vie familiale : Harroudj c. France |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 04/10/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 43631/09 |
Note générale : | - Alexandre Boiché : "Le sort des enfants recueillis par kafala en matière d'adoption : la Cour européenne des droits de l'homme approuve la position prohibitive du droit français", AJ famille, n°11, Novembe 2012 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Origine [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Kafala [Mots-clés] Adoption [Mots-clés] Situation de famille |
Résumé : |
L’affaire concerne l’impossibilité pour une ressortissante française d’obtenir en France l’adoption d’un enfant algérien, abandonné à la naissance et sans filiation connue, qu’elle a recueilli en 2004 au titre de la « kafala », mesure judiciaire permettant le recueil légal d’un enfant en droit islamique mais qui interdit l’adoption. La demande d’adoption présentée en France par l’intéressée a été refusée car le code civil français exclut l’adoption d’un enfant dont le pays d’origine interdit l’adoption (sauf si l’enfant est né et réside habituellement en France). Invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), la requérante allègue que ce refus porte une atteinte disproportionnée à sa vie familiale. Sous l’angle de l’article 14 (interdiction de discrimination), elle estime qu’en se fondant sur le statut personnel de droit musulman de l’enfant, la loi française opère une discrimination injustifiée fondée sur l’origine nationale.
La CEDH estime qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8. Tout d’abord, la Cour relève qu’il n’existe pas de consensus sur cette question au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe. En effet, si aucun Etat n’assimile la kafala à une adoption, les situations sont variées et sont nuancées sur la question de savoir si la loi nationale de l’enfant mineur constitue un obstacle à l’adoption. La France a donc disposé d’une large marge d’appréciation pour ménager un juste équilibre entre les différents intérêts en cause. La Cour observe que le refus opposé à la requérante a été fondé sur le code civil français mais également en grande partie sur le respect des conventions internationales, dont la Convention internationale relative aux droits de l’enfant qui reconnaît expressément la kafala de droit islamique comme « protection de remplacement » au même titre que l’adoption. En conséquence, la Cour considère que la reconnaissance de la kafala par le droit international est un élément déterminant pour apprécier la manière dont les Etats réceptionnent dans leurs droits nationaux et envisagent les conflits de loi qui se présentent. Elle relève que la kafala est reconnue de plein droit par la France et qu’elle produit, dans le cas de la requérante qui a recueilli l’enfant sans filiation, des effets comparables à une tutelle, lui permettant de prendre toute décision dans l’intérêt de l’enfant. En outre, l’intéressée peut établir un testament pour faire entrer l’enfant dans la succession et choisir un tuteur en cas de décès. Enfin, le code civil français prévoit la possibilité pour cet enfant d’obtenir, dans un délai réduit, la nationalité française, et ainsi la faculté d’être adopté, puisqu’il a été recueilli en France par une personne de nationalité française. Il en résulte que, en prévoyant une exception à l’interdiction d’adoption pour les enfants nés et résidant en France, et en ouvrant rapidement l’accès à la nationalité française pour l’enfant recueilli en France par l’un de ses ressortissants, les autorités entendent favoriser l’intégration de ces enfants sans les couper immédiatement des règles de leur pays d’origine, respectant de cette manière le pluralisme culturel. En conséquence, la Cour juge à l’unanimité qu’un juste équilibre a été ménagé entre l’intérêt public et celui de la requérante, dont le droit au respect de sa vie privée et familial n’a pas été atteint. Eu égard à cette conclusion, la Cour estime qu’aucune question distincte ne se pose sous l’angle de l’article 14. |
ECLI : | CE:ECHR:2012:1004JUD004363109 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-113818 |