Document public
Titre : | Décision 2024-127 du 25 septembre 2024 relative au refus d’agrément opposé au candidat à un emploi de policier en raison de la marque sur son front résultant de sa pratique assidue de la prière musulmane |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Fonction publique, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 25/09/2024 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2024-127 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Religion - Croyances [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Laïcité [Mots-clés] Embauche [Mots-clés] Islam [Mots-clés] Professionnel de la sécurité [Mots-clés] Police nationale |
Mots-clés: | Enquête administrative |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi par un candidat à un emploi de policier dont la candidature n’a pas été agréée au terme de l’enquête administrative prévue par les dispositions de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure.
Dans le cadre de cette enquête, le candidat avait été convoqué à un entretien au cours duquel il avait notamment été interrogé sur l’origine de l’hyperkératose brunâtre présente sur son front. Il aurait alors indiqué qu’il s’agissait d’une tabaâ, un épaississement de l’épiderme frontal dû à la prosternation répétée au cours de la prière pratiquée conformément aux rites musulmans. L’autorité administrative a considéré, d’une part, que la présence de cette marque sur une personne aussi jeune révélait un possible risque de repli identitaire. Elle a estimé, d’autre part, que la tabaâ du candidat était incompatible avec ses obligations futures de neutralité et de laïcité. Elle a refusé d’agréer le candidat pour ces motifs. Au terme d’une enquête contradictoire, le Défenseur des droits a considéré, en application du principe d’aménagement de la charge de la preuve, que l’administration n’apportait pas d’éléments suffisants pour établir l’un ou l’autre de ces motifs. En premier lieu, le Défenseur des droits a estimé que la circonstance tenant, le cas échéant, à la pratique assidue de la prière musulmane par le candidat ne permettait pas, à elle seule, de faire craindre un risque de radicalisation (voir en ce sens le jugement n° 2209020 du tribunal administratif du 17 mai 2024 devenu définitif). En second lieu, le Défenseur des droits a relevé que l’administration s’est bornée à constater que le candidat présentait lors du processus de recrutement une tabaâ, que cette marque est un signe de piété dès lors qu’elle est liée à une pratique régulière de la prière selon le rite musulman et que le fait de porter cette marque est incompatible avec les fonctions de policier. En procédant de la sorte, l’administration s’est arrêtée au stade du constat de la présence de la tabaâ lors du processus de recrutement et en a déduit le non-respect par le candidat de l’obligation de neutralité et du principe de laïcité alors même qu’il n’aurait été soumis à ces obligations qu’une fois en poste. Aucune disposition législative ou réglementaire n’interdit à un candidat à un emploi public le port d’un signe religieux lors d’un entretien de recrutement. En présence d’un tel signe, il semble en revanche nécessaire d’échanger avec lui sur les obligations de neutralité incombant à l’agent public et sur ce qu’il envisage de faire pour respecter l’obligation de neutralité et le principe de laïcité dans l’hypothèse où il serait recruté. Or, en l’espèce, l’administration n’a pas produit d’élément permettant d’établir que le comportement de l’intéressé traduisait une incapacité individuelle à remplir les fonctions postulées dans le respect du principe de neutralité. Au surplus, le candidat évincé a expliqué aux services du Défenseur des droits, que dans le cas où la marque sur son front aurait été jugée incompatible avec les obligations de neutralité et de laïcité, il aurait été disposé à la dissimuler notamment à l’aide de maquillage durant l’exercice de ses fonctions. Par suite, la Défenseure des droits a considéré que le refus d’agrément présentait un caractère discriminatoire dès lors qu’il reposait sur la seule pratique religieuse assidue du candidat, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 131-1 du code général de la fonction publique et des articles 1er et 2 de la loi du 27 mai 2008. |
Suivi de la décision : | La cour administrative d’appel a estimé que si la tabâa constitue un signe d’appartenance religieuse, elle n’est que la conséquence physique d’une pratique religieuse exercée dans le cadre privé. Elle a ensuite considéré qu’en l’espèce, aucune pièce du dossier n’établit qu’elle aurait été recherchée à titre de signe distinctif et que cette marque ne peut être regardée en tant que telle comme traduisant la volonté du réclamant de manifester ses croyances religieuses. Elle en déduit que la présence de la tabâa sur le front du réclamant n’est pas à elle seule de nature à établir un risque de repli identitaire. Elle n’est pas davantage de nature à établir que sa candidature serait pour ce motif incompatible avec les principes de laïcité et de neutralité et que le réclamant ne présentait pas les garanties requises pour l’exercice des fonctions envisagées. En conséquence, elle a annulé la décision préfectorale et le jugement de première instance. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Discrimination - Egalité;Laïcité - Religion |
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