Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que le refus d'accorder à un enfant "adultérin" les droits successoraux auxquels il pouvait prétendre en vertu d'une nouvelle loi était injustifié : Fabris c. France |
Voir aussi : |
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Auteurs : | Grande Chambre, Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ; Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 07/02/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 16574/08 |
Note générale : | - I. Gaiimeister, "Inégalité successorale de l'enfant adultérin : condamnation de la France", Recueil Dalloz, n°7, 21 février 2013 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Fiscalité [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Règlementation des services publics [Mots-clés] Succession [Géographie] France |
Résumé : |
Le requérant, enfant adultérin dont la filiation a été judiciairement établie à l’égard de sa mère en 1983 lorsqu’il était âgé de 40 ans, se plaignait de ne pas avoir bénéficié des dispositions de la loi du 3 décembre 2001 accordant aux enfants adultérins des droits successoraux identiques à ceux des enfants légitimes. Cette loi a été adoptée à la suite de la condamnation de la France dans l’affaire Mazurek en février 2000. Suite au décès de sa mère en 1994, le requérant a sollicité la réduction de la donation-partage (effectuée en 1970 entre les deux enfants légitimes de la mère du requérant) et a demandé une part réservataire égale à celle des donataires.
Le tribunal de l’instance lui a donné raison en 2004 sur le fondement des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette décision a été annulée à la demande des enfants légitimes au motif que la loi de 1972 interdisait de remettre en cause les donations entre vifs consenties avant son entrée en vigueur. Cette règle présentait, selon le juge d’appel, une justification objective et raisonnable au regard du but légitime poursuivi (paix des rapports familiaux en sécurisant des droits acquis). Le pourvoi en cassation a été rejeté en 2007, la Cour de cassation a estimé qu’en application des dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001, les nouveaux droits successoraux des enfants adultérins n’étaient applicables qu’aux successions ouvertes et non encore partagées avant le 4 décembre 2001 (en l’espèce, le partage successoral avait été réalisé au décès de la mère en 1994). Dans son arrêt de chambre du 21 juillet 2011, la CEDH a conclu à la non violation de l’article 14 (interdiction de discrimination) combiné avec l’article 1er du Protocole n°1 (protection de la propriété). Dans la décision de la Grande chambre, la Cour infirme sa décision et condamne à l’unanimité la France pour violation de ces articles. Tout d’abord, elle rappelle que seuls de très fortes raisons peuvent rendre compatible avec la Convention une distinction fondée sur la naissance hors mariage. En l’espèce, la différence de traitement entre le requérant et ses demi-frère et demi-sœur résulte exclusivement de cette distinction (loi de 2001). La Cour rappelle qu’il lui appartient de rechercher si la manière dont la législation a été appliquée est conforme à la Convention européenne et examine si cette différence de traitement avait une justification objective et raisonnable. Elle estime que la protection des droits acquis par les héritiers (les enfants légitimes de sa mère) justifiait de limiter l’effet rétroactif de la loi de 2001 et donc poursuivait un but légitime. Cependant, elle juge que la différence de traitement n’était pas proportionnée au but légitime. En effet, elle estime que les demi-frère et demi-sœur du requérant savaient ou auraient du savoir, d’une part, que la loi permettrait à leur demi-frère (dont ils n’ignoraient pas l’existence) de demander sa part héréditaire jusqu’en 1999 (et donc susceptible de remettre en cause l’étendue de leurs droits successoraux) et que, d’autre part, l’action en réduction du requérant était pendante en France au moment du prononcé de l’arrêt Mazurek de la CEDH et de la publication de la loi de 2001. En conséquence, le but légitime de protection des droits successoraux des enfants légitimes ne prévalaient pas sur la prétention du requérant d’obtenir une part de l’héritage de sa mère. La Cour note par ailleurs qu’en droit français, un enfant légitime né après la donation-partage ou exclu du partage ne se serait pas vu opposer une fin de non-recevoir contrairement au requérant. Elle trouve contestable que des années après sa jurisprudence dans ce domaine, le juge national ait pu moduler la protection de la sécurité juridique différemment selon qu’elle était opposée à un enfant né pendant ou hors mariage. Enfin, elle reproche à la Cour de cassation de ne pas avoir répondu au grief du requérant tiré du principe de non-discrimination. Eu égard à la conclusion de violation de l’article 14 combiné avec l’article 1er du Protocole n°1, la Cour considère qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément le grief du requérant au regard de l’article 14 combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale). |
ECLI : | CE:ECHR:2013:0628JUD001657408 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-122287 |
Cite : |