Document public
Titre : | Rappel à la loi RAL-2024-018 du 27 août 2024 relatif aux défaillances d’un conseil départemental et d’une préfecture dans le cadre de l’accueil provisoire d’urgence de mineurs non accompagnés et de leur prise en charge une fois évalués majeurs par le département |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Défense des enfants, Auteur |
Type de document : | Rappels à la loi |
Année de publication : | 27/08/2024 |
Numéro de décision ou d'affaire : | RAL-2024-018 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Rappel à la loi [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Mineur non accompagné [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Prise en charge [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination directe [Mots-clés] Nationalité [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Absence d'écoute [Mots-clés] Absence de prise en considération des arguments |
Texte : |
Entre 2021 et 2022, quatre mineurs non accompagnés ont saisi le Défenseur des droits par l’intermédiaire d’une association pour déplorer les conditions d’évaluation de leur minorité et de leur isolement sur le territoire français, de leur accueil provisoire d’urgence (APU) et de leur prise en charge une fois évalués majeurs par le département de X.
Après avoir interrogé le département et la préfecture, le Défenseur des droits constate qu’il a été porté atteinte aux droits des réclamants mineurs. La Défenseure des droits a adressé un rappel de la loi et des droits de l’enfant au conseil départemental et à la préfecture de X. Concernant l’APU et l’évaluation de la minorité et de l’isolement Le Défenseur des droits relève que le protocole signé entre le département et la préfecture de X, relatif au recours au fichier AEM (appui à l'évaluation de la minorité), mentionne illégalement l’impossibilité pour les personnes concernées de refuser de communiquer leurs empreintes à l’agent de préfecture habilité. Dans le même sens, le Défenseur des droits note que le coupon mentionnant la date et l’heure du rendez-vous en préfecture et remis à chacun des réclamants, précise que l’absence au rendez-vous et/ou le refus du relevé d’empreintes entraine la fin de l’évaluation de leur situation et de la mise à l’abri. Si cette pratique semble avoir évolué, le nouveau coupon remis aux jeunes ne mentionne toujours pas explicitement leur possibilité de refuser le fichage AEM ou l’utilisation des données récoltées. Ces informations ne sont pas non plus délivrées oralement aux jeunes. La Défenseure des droits a rappelé que de telles prescriptions sont contraires à la délibération n° 2018-351 de la CNIL, à la décision n°2019-797 du 26 juillet 2019 du Conseil constitutionnel et à la décision du Conseil d’État du 5 février 2020. Elle a invité le conseil départemental et la préfecture : - à amender le protocole signé avec la préfecture en y retirant la mention de l’impossibilité pour les personnes concernées de refuser de communiquer leurs données personnelles ; - à modifier le coupon remis aux personnes se déclarant mineur non accompagné (MNA) afin d’y faire figurer de manière compréhensible et sans ambiguïté la possibilité de refuser le recueil des empreintes, ainsi que l’utilisation qui sera faite des données recueillies ; - à délivrer systématiquement cette information de manière orale aux personnes concernées. Par ailleurs, le Défenseur des droits constate que le département de X n’a pas enclenché de démarches de reconstitution de l’état civil des réclamants qui ne présentaient aucun document pouvant attester de leur identité, le temps de leur évaluation. Sur le fondement l’article 8 (droit au respect de l’identité) de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) et des observations du Comité des droits de l’enfant sur le droit à l’identité, la Défenseure des droits a rappelé au conseil départemental de X l’importance pour les services départementaux d’accompagner les mineurs dans la reconstitution de leur état civil. Le Défenseur des droits relève également que dans ses rapports d’évaluation, le service évaluateur se contente d’éléments subjectifs (tels que la silhouette ou la posture) et de souligner les imprécisions et incohérences dans les récits de vie ou parcours migratoires, pour en déduire l’absence de minorité, sans questionner si ces éléments ne pouvaient pas être la résultante d’autres facteurs. En se fondant sur l’observation générale n°6 du Comité des droits de l’enfant, la Défenseure des droits a rappelé au conseil départemental la forte subjectivité de toute appréciation de l’apparence physique, et l’a invité, dès lors qu’il constate des incohérences ou imprécisions dans le récit migratoire et autobiographique des jeunes se présentant comme MNA, à explorer les autres raisons pouvant expliquer ces incohérences et imprécisions des récits des jeunes (illettrisme, fatigue, troubles psychologiques ou somatiques, état de santé précaire, manque de repères spatio-temporels...) avant d’en déduire un indice de minorité. Concernant la fin de l’APU Le Défenseur des droits relève que les notifications de fin d’APU faisaient état d’un délai de deux mois pour saisir le juge des enfants, délai aucunement prévu par les textes. Si cette mention a été supprimée par le département de X, aucune nouvelle version corrigée n’a été adressée au Défenseur des droits. Il note également que lors de l’annonce de fin d’APU, les réclamants n’ont pas été informés par le conseil départemental de X de leur possibilité d’obtenir leur rapport d’évaluation, pourtant utile pour contester le refus de prise en charge au titre de la protection de l’enfance. En se fondant sur l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et libertés individuelles (droit à un recours effectif) et l’article 10 de l’arrêté du 20 novembre 2019 relatif aux modalités d’évaluations des MNA, la Défenseure des droits a invité le conseil départemental : - à mentionner sur les notifications de refus de prise en charge le recours gracieux et/ou hiérarchique auprès du président du conseil départemental, le recours devant le tribunal administratif (qui peut être saisi en référé), ainsi que la saisine du juge des enfants au titre des articles 375 et suivants du code civil. Elle a ajouté que la notification doit préciser l’adresse du conseil départemental, du tribunal administratif ainsi que du tribunal pour enfants susceptibles d’être saisis, étant rappelé que le dépôt d’une requête en assistance éducative n’est encadré par aucun délai ; - à fournir à chaque jeune son rapport d’évaluation au moment de la notification de fin de prise en charge ou a minima à informer les intéressés de leur possibilité de demander ce rapport ultérieurement par écrit. Concernant la prise en charge des MNA évalués majeurs par le département Le Défenseur des droits relève que les auteurs de la saisine n’ont pas, durant le temps de l’examen de leur recours devant le juge des enfants, bénéficié d’une prise en charge. Ils ont été orientés par le département de X vers le dispositif d’hébergement d’urgence et invités à contacter le 115. Toutefois, il apparait que la préfecture de X considère que la saisine du juge des enfants par les jeunes, en contestation du refus de prise en charge décidé par le département, est un obstacle pour l’orientation de ces derniers vers un hébergement pour adulte, sans que le département par ailleurs n’assure leur prise en charge. Les jeunes se retrouvent alors livrés à eux-mêmes, ne relevant ni de l’hébergement adulte, ni du dispositif de protection de l’enfance. La Défenseure des droits a invité le conseil départemental et la préfecture de X à assurer la protection des personnes se disant mineures non accompagnées et ayant formé un recours devant le juge des enfants, jusqu’à décision judiciaire définitive, en conformité avec l’article 3 de la CIDE (intérêt supérieur de l’enfant), les observations finales sur la France du Comité des droits de l’enfant du 2 juin 2023 et la jurisprudence de la CEDH. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Mineurs étrangers |
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