
Document public
Titre : | Arrêt relatif à la violation des droits de la défense d'un mineur soupçonné d'avoir commis deux vols aggravés : Süzer c. Turquie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 23/04/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 13885/05 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Turquie [Mots-clés] Justice des mineurs [Mots-clés] Mineur auteur d'infraction pénale [Mots-clés] Enquête [Mots-clés] Garde à vue [Mots-clés] Avocat |
Résumé : |
Le requérant est actuellement détenu dans une prison en Turquie. Lycéen et mineur à l’époque des faits, il a été inculpé pour deux vols aggravés commis en novembre 2003. Invoquant l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, il se plaint d’un déni de procès équitable et d’atteintes aux droits de la défense, en particulier, d’avoir été contraint de signer contre son gré plusieurs documents sans avoir pu bénéficier d’une réelle assistance.
Après avoir rappelé les principales exigences en matière de droit à un procès équitable, la CEDH énonce que l’imputation d’une responsabilité pénale à un mineur ou le procès d’un mineur sous le coup d’une accusation en matière pénale n’emporte pas en soi violation de la Convention, dès lors que le mineur est à même de participer réellement au procès. Selon la Cour, il est essentiel de traiter un mineur soupçonné ou accusé d’une manière qui tienne pleinement compte de son âge, de sa maturité et de ses capacités sur le plan intellectuel et émotionnel, et de prendre des mesures de nature à favoriser sa compréhension de la procédure et sa participation à celle-ci, notamment en conduisant le procès de façon à réduire autant que possible l’intimidation et l’inhibition de l’intéressé. En l’espèce, la Cour note que lors de ses dépositions, le requérant a été assisté uniquement d’un avocat commis d’office et au cours des confrontations, il n’a bénéficié de l’assistance ni d’un avocat ni d’un membre de sa famille. Il n’est pas établi que le requérant ait été informé de ses droits ou qu’il y ait renoncé. En outre, ses parents n’ont pas été informés immédiatement de l’arrestation de leur enfant. La Cour estime que pendant sa garde à vue, le requérant a été privé des garanties que lui reconnaissait le droit turc pendant le déroulement de l’instruction préliminaire et que, compte tenu de son jeune âge, il s’est trouvé dans un position particulièrement vulnérable. Selon la Cour, la privation de ces garanties ne pouvait qu’avoir des effets néfastes sur les droits de la défense que l’article 6 reconnaît à l’intéressé, et ce d’autant plus que les déclarations par lesquelles il s’est incriminé et les procès-verbaux de confrontation sont devenus des éléments clés de l’acte d’accusation et du réquisitoire. Ensuite, la Cour estime que l’assistance apportée au requérant par l’avocat commis d’office était manifestement défaillante. En effet, l’avocat ne s’est pas opposé au recueil par la police des dépositions du mineur, alors qu’une telle pratique méconnaissait les dispositions du droit interne et n’a pas vérifié si les parents du requérant ont été informé de son arrestation. Enfin, la Cour estime que dans la mesure où les éléments de preuve recueillis pendant la garde à vue ont servi de fondement à la condamnation sévère du mineur, la cour d’assises aurait dû effectuer un contrôle scrupuleux pour déterminer si les droits de la défense du requérant ont été respectés. En l’espèce, tel n’était pas le cas. Par conséquent, la CEDH conclut que le fait d’avoir privé le requérant des droits accordés en droit interne aux mineurs soupçonnés d’avoir commis une infraction a eu un effet global suffisamment restrictif sur les droits de la défense pour enfreindre le principe du procès équitable, énoncé à l’article 6 de la Convention. Les juges du fond n’ont pris aucune mesure tendant à remédier à ces manquements, même si, lors des deux procès menés contre le requérant, celui-ci a eu la possibilité de contester les éléments de preuve à charge dans une procédure contradictoire avec le bénéfice des conseils juridiques de l’avocat de son choix. Il y a donc eu violation de l’article 6§1 de la Convention. |
ECLI : | CE:ECHR:2013:0423JUD001388505 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-118642 |
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