Document public
Titre : | Décision 2023-019 du 24 avril 2023 relative à la résiliation des conventions de comptes bancaires de majeurs protégés, discriminatoire car en lien avec le handicap des titulaires de ces comptes |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Emploi, biens et services privés (2016-2023), Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 24/04/2023 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2023-019 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation individuelle et générale [Documents internes] Règlement en droit [Documents internes] Rappel des textes [Documents internes] Prise d'acte [Mots-clés] Biens et services [Mots-clés] Établissement bancaire [Mots-clés] Droit au compte [Mots-clés] Majeur protégé [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination directe [Mots-clés] Handicap |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi de cinq réclamations de mandataires judiciaires relatives à la résiliation des comptes de majeurs protégés dont la mesure de protection leur a été confiée, qu’ils estiment discriminatoire car en lien avec le handicap de ces derniers.
En l’espèce, les majeurs protégés concernés disposaient d’un compte bancaire auprès de la banque mise en cause. Leurs mandataires judiciaires ont été informés que la banque avait décidé d’arrêter l’accompagnement spécifique qu’elle dédiait aux mandataires judiciaires et, ce faisant, de son intention de procéder à la résiliation des conventions de comptes concernées ainsi qu’à la clôture des comptes des majeurs protégés, dans un délai de 60 jours. Cette décision a été contestée par plusieurs mandataires judiciaires, jugeant la mesure discriminatoire. La société mise en cause se prévalait notamment d’une réorganisation faisant suite à une récente migration informatique vers un système qui ne leur aurait plus permis de proposer des services adaptés à la clientèle des majeurs protégés. L’instruction menée par le Défenseur des droits a permis de constater des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe fondée sur le handicap des titulaires des comptes bancaires. En particulier, la société mise en cause avait explicitement affirmé que les clôtures unilatérales initialement envisagées devaient être effectuées pour la seule raison qu’un mandataire judiciaire avait été désigné pour le compte de leur client porteur d’un handicap. En outre, cette différence de traitement était particulièrement défavorable aux majeurs protégés représentés ou assistés d’un mandataire judiciaire, dès lors qu’elle impliquait l’ouverture d’un nouveau compte ou livre auprès d’un autre établissement bancaire, supposant alors l’intervention du juge des tutelles ou du conseil de famille. Pour tenter de justifier sa décision de procéder à la clôture des comptes des majeurs protégés, la société mise en cause soulevait en premier lieu que l’arrêt de la filière des mandataires judiciaires était une position commerciale dénuée de toute notion de discrimination, la banque n’étant pas représentative sur le territoire national au titre de cette activité. Elle précisait que l’arrêt de l’activité des tutelles professionnelles avait pour conséquence d’imposer aux mandataires judiciaires le même niveau de service que l’ensemble de leur clientèle et que, dès lors, il avait été considéré que cela n’aurait été en aucun cas à leur bénéfice. Toutefois, le Défenseur des droits a relevé que les considérations commerciales et stratégiques ne permettaient pas de justifier la décision de clore les comptes des majeurs protégés concernés, ceux-ci pouvant tout à fait être conservés en leurs livres, en bénéficiant du même niveau de service que l’ensemble de leur clientèle. La société mise en cause soutenait en deuxième lieu que les majeurs protégés ne seraient pas spécifiquement ciblés par les décisions de clôture, celles-ci étant des opérations régulièrement pratiquées au sein de la banque. Cependant, le Défenseur des droits a retenu que cet élément de fait n’était pas de nature à démontrer que la décision de clore les comptes des majeurs protégés reposerait sur des motifs objectifs étrangers à toute discrimination. La banque alléguait en troisième lieu avoir mis en place des mesures spécifiques pour informer et apporter le suivi dédié avec une réelle souplesse avant de procéder à la clôture des comptes bancaires des majeurs protégés concernés. Toutefois, le Défenseur des droits a considéré que cet accompagnement ne permettait pas de pallier la grande difficulté pour les mandataires judiciaires à obtenir l’ouverture d’un nouveau compte, pour les majeurs protégés, auprès d’un autre établissement. En dernier lieu, la société mise en cause soutenait que la cessation des relations n’avait été engagée qu’avec les mandataires judiciaires qui, seuls seraient leurs clients, et par voie de conséquence la clôture des comptes des majeurs protégés dont ils avaient la responsabilité. Toutefois, le Défenseur des droits a relevé que les titulaires des comptes bancaires dont la clôture était envisagée étaient bien les majeurs protégés eux-mêmes et qu’ils étaient donc directement concernés par la mesure décidée par la banque. En définitive, le Défenseur des droits a relevé que la banque ne justifiait pas sa décision de procéder à la clôture des comptes bancaires des majeurs protégés concernés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La Défenseure des droits a ainsi constaté l’existence d’une discrimination directe liée au handicap des titulaires de ces comptes. La Défenseure des droits a pris acte que la société mise en cause indiquait revenir sur sa décision de procéder à la clôture de ces comptes en l’absence d’accord exprès des majeurs protégés concernés. La Défenseure des droits a recommandé à la société mise en cause d’informer les majeurs protégés, qu’ils soient toujours clients de la banque ou qu’ils aient fait le choix de clore leur compte par anticipation, de l’engagement qu’elle avait pris de conserver en ses livres les comptes des majeurs protégés assistés ou représentés par leur mandataire judiciaire. Elle a également recommandé à la société de veiller à ce que les relevés de comptes des majeurs protégés concernés soient délivrés mensuellement. Elle a enfin recommandé à la banque de se rapprocher des majeurs protégés dont les comptes avaient été visés par le dispositif de clôture, ayant fait l’objet d’une clôture ou ayant craint une telle clôture, en vue de réparer leur préjudice. |
Suivi de la décision : |
La société mise en cause n’est pas revenue vers le Défenseur des droits pour rendre compte des suites données aux recommandations adressées. Il ressort néanmoins d’échanges avec les mandataires judiciaires que les majeurs protégés concernés ont été rétablis dans leurs droits, les comptes bancaires étant en définitive restés fonctionnels, conformément à l’engagement pris par la société mise en cause auprès du Défenseur des droits lors de l’instruction des réclamations. Le Défenseur des droits n’a toutefois pas été informé d’un éventuel rapprochement entre la société mise en cause et les réclamants en vue de réparer leur préjudice. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Biens - Services;Discrimination - Egalité |
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