Document public
Titre : | Arrêt relatif à l’impossibilité pour une adolescente, victime de viol, d’accéder sans entrave à l’avortement : P. et S. c. Pologne |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 30/10/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 57375/08 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Pologne [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Accès aux soins [Mots-clés] Interruption volontaire de grossesse (IVG) [Mots-clés] Violence sexuelle |
Résumé : |
L’affaire concerne les difficultés rencontrées par une adolescente, enceinte à la suite d’un viol, pour bénéficier d’un avortement, eu égard en particulier à l’absence de cadre législatif clair, aux tergiversations du personnel médical et au harcèlement subie par l’intéressée puisque l’hôpital avait révélé les informations sur l’affaire au public. Les requérantes, la mère et sa fille soutiennent que ces difficultés ont emportés la violation de leurs droits découlant des articles 3 (interdiction du traitement inhumain et dégradant), et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) ainsi que de l’article 5§1 puisque l’adolescente a été placée dans un foyer d’hébergement pour mineurs, puis dans un hôpital.
Concernant l’impossibilité d’accéder sans entrave à l’avortement examiné sous l’angle de l’article 8, la CEDH énonce que les Etats sont tenus d'organiser leur système de santé de manière à ce que l'exercice du droit des médecins de refuser d’exercer certains services pour des motifs de conscience n'empêche pas les patients d’avoir accès aux services auxquels ils ont légalement droit (tout médecin a en principe l’obligation de renvoyer le patient à un confrère proposant le même service). Or il n'a pas été démontré que ces conditions aient été respectées en l’espèce. Les requérantes ont reçu des informations trompeuses et contradictoires, n'ont bénéficié d'aucun conseil médical objectif et n’ont disposé d'aucune procédure définie qui leur aurait permis de faire entendre leurs arguments. La Cour a déjà jugé dans une autre affaire concernant la Pologne que les dispositions du droit civil, telles qu'appliquées par les juridictions polonaises, ne permettaient pas de disposer d'un instrument procédural par lequel une femme enceinte souhaitant avorter pouvait défendre convenablement son droit au respect de sa vie privée. Elle estime qu'un accès effectif à des informations fiables sur les conditions dans lesquelles un avortement est légalement autorisé et sur les procédures correspondantes, a une influence directe sur l'exercice de l'autonomie personnelle. Le facteur temps revêt une importance cruciale dans la décision d'une femme de mettre fin ou non à une grossesse. L'incertitude à laquelle l’adolescente a dû faire face alors même que, dans les circonstances, la loi polonaise sur le planning familial lui donnait le droit d’avorter légalement, a mis à jour un écart saisissant entre le droit théorique et la réalité de sa mise en œuvre. Elle conclut donc à la violation de l’article 8 concernant les conditions permettant d’accéder légalement à un avortement et concernant la divulgation de leurs données. Le fait que la question de l’accès légal à l’avortement fasse l’objet en Pologne d’intenses débats ne dispense pas le personnel médical de respecter ses obligations professionnelles concernant le secret médical. En outre, la Cour juge qu’il y a eu violation de l’article 5§1 de la Convention concernant le placement de l’adolescente dans un foyer qui visait essentiellement à la séparer de ses parents et à empêcher l’avortement. Les autorités auraient dû envisager des mesures moins radicales si elles estimaient que l’avortement allait être effectué contre la volonté de l’adolescente. Enfin, elle conclut à la violation de l’article 3 de la Convention. Alors qu’elle se trouvait en situation de grande vulnérabilité à la suite du viol, l’adolescente et sa mère ont subi des pressions considérables (la mère a dû signer un formulaire de consentement à l’avortement l’avertissant que sa fille pourrait en mourir et l’adolescente a été poursuivie pénalement pour rapports sexuels illicites). |
ECLI : | CE:ECHR:2012:1030JUD005737508 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-114098 |