Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que la législation britannique permettant de licencier un salarié uniquement en raison de son appartenance à un parti politique est potentiellement génératrice d’abus : Redfearn c. Royaume-Uni |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 06/11/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 47335/06 |
Note générale : | - Nicolas Hervieu, "Un fragile veto européen face aux licenciements fondés sur les convictions politiques", Lettre Actualités Droits-Libertés du CREDOF, 18 novembre 2012 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Licenciement [Mots-clés] Opinions politiques |
Résumé : |
Le requérant a été employé en décembre 2003 par une société privée comme chauffeur pour personnes handicapées, essentiellement d’origine asiatique. Son travail a été très apprécié par son supérieur hiérarchique (d’origine asiatique) et personne ne s’était jamais plaint de son travail. A la suite de révélations parues dans un journal local concernant l’affiliation du requérant à un parti d’extrême droite (qui à l’époque des faits n’était ouvert qu’aux ressortissants britanniques de race blanche), plusieurs syndicats et les employés de la société ont reproché à celle-ci de continuer à employer le requérant. En juin 2004, lorsque l’intéressé a été élu conseiller local du parti, il a fait l’objet d’une procédure de licenciement. Le requérant a saisi le tribunal d’une plainte pour discrimination raciale, mais il a été débouté. Relevant que le fait pour la société de continuer à employer le requérant aurait pu provoquer une angoisse considérable chez les passagers de la société et chez leurs soignants, et qu’il y avait un risque que les véhicules de la société se fassent attaquer par des opposants au parti radical, le tribunal du travail a conclu que l’intéressé n’avait fait l’objet d’aucune discrimination. Le requérant a contesté son licenciement mais en vain. La législation britannique sur les droits liés au travail exige d’être employé depuis au moins un an pour pouvoir présenter une plainte pour licenciement abusif (sauf lorsque le licenciement est motivé par la grossesse, la race, le sexe ou la religion mais non par l’affiliation ou les opinions politiques). Invoquant les articles 10 (liberté d’expression) et 11 (liberté de réunion) de la Convention européenne, le requérant se plaint que son licenciement a entrainé une ingérence disproportionnée dans son droit à la liberté d’expression et de réunion.
La Cour examine l’affaire sous l’angle de l’article 11. Elle estime qu’il est important de regarder les conséquences du licenciement du requérant, qui, âgé de 56 ans, aura certainement des difficultés à retrouver un autre emploi. Elle trouve frappant que l’intéressé ait été licencié de manière sommaire, à la suite de plaintes concernant des problèmes qui ne se sont jamais concrétisés, sans qu’apparemment la possibilité de transférer l’intéressé sur un autre poste où il n’aurait pas été en relation avec les clients n’ait été examinée. Après avoir rappelé sa jurisprudence selon laquelle dans une société démocratique et pluraliste saine, le droit à la liberté d’association s’applique également aux personnes dont les idées heurtent, choquent ou inquiètent, elle examine les recours internes offerts au requérant, et elle conclut que la législation britannique ne lui a pas offert une protection contre l’ingérence dans son droit à la liberté de réunion et d’association. Il incombe donc au Royaume-Uni de prendre des mesures raisonnables pour protéger les salariées, y compris ceux qui occupent un emploi depuis moins d’un an, d’un licenciement fondé sur leurs opinions ou leur affiliation politiques, soit en créant une autre exception à la période minimale d’emploi prévue par la législation en question, soit en introduisant un recours exempt de conditions pour discrimination illégale fondée sur les opinions ou l’affiliation politique. Un système juridique qui permet de licencier un salarié uniquement en raison de son appartenance à un parti politique est potentiellement générateur d’abus et donc intrinsèquement déficient, il y donc violation de l’article 11. Compte tenu de cette conclusion, elle estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner l’affaire sous l’angle de l’article 14 combiné avec les articles 11. |
ECLI : | CE:ECHR:2012:1106JUD004733506 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-114240 |