
Document public
Titre : | Arrêt relatif au caractère disproportionné d'une mesure d'expulsion d'une mère de famille condamnée pour mendicité : Hamidovic c. Italie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 04/12/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 31956/05 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Italie [Géographie] Bosnie-Herzégovine [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Maintien des liens [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Roms [Mots-clés] Origine [Mots-clés] Reconduite à la frontière [Mots-clés] Infraction [Mots-clés] Parent [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Titre de séjour |
Résumé : |
La requérante, une ressortissante bosniaque d’origine rom, réside avec son mari et ses cinq enfants en Italie dans un camp pour nomade. Après un premier séjour régulier pendant près de deux ans entre 1996 et 1997, sa demande visant le renouvellement de son permis de séjour a été rejetée en 1999 au motif qu’elle avait commis des infractions pénales. A la suite d’un contrôle d’identité en juillet 2005, elle a été placé en centre de rétention, puis expulsée du territoire pour séjour irrégulier. Invoquant l’article 8 de la Convention, elle se plaint que son expulsion vers la Bosnie-Herzégovine en septembre 2005 a entraîné la violation de son droit au respect de sa vie privée et familiale car elle a été obligée de quitter son mari et ses enfants restés en Italie (avant de revenir en novembre 2006). Elle a été expulsée malgré une mesure provisoire prise par la CEDH pour suspendre son expulsion sur le fondement de l’article 39 de la Convention.
Après avoir relevé que la mesure d’expulsion dont la requérante a fait l’objet a constitué une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée et familiale, a été prévu par la loi et poursuivait un but légitime (sûreté publique et la défense de l’ordre public), la CEDH estime qu’en l’espèce, cette mesure n’était pas proportionnée au but poursuivi. Elle applique les critères établis par sa jurisprudence concernant le respect des obligations découlant de l’article 8 de la Convention en matière d’interdiction du territoire à la suite d’une condamnation pénale et de respect de la législation sur l’immigration, à savoir : la nature et la gravité de l’infraction commise ; la durée du séjour de l’intéressée dans le pays dont il doit être expulsé ; sa situation familiale ; la naissance des enfants et leur âge ; l’étendu des liens avec le pays ; la question de savoir s’il existe ou non des obstacles insurmontables à ce que la famille vive dans le pays d’origine ainsi que celle de savoir si la vie familiale en cause s’est développée à une époque où les personnes concernées savaient que la situation de l’une d’elles au regard des règles d’immigration était telle qu’il était immédiatement clair que le maintien de cette vie familiale au sein de l’Etat hôte revêtirait d’emblée un caractère précaire. En l’espèce, la requérante a été condamnée une fois pour mendicité avec utilisation de mineurs à une peine de réclusion, remplacée par la suite par une amende. Cette infraction n’est pas de nature « grave » au sens de la jurisprudence de la CEDH. D’autres procédures pénales engagées à son encontre pour des faits similaires ont été classées sans suite. L’intéressée vit en Italie depuis l’âge de 10 ans, s’est mariée et a cinq enfants. Même en concédant qu’elle n’a pas fourni la preuve d’une scolarisation continue et effective de ses enfants, la Cour relève que l’ensemble de la famille a vécu sans interruption jusqu’à ce jour en Italie et la possibilité pour toute la famille de s’établir en Bosnie-Herzégovine pour y rejoindre la requérante est donc peu réaliste, les enfants n’ayant aucune attache dans ce pays. Certes, la requérante résidait de façon irrégulière en Italie au moment où elle fait l’objet d’un arrêté d’expulsion et elle ne pouvait pas ignorer la précarité qui en découlait. Toutefois, selon la Cour, il n’en demeure pas moins qu’elle a obtenu un permis de séjour pendant une courte période en 1996-1997 et qu’elle est à présente titulaire d’un permis de séjour valable jusqu’au 14 décembre 2013. La Cour estime donc que la requérante n’était pas dans une situation où elle ne pouvait à aucun moment raisonnablement s’attendre à pouvoir continuer sa vie familiale dans le pays hôte. Enfin, elle a été expulsée en dépit de l’application de l’article 39 de la Convention. |
ECLI : | CE:ECHR:2012:1204JUD003195605 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-114949 |