Document public
Titre : | Décision 2024-168 du 6 novembre 2024 relative aux refus de visas de long séjour au titre de la réunification familiale opposés aux fils mineurs de la réclamante, dont l’une des filles, également mineure, bénéficie de la protection internationale en France |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Droits fondamentaux des étrangers, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 06/11/2024 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2024-168 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Visa [Mots-clés] Regroupement familial |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation relative aux refus de visas de long séjour au titre de la réunification familiale opposés aux fils mineurs de la réclamante, dont l’une des filles, également mineure, bénéficie de la protection internationale en France.
La réclamante a quitté son pays d’origine pour échapper à un mariage forcé, en confiant ses deux enfants à une proche. Une fois en France, elle a donné naissance à son troisième enfant, de père inconnu. Cette enfant s’est vu octroyer le statut de réfugié par décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), en raison du risque de mutilations génitales auquel elle se trouve exposée en cas de retour dans le pays dont elle a la nationalité. Elle est également sujette à une pathologie grave. La réclamante s’est quant à elle vue délivrer une carte de résident en qualité de membre de famille de bénéficiaire de la protection internationale (BPI). Elle a donné naissance en France à deux autres petites filles actuellement âgées de deux et trois ans et également non reconnues par leur père. Après avoir régularisé sa situation, la réclamante a engagé des démarches en vue de permettre à ses deux fils aînés de la rejoindre en France : elle a déposé pour eux des demandes de visas de long séjour au titre de la réunification familiale. Celles-ci ont été rejetées au motif que la preuve de la protection accordée par l’OFPRA à sa fille n’était pas rapportée. La réclamante a formé contre ces refus un recours préalable obligatoire devant la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France (CRRV). Ce recours a été rejeté par une décision implicite. Elle a alors saisi le tribunal administratif de Nantes d’un recours en annulation. Le ministère de l’intérieur a sollicité une substitution du motif de refus : dans son mémoire en défense, il a indiqué que les refus de visas opposés aux enfants étaient fondés sur le fait que le lien familial des enfants avec la personne réfugiée – en l’occurrence leur sœur – ne correspondait pas à l’un des cas énoncés à l’article L.561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) comme ouvrant droit à un visa au titre de la réunification familiale. Le juge administratif a rejeté la requête de la réclamante en confirmant que ses fils ne pouvaient prétendre à la réunification familiale dès lors que leurs demandes de visa ne visaient pas à accompagner un ascendant direct au premier degré. Par ailleurs, il conclut que les refus de visa ne portent pas atteinte à l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’Enfant (CIDE) ni de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, car la réclamante n’apporterait pas d’éléments permettant de justifier l’existence d’une relation matérielle et affective aves ses deux enfants depuis son arrivée en France. Cette dernière a fait appel de ce jugement devant la cour administrative d’appel de Nantes. Après avoir présenté sa position en faits et en droit à la sous-direction des visas dans le cadre d’une démarche contradictoire, la Défenseure des droits a transmis une décision portant observations devant la Cour administrative d’appel de Nantes. Dans sa décision 2024-168, la Défenseure des droits a conclu que les refus de visas opposés aux fils aînés de la réclamante méconnaissent les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la CIDE. À cet égard, le Défenseur des droits a relevé que les refus de visas, bien que justifiés au regard de la stricte application des dispositifs législatifs en vigueur, consacrent dans les faits la séparation définitive de la famille puisque la procédure de regroupement familial n’est pas accessible à la famille au regard des faibles ressources de la réclamante. Dès lors, les refus de visas poussent l’intéressée à faire un choix impossible : repartir dans son pays d’origine pour rejoindre ses aînés avec sa fille malgré le risque de mutilation auquel l’enfant se trouve exposée ou repartir en laissant seule en France sa fille de 5 ans nécessitant des soins quotidiens, ainsi que ses deux autres petites filles. Par ailleurs, il a soulevé le fait que la délivrance des visas est commandée par le droit au respect de la vie privée et familiale (CAA Nantes, 22 juillet 2022, n°22NT00552), mais aussi par l’intérêt supérieur des enfants qui est en principe de vivre auprès de la personne titulaire à son égard de l'autorité parentale (CE, 28 décembre 2007, n°304202 ; 9 décembre 2009, n°305031 ; 7 février 2013, n°347936). |
Suivi de la décision : |
Par une décision du 1er avril 2025, la Cour administrative d’appel de Nantes a d’abord relevé que la situation médicale de la jeune sœur des demandeurs pourrait être améliorée du fait de la présence de l’un de ses demi-frères sur le territoire français ; et d’autre part, que la situation familiale et financière de la réclamante compromettait grandement ses chances de pouvoir rendre visite à ses enfants en Guinée. Par-là, elle a conclu à une atteinte aux articles 3-1 de la CIDE et 8 de la convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales. En conséquence, elle a annulé le jugement de première instance et a enjoint le ministère de l’Intérieur de délivrer aux demandeurs les visas sollicités, dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etrangers - Migrants |
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