Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que la conservation des empreintes d'une personne non condamnée constitue une violation de son droit au respect de sa vie privée : M.K. c. France |
est cité par : |
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Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 18/04/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 19522/09 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Fichier [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Règlementation des services publics [Mots-clés] Enquête [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Informatique et libertés |
Résumé : |
Après avoir fait l’objet de deux enquêtes pour vol en 2004 et 2005 à l’issue desquelles aucune suite pénale n'a été apportée, le requérant, un ressortissant français se plaignait du fait que ses empreintes digitales ont été conservées dans un fichier par les autorités françaises. En 2006, il a adressé une demande au procureur de la République visant à faire effacer ses empreintes du fichier. Sa demande a été accueillie favorablement mais seulement en ce qui concerne les prélèvements effectués lors de la première procédure. L’intéressé a contesté le refus devant le juge des libertés et de la détention mais en vain. Le refus a été confirmé en appel et la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du requérant. Devant la CEDH, il invoque l’article 8 de la Convention européenne, en estimant que la conservation des données le concernant au fichier automatisé des empreintes digitales porterait atteinte au respect de sa vie privée.
La CEDH énonce que la conservation des empreintes digitales du requérant par les autorités nationales a constitué une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée. Cette ingérence était prévue par la loi (code de procédure pénale et décret de 1978) et visait un but légitime (prévention des infractions pénales). Cependant, la Cour rappelle que la protection des données à caractère personnel est fondamentale pour l’exercice du droit au respect de la vie privée, a fortiori lorsque celles-ci sont soumises à un traitement automatique et utilisées à des fins policières. Selon la Cour, le droit interne doit donc assurer que ces données ainsi que la durée de leur conservation soient pertinentes et non excessive par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées. En l’espèce, le procureur de la République a motivé le refus de faire procéder à l’effacement des empreintes prélevées lors de la seconde procédure par la protection du requérant contre une usurpation de son identité. Selon la CEDH, un tel argument, qui en plus n’était pas prévu par les textes, conduirait en pratique à justifier une mesure aussi excessive que le fichage de l’intégralité de la population présente sur le sol français. En plus, le but du décret de 1978 est de faciliter la poursuite des personnes mises en cause dans une procédure pénale et dont l’identification s’avère nécessaire. Cependant, il ne précise pas si son champ d’application se limite réellement aux crimes et délits et il n’opère aucune distinction selon la gravité des faits puisqu’il concerne aussi des infractions mineures. En outre, il s’applique sans distinction aux personnes condamnées ainsi qu’à celles qui, comme le requérant, n’ont jamais été reconnues coupables d’infractions et qui se retrouvent donc exposées à un risque de stigmatisation, et ce en dépit du droit au respect à la présomption d’innocence. Enfin, la Cour estime que les dispositions litigieuses n’offrent pas une protection suffisante aux intéressés car une demande d’effacement risque de se heurter à l’intérêt des services d’enquêtes dont l’intérêt est de disposer d’un fichier ayant le plus de références possibles, ce qui est en soi contradictoire. En conséquence, les chances de succès d’une telle demande étant hypothétiques, la durée d’archivage de 25 ans est en pratique assimilable à une conservation indéfinie. La CEDH conclut donc à l’unanimité que les juridictions françaises ont outrepassé leur marge d’appréciation et n’ont pas su ménager un juste équilibre entre les intérêts publics et privés en jeu. Elle estime que la conservation des empreintes du requérant a constitué une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et ne saurait donc être considérée comme nécessaire dans une société démocratique. |
ECLI : | CE:ECHR:2013:0418JUD001952209 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-118597 |