
Document public
Titre : | Arrêt relatif au placement discriminatoire d'enfants roms en école pour handicapés mentaux : Horvath et Kiss c. Hongrie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 29/01/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 11146/11 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Hongrie [Mots-clés] Origine [Mots-clés] Roms [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Éducation [Mots-clés] Handicap mental [Mots-clés] Accueil petite enfance |
Résumé : |
Les deux requérants d’origine rom, nés en 1992 et 1994, se plaignent d’avoir été victimes d’un diagnostic erroné de « léger handicap mental » à l’âge de 7 ans par les autorités hongroises et par conséquence d’avoir été placés dans des écoles de rattrapage où ils auraient été stigmatisés et isolés du reste de la population. Invoquant l’article 2 du Protocole n°1 (droit à l’instruction) et l’article 14 de la Convention européenne (interdiction de discrimination), ils soutiennent devant la CEDH qu’ils ont subi une discrimination car les évaluations scolaires utilisées plaçaient les enfants roms en situation particulièrement désavantageuse du fait des différences socioéconomiques et culturelles existant entre eux et les autres enfants.
Tout d’abord, la CEDH note que les enfants roms sont surreprésentés parmi les élèves de l’école où ont été scolarisés les requérants et que, par le passé, ils l’ont été de manière générale dans les écoles de rattrapage hongroises en raison du caractère systématique des diagnostics de handicap mental erronés. La Cour estime que cette situation doit être vue dans le contexte d’un long passé de placement infondé d’enfants roms dans des écoles spéciales en Hongrie et dans d’autres pays européens. Les requérants ont été traités différemment des autres enfants en raison d’évaluations scolaires qui, si elles étaient susceptibles d’avoir un effet semblable sur des membres d’autres groupes socialement désavantagés, constituent néanmoins, à première vue, une discrimination indirecte. Le Gouvernement hongrois doit donc prouver que cette différence de traitement n’a pas eu d’effets préjudiciables disproportionnés. La Cour admet que la politique du gouvernement hongrois consistant à placer certains élèves dans des écoles spéciales est motivée par l’intention de trouver une solution pour les enfants qui ont des besoins éducatifs spéciaux. Elle reconnaît également que les autorités hongroises ont pris un certain nombre de mesures pour éviter les erreurs de diagnostic dans les affectations scolaires. La Cour partage cependant la préoccupation exprimée par d’autres organes du Conseil de l’Europe quant au caractère plus rudimentaire des enseignements dispensés dans ces écoles spéciales et à la ségrégation qui résulte de ce système. Elle note à cet égard qu’un rapport sur la Hongrie publié par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) en 2009 indiquait que la grande majorité des enfants présentant de légères difficultés d’apprentissage auraient aisément pu être intégrés dans le système scolaire ordinaire mais faisaient encore souvent l’objet de diagnostics erronés en raison de différences culturelles, et que, une fois placés à tort dans des écoles spéciales, ces enfants avaient peu de chances de sortir du système d’enseignement inférieur. En l’espèce, les juridictions hongroises ont conclu que le collège d’experts qui a évalué les deux requérants n'a pas individualisé le diagnostic et précisé la nature des leurs besoins éducatifs spéciaux, et a reconnu l’existence de défaillances dans le système de diagnostic. Selon la Cour, dans le cas des requérants, le faits indiquent que le traitement scolaire des roms présentant supposément un « léger handicap mental » n’a pas été entouré de garanties satisfaisantes assurant la prise en compte des besoins particuliers de ces enfants en tant que membres d’un groupe désavantagé. En conséquence, les requérants ont été isolés des autres élèves, et le programme scolaire qu’ils ont suivi a probablement compromis leur épanouissement personnel au lieu de les aider à développer des compétences qui auraient facilité leur intégration au sein de la population majoritaire. Le gouvernement hongrois n’a donc pas prouvé que la différence de traitement litigieuse n’avait pas eu d’effets préjudiciables disproportionnés. La Hongrie est condamnée à l’unanimité pour violation de l’article 2 du Protocole n°1 combiné avec l’article 14. |
ECLI : | CE:ECHR:2013:0129JUD001114611 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-116124 |