Document public
Titre : | Arrêt relatif au refus injustifiée des autorités suisses d'accorder le regroupement familial à un étranger qui a vécu en Suisse pendant une durée considérable : Hasanbasic c. Suisse |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 11/06/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 52166/09 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Bosnie-Herzégovine [Géographie] Suisse [Mots-clés] Regroupement familial [Mots-clés] Origine [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Titre de séjour [Mots-clés] Prestation familiale |
Résumé : |
Après avoir vécu près d’une vingtaine d’année en Suisse avec son épouse, un ressortissant de la Bosnie-Herzégovine a annoncé en 2004 aux autorités suisses son départ définitif pour son pays d’origine et son titre de séjour a pris fin.
Quelques mois après, son épouse a sollicité le regroupement familial en faveur de son époux, mais sa demande a été rejetée. Ce rejet, confirmé par le tribunal fédéral, était motivé par le fait que son époux a été condamné pénalement, que le couple a cumulé des dettes et que l’intéressé a touché de l’assistance publique un montant non négligeable (près de 280 000 euros) et qu’il était probable qu’il vivrait à l’avenir aux dépenses de l’assistance publique. Les époux invoquent l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme en alléguant que le refus des autorités d’octroyer à l’époux un permis de séjour en Suisse était disproportionné et n’était pas nécessaire dans une société démocratique. Tout d’abord, la CEDH observe que les deux requérants ont résidé en Suisse durant une période considérable (respectivement 23 et 40 ans) et que depuis un temps important, la Suisse constitue le centre de leur vie privée et familiale. En outre, ils y séjournaient de façon ininterrompue. Dans ces circonstances, il incombe aux autorités internes de démontrer, de manière convaincante et par des motifs pertinents et suffisants, qu’il existait un besoin social impérieux d’éloigner l’intéressé, et en particulier que la mesure était proportionnée au but légitime poursuivi. La CEDH estime qu’on ne saurait considérer le requérant comme un danger ou une menace pour la sécurité ou l’ordre public suisse (condamné pour infractions à la législation sur la circulation routière et pour violation du domicile, il n’a pas récidivé depuis 2002). Ensuite, la Cour énonce que les autorités suisses pouvaient prendre en considération l’endettement et la dépendance de l’assistance publique des requérants dans la mesure où cette dépendance avait une incidence sur le bien-être économique du pays, celui-ci est expressément prévu par la Convention européenne en tant que but légitime pour justifier une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale. Cependant, ces éléments ne constituent qu’un aspect parmi d’autres à prendre en compte par la Cour. Il en est de même des rapports familiaux, lesquels même s’ils ne peuvent pas être invoqués en l’espèce, au regard de l’article 8, eu égard à l’âge adulte de leurs enfants, ces éléments ne sont pas dépourvus de pertinence pour l’appréciation de la situation familiale des requérants. Ensuite, la Cour considère que la possibilité invoquée par les autorités suisses d’octroyer sur demande les mesures temporaires au requérant pour se rendre en Suisse, ces mesures ne sauraient être considérées comme pouvant remplacer le droit des intéressés de jouir de leur droit de vivre ensemble, qui constitue l’un des aspects fondamentaux du droit au respect de la vie familiale. Par ailleurs, la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec la Suisse et avec la Bosnie-Herzégovine doit être prise en compte dans la pesée des intérêts en cause. De même, la Cour estime que si l’état de santé du requérant n’a pas été suffisant en lui-même, pour obliger les autorités à renouveler son permis de séjour, cet aspect ne peut pas être totalement ignoré. Pour conclure, la CEDH estime que le bien-être économique du pays peut certes servir de but légitime pour un refus de renouveler un titre de séjour mais ce motif doit être apprécié à sa juste mesure à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’espèce. Or, eu égard notamment à la durée considérable du séjour des requérants en Suisse et leur intégration sociale incontestée dans ce pays, la Cour estime que la mesure litigieuse n’était pas justifiée par un besoin social impérieux et n’était pas proportionnée aux buts légitimes invoqués. Il y a donc eu violation de l’article 8 de la Convention. |
ECLI : | CE:ECHR:2013:0611JUD005216609 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-120947 |