Document public
Titre : | Décision 2022-234 du 3 janvier 2023 relative à des faits de harcèlement sexuel subis par une réclamante dont la dénonciation l’a exposée à des mesures de représailles puis à son licenciement |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Emploi, biens et services privés (2016-2023), Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 03/01/2023 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2022-234 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Harcèlement sexuel [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Sexe [Mots-clés] Licenciement [Mots-clés] Mesures de rétorsion [Mots-clés] Harcèlement moral |
Mots-clés: | enquête interne ; obligation de sécurité |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation relative à des faits de harcèlement sexuel commis sur la réclamante, dont la dénonciation l’a exposée à des mesures de représailles puis à son licenciement, qu’elle estime discriminatoire en raison de son sexe.
La réclamante est engagée en qualité de responsable administrative et financière par un filiale d’un grand groupe de construction. Elle dénonce des faits de harcèlement sexuel commis par un collègue de travail à son supérieur hiérarchique. Une enquête interne est diligentée. Cette enquête ne conclut ni à l’existence ni à l’absence de harcèlement sexuel. L’employeur s’appuie sur les conclusions de l’enquête interne pour licencier la réclamante pour faute grave, au motif qu’elle aurait dénoncé malhonnêtement ces faits. Au vu de ces éléments, le Défenseur des droits a décidé d’engager une instruction et a transmis une note récapitulative à l’employeur. Celui-ci se défend en faisant valoir qu’il a diligenté une enquête pour les faits de harcèlement allégués par la réclamante et fournit certains témoignages de salariés ayant participé à l’enquête, ainsi que le rapport conclusif de cette enquête. En outre l’employeur communique le rapport du comité social et économique approuvant les conclusions de l’enquête. Il soutient que la mauvaise foi de la réclamante ressort du fait qu’elle ne s’est pas mise en arrêt maladie immédiatement après l’entretien au cours duquel elle a dénoncé le harcèlement sexuel, mais seulement le surlendemain. Il ressort de l’enquête du Défenseur des droits que la réclamante produit à l’appui de son argumentation deux témoignages de son supérieur hiérarchique, qui ont été effectués dans le cadre de l’enquête interne et d’une enquête de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM). Dans ses deux témoignages, le supérieur hiérarchique de la réclamante affirme que le collègue de cette dernière était « tactile ». Au vu de ces éléments, le Défenseur des droits estime qu’il existe un faisceau d’indices concordants, de nature à laisser supposer l’existence d’un harcèlement sexuel et qu’en tout état de cause, que celui-ci soit établi ou non, la simple dénonciation de bonne foi de ce dernier ne peut donner lieu à des mesures de représailles. Concernant les mesures de représailles, le Défenseur des droits relève que la chronologie des faits témoigne en faveur de la bonne foi de la réclamante dans la dénonciation des faits de harcèlement sexuel. Il considère que la dénonciation du harcèlement sexuel est à l’origine des mesures de représailles de la part de la société et que la mauvaise foi de la réclamante, alléguée par l’employeur, n’est pas établie. Le Défenseur des droits conclut donc que la réclamante a été victime de mesures de représailles consécutives à une dénonciation d’agissements de harcèlement discriminatoire en lien avec son sexe. En conséquence et au vu des éléments recueillis lors de son enquête, le Défenseur des droits a décidé de présenter ses observations devant le conseil des prud’hommes saisi. Par jugement du 21 septembre 2021, le conseil de prud’hommes déboute la salariée de sa demande de nullité du licenciement. Ledit conseil considère que le harcèlement sexuel n’est pas constitué au motif que les propos dénoncés par la réclamante ne seraient pas corroborés par des faits concrets. Il souligne que la réclamante a continué de faire des déplacements professionnels avec la personne qui l’aurait harcelée et qu’elle aurait dû être immédiatement placée en arrêt maladie après la dénonciation des faits. Le conseil de prud’hommes valide le licenciement pour faute grave de la salariée, tout en considérant qu’il n’y a « pas de mauvaise foi délibérée » de la part de cette dernière. La réclamante interjette appel du jugement. Le Défenseur des droits a décidé de présenter des observations en droit devant la cour d’appel en maintenant sa position quant à la qualification de harcèlement sexuel et à la violation de l’obligation de sécurité de l’employeur qui en découle. Le Défenseur des droits insiste sur le fait que la nullité est encourue lorsque le licenciement est motivé par la dénonciation de faits de harcèlement sexuel dès lors qu’ils sont dénoncés de bonne foi. |
Suivi de la décision : |
Par arrêt en date du 15 juin 2023, la cour d’appel a infirmé le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le harcèlement moral n’était pas constitué et jugé que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse. À ce titre, la cour d’appel a dit que la salariée avait été victime d'harcèlements moral et sexuel et prononcé la nullité du licenciement. La cour d’appel a notamment relevé l’existence d’un harcèlement sexuel au sens de l’article L. 1153-1 du code du travail. Elle considère que la salariée a relaté, de façon intangible devant l'employeur, l'organisme de sécurité sociale et la juridiction prud'homale, des faits circonstanciés en ce qui concerne les agissements du collègue dont elle se dit victime, leur temporalité et les lieux de leur survenance. Elle relève également que la société n’a produit aucun élément permettant de contester ces faits tel que le témoignage direct du salarié mis en cause, ou ses déclarations à l'occasion de l'enquête interne. Surtout, la société a elle-même admis au cours de l’enquête interne et de celle diligentée par l’organisme de sécurité sociale, que le salarié mis en cause adoptait avec d’autres salariés un comportement « tactile ». La cour d’appel a ensuite jugé que dès lors que la dénonciation par la salariée de faits de harcèlement, visés dans la lettre de licenciement, n'avait pas été faite de mauvaise foi, le licenciement encourait la nullité. La cour d’appel a enfin considéré comme établi le manquement de la société à son obligation de sécurité. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Discrimination - Egalité;Emploi |
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