Document public
Titre : | Trois arrêts relatifs aux mutilations sexuelles et aux conditions d'octroi du statut de réfugiée ou du bénéfice de la protection subsidiaire |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Conseil d'État |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 21/12/2012 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 332491; 332492; 332607 |
Note générale : | - Guillaume Cholet, « Droit d’asile : Le Conseil d’Etat aux prises avec les mutilations génitales féminines », Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 18 février 2013 - Edouard Crepey, "Menaces d'excision et qualité de réfugié", RFDA, n°3, mai-juin 2013 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Violence sexuelle [Mots-clés] Asile |
Résumé : |
Ces trois affaires jugées le même jour par l’Assemblée du contentieux du Conseil d’Etat concernent les mutilations sexuelles et les conditions d'admission au statut de réfugiées des mères ou de leurs filles originaires des pays où ces pratiques sont courantes. Dans la première affaire (n° 332491), l’Office français de protection de réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté la demande d’une mère visant l’admission de sa fille au statut de réfugiée au titre de l’appartenance à un groupe social au sens de la Convention de Genève de 1951. Ce rejet a été confirmé par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) qui s’est fondée sur ce que la mineure, née en France, ne pouvait, compte tenu de son jeune âge, manifester son refus de la pratique des mutilations sexuelles. La mère conteste ces décisions devant le Conseil d’Etat. Ce dernier rappelle qu’un groupe social au sens de la Convention de Genève et la directive de 2004 est constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, ou une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions et que l’appartenance à un tel groupe est un fait social objectif qui ne dépend pas de la manifestation par ses membres, ou s’ils ne sont pas en mesure de le faire, par leurs proches, de leur appartenance à ce groupe. Il en résulte que, dans une population dans laquelle les mutilations sexuelles féminines sont couramment pratiquées au point de constituer une norme sociale, les enfants et les adolescentes non mutilées constituent de ce fait un groupe social. Cependant, il appartient à la personne qui sollicite l'admission au statut de réfugiée en se prévalant de son appartenance à un groupe social de fournir l'ensemble des éléments circonstanciés, notamment familiaux, géographiques, sociologiques, relatifs aux risques qu'elle encourt personnellement de manière à permettre à l'OFPRA et le cas échéant, au juge de l'asile d'apprécier le bien-fondé de sa demande. Le Conseil précise qu'en outre, l'admission au statut de réfugié peut légalement être refusée lorsque l'intéressé peut avoir accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine, à laquelle il est en mesure, en toute sûreté, d'accéder afin de s'y établir et d'y mener une vie familiale normale. En l'espèce, le Conseil d'Etat censure la décision de la CNDA car elle a subordonné la reconnaissance de la qualité de réfugié comme membre d’un groupe social à l’exigence que la mineure en cause ait manifesté appartenance à ce groupe et a donc entaché sa décision d’erreur de droit en ce qui concerne tant la définition du groupe social que l’établissement du lien d’appartenance de cette personne à celui-ci. Dans la seconde affaire (n° 332492), le Conseil d’Etat rejette la requête d’une requérante, mère d’origine ivoirienne d’une enfante mineure née en France qui refusait que sa fille soit excisée et qui s’était vu rejeter sa demande d’admission au statut de réfugiée. Le Conseil d’Etat juge que c’est à bon droit que par une décision fondée sur des motifs suffisants et exempts de contradiction et de dénaturation, la CNDA a rejeté le recours de l’intéressée contre la décision de l’OFPRA, en relevant qu’il n’était pas établi que l’intéressée pourrait, du fait de son opposition aux mutilations sexuelles auxquelles sa fille serait exposée si elle retournait avec elle en Côte d’Ivoire, être regardée comme relevant d’un groupe social et susceptible à ce titre d’être personnellement exposée à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Dans la troisième affaire (n° 332607), la CNDA a annulé la décision de l’OFPRA rejetant la demande d’une mère également d’origine ivoirienne et dont la fille est née en France visant son admission au statut de réfugié. En outre, la CNDA a octroyé à l’intéressée le bénéfice de la protection subsidiaire (qui peut être accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et qui établit qu’elle est exposée dans son pays à certaines menaces graves, dont la torture ou les traitements inhumains ou dégradants). La CNDA a estimé que l’intéressée encourait des risques d’être exposée à un traitement inhumain ou dégradant du fait de sa volonté de soustraire sa fille à la pratique des mutilations sexuelles féminines, pratique traditionnellement répandue en Côte d’Ivoire, en particulier au sein de la communauté à laquelle elle appartient. L’OFPRA demande l’annulation de cette décision. Le Conseil d’Etat fait droit à cette demande en reprochant à la CNDA d’avoir jugé ainsi sans rechercher si l’intéressée pouvait craindre sérieusement d’être exposée directement et personnellement, en cas de retour dans son pays d’origine, à un traitement justifiant l’octroi de la protection subsidiaire. |