Document public
Titre : | Décision 2024-135 du 18 septembre 2024 relative à un arrêté d’expulsion pris à l’encontre d’une ressortissante chinoise relevant d’une protection légale contre l’expulsion au regard de son mariage avec un ressortissant français (observations en justice) |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Droits fondamentaux des étrangers, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 18/09/2024 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2024-135 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Expulsion [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Titre de séjour |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation relative à un arrêté d’expulsion pris à l’encontre d’une ressortissante chinoise résidant en France depuis 2013 et mariée un ressortissant français depuis 2019.
La réclamante a bénéficié de cartes de séjour temporaires « vie privée et familiale » en raison de son état de santé de 2015 à 2017. À la suite de son mariage, elle s’est vu délivrer une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » valable jusqu’en 2021 au regard de sa qualité de conjointe d’un ressortissant français. Elle a fait l’objet d’une condamnation par un tribunal correctionnel à une peine de trois ans d’emprisonnement dont deux avec sursis pour des faits de proxénétisme aggravé avec pluralité d’auteurs ou de complices et de blanchiment. Dans l’attente de recevoir une réponse à sa demande de renouvellement de titre de séjour déposée au mois d’octobre 2021, la réclamante a été convoquée devant la Commission d’expulsion des étrangers (COMEX). Au mois de février 2023, la COMEX a rendu un avis défavorable à l’expulsion de la réclamante en estimant que les éléments portés à sa connaissance étaient insuffisants à caractériser un comportement qui permettrait de faire droit à la demande d’expulsion. N’étant pas liée par cet avis, la préfecture a décidé d’édicter un arrêté d’expulsion ainsi qu’un arrêté portant désignation du pays d’éloignement à l’encontre de la réclamante au motif que sa présence en France constituerait une menace grave à l’ordre public. La réclamante a saisi le tribunal administratif de Melun d’un recours en annulation ainsi que d’un référé suspension à l’encontre de ces mesures. Le juge des référés a conclu à l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la mesure d’expulsion, a ordonné la suspension de l’exécution des arrêtés pris à l’encontre de la réclamante et a enjoint à l’autorité préfectorale de délivrer sans délai à l’intéressée une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travail valable jusqu’au jugement à intervenir sur la requête en annulation. C’est dans ces circonstances que la Défenseure des droits décide de présenter des observations devant le tribunal administratif, dans le cadre de la procédure au fond qui demeure pendante. À titre liminaire, la Défenseure des droits rappelle toute l’importance de l’objectif de sauvegarde de l’ordre public, dont la valeur est constitutionnelle. Elle souligne qu’au nom de cet objectif, des ingérences sont permises dans le droit au respect de la vie privée et familiale tel qu’il est garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. La mesure d’expulsion des étrangers délinquants, prévue à l’article L.631-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, figure au titre de ces ingérences. Pour garantir un juste équilibre entre la poursuite de l’objectif de sauvegarde de l’ordre public d’une part, et la protection du droit au respect de la vie privée et familiale d’autre part, la loi formalise, au bénéfice de certains étrangers justifiant de très fortes attaches en France, des protections fondées sur des critères objectivables. La Défenseure relève que, même lorsque ces protections s’appliquent, la mesure d’expulsion demeure toutefois porteuse d’un risque inhérent d’arbitraire car elle suppose que l’autorité administrative ne se prononce pas seulement au regard de faits tangibles mais également d’un risque à prévenir, dont l’évaluation revêt une dimension nécessairement subjective. La légalité d’une mesure d’expulsion apparaît ainsi toujours tributaire de la justesse de l’intuition ou conviction de l’administration quant à la réalité de la menace représentée par l’étranger. En considération de ce fait et de l’importance des droits fondamentaux qui se trouvent en jeu, la Défenseure des droits estime nécessaire de formuler des observations à la juridiction car elle constate dans le cas d’espèce la réunion de deux circonstances objectives de nature à créer un risque renforcé d’atteinte au droit : l’existence d’une protection légale contre l’expulsion et l’avis défavorable à l’expulsion rendu par la COMEX. La Défenseure des droits précise que les observations ainsi formulées, qui ont seulement vocation à éclairer la juridiction dans l’exercice du contrôle normal de l’erreur manifeste d’appréciation qu’elle opère souverainement en matière d’expulsion, sont formulées en droit, sans qu’une instruction contradictoire n’ait été préalablement conduite auprès de l’autorité en cause. Ainsi, les mentions qui peuvent y être faites des éléments factuels de l’espèce ne reposent que sur les informations et pièces transmises par les auteurs de la saisine, sans préjudice de leur éventuelle contestation au cours de l’audience. |
Suivi de la décision : | Par jugement du 11 octobre 2024, le tribunal administratif a annulé l’arrêté d’expulsion pris à l’encontre de la réclamante aux motifs que l’expulsion n’apparaissait pas comme constitutive d’une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique et que cet arrêté portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de la réclamante par rapport aux buts en vue desquels il avait été pris. |
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