Document public
Titre : | Décision 2025-029 du 19 février 2025 relative au refus du bénéfice de la rupture conventionnelle ainsi qu’au bénéfice de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Discriminations et protection sociale dans l'emploi public, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 19/02/2025 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2025-029 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation individuelle et générale [Documents internes] Règlement en droit [Documents internes] Rappel des textes [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Carrière [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Sexe [Mots-clés] genre [Mots-clés] État de santé [Mots-clés] Congé parental [Mots-clés] Rupture conventionnelle |
Mots-clés: | Condition |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation d’une fonctionnaire, qui estime que le refus opposé par son administration locale à sa demande de rupture conventionnelle est fondé sur sa situation de famille et son sexe et serait ainsi constitutif d’une discrimination à son égard.
Son administration locale a rejeté sa demande de rupture conventionnelle au motif qu’elle n’avait pas perçu de rémunération au cours des douze mois précédant sa demande de rupture conventionnelle. Elle était en position de congé parental depuis trois ans. Toutefois, il ne résulte pas des dispositions en vigueur que le bénéfice de la rupture conventionnelle est conditionné à l’octroi d’une rémunération au cours des douze derniers mois précédant la demande de l’agent. L’administration a ainsi introduit une condition non prévue par les textes et qui vient traiter de manière moins favorable les agents placés en congé parental par rapport aux agents ayant perçu une rémunération sur la même période. Ainsi, ce motif de refus constitue une différence de traitement motivée par la situation de famille de la réclamante. Par ailleurs, il y a lieu de relever qu’un tel motif de refus affecte particulièrement les agents de sexe féminin. En effet, il ressort de plusieurs études statistiques que ce sont majoritairement des femmes qui prennent des congés parentaux : 94,6 % des fonctionnaires civils des ministères et 96,2 % des agents titulaires et contractuels de la fonction publique territoriale qui sont en congé parental, sont des femmes. Ces statistiques officielles et indiscutables permettent de démontrer une discrimination indirecte conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). L’administration centrale a expliqué ce refus en considérant qu’il résulte de l’impossibilité de mener à son terme le processus de négociation d’une rupture conventionnelle en l’absence de possibilité d’octroyer l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle à l’agent n’ayant bénéficié d’aucune rémunération dans l’année précédent. Or, cette impossibilité qui résulte effectivement de la règlementation applicable est sans lien avec la possibilité de bénéficier d’une rupture conventionnelle. Dès lors, la différence de traitement en raison de la situation de famille et du sexe de la réclamante résultant du rejet de sa demande de rupture conventionnelle car elle était placée en position de congé parental n’est pas justifiée et constitue une discrimination indirecte en raison de sa situation de famille et de son sexe. Enfin, l’administration centrale soutient également dans son courrier que la décision de refus contestée repose en fait sur des considérations liées aux nécessités de bon fonctionnement des services locaux en raison du nombre important de vacances d’emplois en catégorie B. Toutefois, conformément à la jurisprudence de la CEDH, un seul motif discriminatoire suffit pour considérer une décision fondée sur plusieurs motifs comme discriminatoire. Ainsi, quand bien même les nécessités de service invoquées par l’administration centrale seraient fondées, le refus opposé à la demande de rupture conventionnelle de la réclamante constitue en toute hypothèse une décision discriminatoire. En conclusion, la Défenseure des droits recommande à l’employeur public de se rapprocher de la réclamante en vue de procéder à la réparation de ses préjudices. Par ailleurs, en parallèle, compte-tenu des questions de droit posées par la situation de la réclamante, les services du Défenseur des droits ont invité la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) à présenter sa position sur le bénéfice de la rupture conventionnelle pour les agents placés en congé parental et, plus généralement, pour les agents n’ayant perçu aucune rémunération l’année précédant leur demande de rupture conventionnelle. La DGAFP a confirmé que les agents en congé parental, en disponibilité ou en congé sans rémunération n’étaient pas exclus du dispositif de la rupture conventionnelle mais qu’ils ne peuvent prétendre au bénéfice d’une indemnité de rupture conventionnelle (ISRC) dès lors qu’ils n’ont perçu aucune rémunération en cours de l’année civile précédant celle de la date de la demande de la rupture. La DGAFP estime que cette différence de traitement est justifiée par plusieurs buts légitimes et qu’elle est proportionnée à l’effet recherché puisque seule l’ISRC est impactée. Cependant, la Défenseure des droits constate alors que l’absence de versement de l’ISRC aux agents en congé parental et à ceux en disponibilité d’office pour raison de santé (DORS) depuis au moins un an à la date de la demande de rupture conventionnelle ne peut s’expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, la situation de famille et l’état de santé. Dès lors, les dispositions litigieuses sont constitutives d’une discrimination indirecte en raison du sexe, de la situation de famille ou de l’état de santé. Par conséquent, les modalités de calcul du montant de l’indemnité prévues par le décret du 31 décembre 2019 sont susceptibles de créer une discrimination indirecte fondée sur la situation de famille, le sexe ou l’état de santé en excluant du bénéfice de cette indemnité les agents en position de congé parental ou de disponibilité sans rémunération durant l’année précédant celle de la demande de rupture conventionnelle, et ce, sans tenir compte de leurs périodes d’activité ou de détachement antérieures ou de leur ancienneté de carrière en qualité d’agent public. Dès lors, la Défenseure des droits décide de recommander au Ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification de modifier les modalités de calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle prévues par le décret n° 2019-1596 du 31 décembre 2019 relatif à l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle dans la fonction publique et portant diverses dispositions relatives aux dispositifs indemnitaires d'accompagnement des agents dans leurs transitions professionnelles. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Discrimination - Egalité;Emploi |
Cite : |
|
Documents numériques (1)
![]() DEC_DDD_20250219_2025-029 Adobe Acrobat PDF |