Document public
Titre : | Arrêt relatif aux conditions de détention dans une prison française jugées dégradantes : Canali c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 25/04/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 40119/09 |
Note générale : | - OIP, "La France épinglée par la CEDH pour sa surpopulation carcérale", communiqué de presse du 26 avril 2013 - "Surpopulation carcérale : condamnation de la France pour traitement dégradant", Recueil Dalloz, n°17, 09/05/2013 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Établissement pénitentiaire [Mots-clés] Manque d'hygiène [Mots-clés] Droit des détenus |
Résumé : |
Condamné en mai 2006 pour meurtre à huit ans d’emprisonnement et incarcéré immédiatement à la maison d’arrêt Charles III de Nancy pendant 6 mois, le requérant se plaint d’avoir été soumis à des conditions de détention inhumaines et dégradantes. En 2009, la maison d’arrêt a été définitivement fermée en raison de sa vétusté.
La CEDH observe que le détenu a partagé sa cellule de 9 m² avec un autre codétenu, ce qui lui permettait de disposer d’un espace individuel de 4,5 m² (mais réduit par les installations sanitaires et les meubles de la cellule). S’appuyant sur les rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), la Cour énonce que l’espace individuel en lui-même ne justifie pas, à lui seul, le constat de la violation de l’article 3 de la Convention sauf lorsque le détenu dispose individuellement de moins de 3 m². D’autres aspects de conditions de détention sont donc à prendre en compte dans l’examen du respect de cette disposition, tels que la possibilité d’utiliser les toilettes de manière privée, le mode d’aération, l’accès à la lumière et à l’air naturels, la qualité du chauffage et le respect des exigences sanitaires. En outre, la Cour a déjà jugé qu’un exercice en plein air d’une durée très limitée constituait un facteur qui aggravait la situation du détenu. En l’espèce, la Cour note d’abord que le requérant ne disposait que d’une possibilité très limitée de passer du temps à l’extérieur de la cellule. Sa seule activité extérieure dont il bénéficiait était la promenade du matin ou de l’après-midi à l’air libre dans une cour de 50 m². La Cour rappelle que selon le rapport du CPT l’exigence d’après laquelle les détenus doivent être autorisés chaque jour à au moins 1 heure d’exercice en plein air est largement admisse comme garantie essentielle. Les aires d’exercices extérieures doivent être raisonnablement spacieuses. La Cour estime qu’au regard de ces éléments, les modalités et la durée très limitées des périodes que le requérant était autorisé à passer hors de la cellule qu’il occupait aggravaient sa situation. Ensuite, la CEDH note que les toilettes situées dans la cellule étaient sans cloison, avec pour seules séparations un muret et un rideau. L’intéressé et son codétenu devaient donc les utiliser en présence l’un de l’autre, en absence d’intimité, étant précisé que le lit était situé à 90 cm de celles-ci. Or, la Cour rappelle que selon le CPT, une annexe sanitaire qui n’est que partiellement cloisonnée n’est pas acceptable dans une cellule occupée par plus d’un détenu. Pour conclure, la Cour considère que l’effet cumulé de la promiscuité et des manquements relevés aux règles d’hygiène ont provoqué chez le requérant des sentiments de désespoir et d’infériorité propres à l’humilier et à le rabaisser. En conséquence, ces conditions de détention s’analysent en un traitement dégradant au sens de l’article 3 de la Convention et dès lors il y a eu violation de cette disposition. La France est condamnée à verser au requérant une somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral. |
ECLI : | CE:ECHR:2013:0425JUD004011909 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-118735 |