Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que les autorités croates n'ont pas apportés les garanties suffisantes pour protéger la vie familiale d'une mère déchue de ses droits parentaux en raison de ses troubles mentaux légers et de son enfant adopté à son insu : A.K. et L. c. Croatie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 08/01/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 37956/11 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Croatie [Mots-clés] Handicap [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Placement [Mots-clés] Adoption [Mots-clés] Autorité parentale |
Résumé : |
Les requérantes sont la mère, présentant des troubles mentaux légers (défaut d’élocution et un vocabulaire limité), et son fils né en 2008. L’enfant a été placé dans une famille d’accueil immédiatement après sa naissance, avec le consentement de la mère, âgée de 21 ans, au motif que celle-ci était au chômage et qu’elle suivait un programme scolaire pour personnes ayant des besoins particuliers. Elle a été déchue de ses droits parentaux alors que l’enfant était âgé de 17 mois et celui-ci fut alors placé en vue d’adoption. La demande de la mère visant à rétablir ses droits parentaux, comme le permettait le droit national, a été rejetée car l’enfant a été adopté entre-temps suite à une procédure dont la mère n’était pas informée. Invoquant l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privée et familiale), la mère se plaint qu’elle n’a pas été représentée dans la procédure judiciaire qui a abouti à une décision la privant des droits parentaux au motif qu’elle présentait des troubles mentaux légers, et que son fils a été placé en vue d’adoption à son insu, sans son consentement et sans sa participation à la procédure d’adoption.
La CEDH rappelle que les mesures très restrictives, telles que la déchéance de droits parentaux ou la mise en adoption d’un enfant se traduisant par une rupture de relation parent-enfant, constituent une ingérence dans le droit des requérants au respect de leur vie familiale. Elle admet que les décisions en cause visaient à protéger l’intérêt supérieur de l’enfant, qui est un objectif légitime au sens de l’article 8. La Cour énonce qu’il ne s’agit pas savoir si l’adoption de l’enfant était justifiée en tant que telle mais de déterminer si tout au long de la procédure qui a aboutie à la séparation entre l’enfant et sa mère, les garanties suffisantes de protection de la vie familiale de deux requérants ont été apportées. Or, la Cour note que contrairement à ce que prévoit la loi croate, la mère atteinte d’une déficience mentale légère, n’était pas représentée dans la procédure relative à la déchéance de ses droits parentaux. La CEDH estime qu’il est difficile d’accepter qu’une personne souffrant d’un défaut d’élocution et du vocabulaire limité, (fait sur lequel se sont appuyées les autorités qui craignaient qu’elle ne puisse pas apprendre à son enfant à parler correctement), était en mesure de faire valoir sa cause devant le tribunal dans la procédure concernant ses droits parentaux. En outre, elle accepte le fait que le consentement de la mère n’était pas nécessaire dans la procédure d’adoption compte tenu du fait qu’elle était déchue de ses droits parentaux. Cependant, elle considère que lorsqu’un système national, tel qu’en Croatie, permet que les droits parentaux puissent être restaurés, il est indispensable que le parent puisse exercer ce droit avant que l’enfant ne soit mis en adoption. En l’espèce, la mère n’était pas informée de la procédure d’adoption par les autorités nationales ce qui l’a privé de la possibilité de demander le rétablissement de ses droits parentaux avant que les liens avec son enfant ne soient rompus par l’adoption de celui-ci. La Cour conclut qu’il n’y a pas eu de garanties suffisantes à tous les stades du processus de la rupture des liens entre la mère et son enfant. Il y a donc eu violation de l’article 8 de la Convention et compte tenu de cette conclusion il n'est pas nécessaire d'examiner l'affaire sous l'angle de l'article 14 (interdiction de discrimination). |
ECLI : | CE:ECHR:2013:0108JUD003795611 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-115868 |