Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'impossibilité pour un enfant de faire établir légalement la paternité de son père biologique en raison du délai de prescription appliqué de manière strict et sans examen des différents intérêts en cause : Laakso c. Finlande |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 15/01/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 7361/05 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Prescription [Mots-clés] Filiation [Mots-clés] Accès aux origines [Mots-clés] Paternité |
Résumé : |
L’affaire concerne l’impossibilité pour le requérant, né hors mariage en 1959, d’établir légalement la paternité de son père biologique. La législation finlandaise prévoit un délai de 5 ans pour l’établissement de la paternité à l’égard d’enfants nés avant son entrée en vigueur (1976). Or, le requérant, qui connaissait l’identité de son père biologique puisque celui-ci lui avait lui-même révélé et avait été condamné à payer une pension alimentaire en 1961, n’a appris qu’en 1999, après la mort de son père, que celui-ci n’était pas légalement enregistré en tant que tel. En conséquence, lorsque l’intéressé a saisi le juge en vue d’établir légalement la paternité de son père, le délai de 5 ans, auquel la législation finlandaise ne prévoit aucune exception, avait expiré.
La CEDH rappelle que l’existence d’un délai de prescription en matière d’établissement de paternité n’est pas en soi incompatible avec la Convention puisqu’il est justifié par le souci de garantir la sécurité juridique. La Cour doit examiner si la nature de la prescription ou la manière dont elle a été appliquée est compatible avec l’article 8. Plus précisément, il s’agit de savoir si un juste équilibre a été ménagé entre les différents intérêts en présence : l’intérêt général de la société de sécurité juridique, l’intérêt du père présumé d’être protégé des allégations relatives à des faits remontant à de nombreuses années ainsi que de sa famille et l’intérêt de l’enfant de connaître ses origines. La Cour relève qu’elle a déjà observé qu’un nombre significatif d’états ne prévoit pas de délai pour intenter une action en recherche de paternité et qu’il y a une tendance vers une plus grande protection du droit de l’enfant à ce que sa filiation paternelle soit établie. Elle estime que le principal problème est le caractère absolu de la prescription plutôt que le jour à partir duquel la prescription court en tant que telle. En l’espèce, le père du requérant étant décédé, l’établissement judiciaire de paternité était la seule voie par laquelle l’intéressé aurait pu légalement établir le lien de filiation avec son père. Or, il a été privé de la possibilité d’obtenir une telle décision judiciaire compte tenu du délai strict prévu par la loi et de son application sans exception par les tribunaux nationaux. De plus, avant l’expiration du délai, il y avait peu de chance que l’intéressé tende à établir judiciairement la filiation paternelle de son père puisqu’il croyait que celle-ci avait déjà été établie en 1961 lorsque son père avait été condamné au paiement d’une pension alimentaire. En outre, la Cour relève qu’au moment de la procédure interne, la Cour suprême accordait, avant de changer sa jurisprudence plus tard, plus de poids à l’intérêt de la société ainsi qu’à celui du père présumé et de sa famille qu’à l’intérêt de l’enfant de connaître ses origines. Le juge saisi de l’affaire ne pouvait donc rien faire d’autre que de constater que le délai avait expiré, sans avoir la possibilité d’examiner si l’intérêt du requérant prévalait sur les autres intérêts en cause. En conséquence, la CEDH estime qu’un juste équilibre n’a pas été ménagé entre les différents intérêts et que le droit du requérant au respect de sa vie privée n’a pas été garanti conformément à l’article 8 de la Convention. Compte tenu de cette conclusion, la Cour énonce qu'il n'est pas nécessaire d'examiner l'affaire sous l'angle de l'article 14 combiné avec l'article 8. |
Note de contenu : | - dans le même sens: CEDH, 29/01/2013, Röman c/ Finlande, n° 13072/05 |
ECLI : | CE:ECHR:2013:0115JUD000736105 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-115861 |