Document public
Titre : | Arrêt relatif aux propos homophobes du "patron" d'un club de football et à la charge de la preuve : Asociatia Accept c. Consiliul National pentru Combaterea Discriminarii |
est cité par : |
|
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 25/04/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-81/12 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Orientation sexuelle [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Embauche [Mots-clés] Sports et loisirs [Mots-clés] Preuve |
Résumé : |
Une organisation non-gouvernementale (ONG) roumaine de protection et de promotion des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles a déposé une plainte devant le Conseil national de lutte contre les discriminations (CNCD) à l’encontre d’un club de football professionnel et de son « patron ». Ce dernier aurait déclaré, dans une interview concernant l’éventuel transfert d’un footballeur, qu’il n’engagerait jamais un sportif homosexuel. L’organisation soutenait que le principe de l’égalité de traitement en matière de recrutement a été violé. Le CNCD a estimé que ces circonstances ne relevaient pas du domaine du travail au motif que ces déclarations n’émanaient pas d’un employeur ou d’une personne chargée de l’embauche. Il a néanmoins considéré que ces déclarations constituaient une discrimination sous la forme de harcèlement et a sanctionné le mis en cause par un avertissement, seule sanction possible en vertu du droit roumain, dans la mesure où la décision du CNCD a été rendue plus de 6 mois après la date des faits reprochés. Le juge roumain saisi par l’ONG d’un recours contre cette décision a posé des questions préjudicielles à la CJUE portant sur l’interprétation de la directive sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.
La CJUE estime que cette directive est de nature à s’applique dans de telles situations qui concernent des déclarations portant sur les conditions d’accès à l’emploi, y compris les conditions de recrutement. Elle précise que les spécificités de recrutement des footballeurs professionnels sont sans incidence à cet égard car l’exercice du sport en tant qu’activité économique relève bien du droit de l’Union. Ensuite, la Cour énonce que le seul fait que les déclarations en cause n’émanent pas directement d’une partie défenderesse déterminée (du club de football) ne s’oppose pas à ce que puisse être établie, au regard de cette partie, l’existence des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination au sens de la directive. En conséquence, un employeur défendeur ne saurait réfuter l’existence de faits permettant de présumer qu’il mène une politique d’embauche discriminatoire en se limitant à soutenir que les déclarations suggestives de l’existence d’une politique d’embauche homophobe émanent d’une personne qui, bien qu’elle affirme et semble jouer un rôle important dans la gestion de cet employeur, n’est pas juridiquement capable de le lier en matière d’embauche. Par ailleurs, la Cour précise que la charge de la preuve, telle qu’aménagée par la directive, ne conduit pas à exiger une preuve impossible à rapporter sans porter atteinte au droit au respect de la vie privée. L’apparence de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle pourrait être réfutée à partir d’un faisceau d’indices concordants, sans toutefois qu’une partie défenderesse doive prouver que des personnes d’une orientation sexuelle déterminée ont été recrutées dans le passé. Parmi de tels indices pourraient notamment figurer, selon la Cour, la prise de distance claire par rapport aux déclarations publiques discriminatoires ainsi que l’existence de dispositions expresses dans sa politique de recrutement visant à assurer le respect du principe de l’égalité de traitement. Enfin, la Cour énonce que la directive s’oppose à une règlementation nationale, telle qu’en cause, selon laquelle en cas de constatation d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, il n’est possible de prononcer qu’un « avertissement » après l’expiration de 6 mois à compter du déroulement des faits, si cette sanction n’est pas effective, proportionnée et dissuasive. Il appartient au juge roumain d’apprécier si tel est le cas en l’occurrence. |
En ligne : | http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?num=C-81/12 |