Document public
Titre : | Décision 2024-080 du 6 juin 2024 relative au caractère discriminatoire de mentions portées dans l’évaluation professionnelle d’un fonctionnaire de l’État dont le poste est aménagé au titre du handicap |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Discriminations et protection sociale dans l'emploi public, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 06/06/2024 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2024-080 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Justice administrative [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Handicap [Mots-clés] Aménagement raisonnable [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Carrière [Mots-clés] Travailleur handicapé [Mots-clés] Evaluation [Mots-clés] Médecine du travail |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi par un fonctionnaire de l’État d’une réclamation relative à son évaluation professionnelle.
L’agent justifiait de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et exerçait ses fonctions en télétravail intégral conformément aux préconisations de la médecine du travail. Sa hiérarchie l’a convoqué à un entretien d’évaluation professionnelle sur site. L’agent n’a pas pu se présenter à cet entretien et sa hiérarchie a tout de même renseigné le compte-rendu de son entretien d’évaluation professionnelle (CREEP). Il estimait que certaines mentions de son placement en télétravail intégral pour raison de santé étaient formulées dans ce document de telle sorte qu’il semblait lui être reproché de ne pas avoir pu réaliser l’ensemble de ses missions. C’est dans ce contexte qu’il a saisi le Défenseur des droits au titre de sa mission de lutte contre les discriminations. Le Défenseur des droits a demandé des explications à son employeur puis l’a informé de ce qu’en l’état des éléments portés à sa connaissance, il pourrait conclure à l’existence d’une discrimination. Le Défenseur des droits a rappelé que, dès lors que l’agent justifie de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et de préconisations établies par la médecine du travail dans les conditions prévues à l’article 26 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité au travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique, une obligation d’aménagement raisonnable s’impose à son employeur en application des dispositions de l’article L. 131-8 du code général de la fonction publique. Le Défenseur des droits a constaté qu’en l’espèce, l’employeur n’a pas établi que la mise en œuvre des préconisations de la médecine du travail représentait une charge disproportionnée et qu’il aurait pu, par exemple, proposer à l’agent de conduire l’entretien en visioconférence. L’entretien d’évaluation professionnelle de l’agent au titre de l’année 2020 s’était d’ailleurs déroulé en visioconférence. Le Défenseur des droits en a conclu qu’en s’abstenant de rechercher une solution alternative à la convocation physique de l’agent à son entretien d’évaluation professionnelle, son employeur a méconnu son obligation d’aménagement raisonnable. Le Défenseur des droits a rappelé par ailleurs que toute mention de l’état de santé ou du handicap de l’agent ne constituait pas nécessairement une discrimination. En revanche, une absence pour raison de santé dument justifiée ne saurait être mentionnée sous la forme d’un reproche sans traduire une discrimination prohibée par la loi. Le Défenseur des droits a considéré en l’espèce que les mentions présentes dans le CREEP du réclamant étaient formulées de telle sorte qu’il lui était reproché de n’avoir pu réaliser l’ensemble de ses missions du fait de son placement en télétravail intégral justifié par son état de santé. L’évaluation professionnelle de l’agent au titre de l’année 2021 traduit, en cela, une discrimination. La Défenseure des droits a présenté ses observations devant le tribunal administratif de Montreuil, saisi par l’agent d’un recours en annulation contre cette évaluation professionnelle. |
Suivi de la décision : |
Le Tribunal administratif de Montreuil a rendu une décision le 12 novembre 2024 qui constitue une validation explicite des observations présentées par le Défenseur des droits dans cette affaire. Ce dernier avait relevé, dans son analyse, une méconnaissance manifeste des obligations de l’administration envers les travailleurs handicapés, notamment en matière d’aménagement raisonnable et de respect des préconisations médicales. Le Tribunal a confirmé que le compte rendu d’entretien professionnel de l’année 2021 était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Il a relevé des contradictions flagrantes dans l’évaluation : bien que des appréciations globalement favorables aient été attribuées, des remarques négatives infondées et discriminatoires étaient formulées dans les commentaires littéraux. Ces critiques portaient principalement sur les contraintes imposées au réclamant par son état de santé et son placement en télétravail intégral, des conditions pourtant dûment justifiées par des recommandations médicales. En s’abstenant d’organiser une alternative, comme un entretien à distance, l’employeur a méconnu ses obligations légales d’aménagement raisonnable prévues notamment par l’article L. 131-8 du code général de la fonction publique. Le Tribunal a donc annulé le compte rendu de l’évaluation professionnelle du réclamant ainsi que la décision implicite rejetant son recours hiérarchique. Il a enjoint l’administration de réexaminer son évaluation dans un délai de deux mois, tout en allouant au requérant une somme de 1 000 euros au titre des frais de justice, confirmant ainsi la reconnaissance de l’existence d’un préjudice. Cette décision illustre non seulement l’impact concret des observations du Défenseur des droits mais aussi l’importance du contrôle juridictionnel en matière de discrimination. Elle rappelle à l’administration son obligation de cohérence dans les évaluations professionnelles et de respect des droits des agents en situation de handicap, en conformité avec le cadre légal. Enfin, elle souligne le rôle fondamental de la justice administrative dans la sanction des comportements discriminatoires et dans la garantie d’un traitement équitable des agents publics, en particulier ceux bénéficiant de mesures de protection liées à leur état de santé. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Discrimination - Egalité |
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