Document public
Titre : | Décision sur la recevabilité et sur le bien-fondé relative au fait que la mesure visant à suspendre des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire n’est pas proportionnée à l’objectif poursuivi et constitue une restriction au droit de la famille à une protection sociale et économique : Comité européen d'Action spécialisée pour l'enfant et la famille dans leur milieu de vie (EUROCEF) c. France |
Auteurs : | Comité européen des droits sociaux (CEDS), Conseil de l'Europe |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 10/07/2013 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 82/2012 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Charte sociale européenne [Mots-clés] Réussite scolaire [Mots-clés] Allocation [Mots-clés] Prestation familiale [Mots-clés] Éducation [Mots-clés] Accueil petite enfance [Géographie] France |
Résumé : |
L’EUROCEF allègue que la possibilité de suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire, en application des lois du 28 septembre 2010 et du 24 mars 2011, constitue une violation des articles 16 (droit de la famille à une protection sociale, juridique et économique) et 30 (droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale), lus seuls ou en combinaison avec l’article E (non-discrimination) de la Charte sociale européenne révisée.
Le Comité européen des droits sociaux rappelle que les allocations familiales en question constituent l’un des moyens d’assurer la protection économique au titre de l’article 16 de la Charte. Il constate la complexité du phénomène de l’absentéisme scolaire, dont l’éradication met en jeu un cadre de responsabilités partagées entre les parents, les établissements scolaires et les autorités publiques. L’absentéisme scolaire répond à une multiplicité de facteurs et de causes qui ont des liens avec les obligations positives des États Parties à la Charte sous l’angle d’autres dispositions de ce traité. En outre, selon l’article 17§2 de la Charte, les Etats doivent prendre des mesures pour encourager la fréquentation scolaire et faire baisser le taux d’absentéisme. Ils jouissent dans ce domaine d’une marge d’appréciation dans la détermination et la mise en œuvre de ces mesures. La mesure litigieuse constitue selon le Comité une restriction à l’exercice du droit prévue par l’article 16. La mesure visant à suspendre des allocations en cas d’absentéisme scolaire est prévue par la loi et poursuit l’un des buts mentionné à l’article G de la Charte. Cependant, le Comité estime qu’elle n’est pas proportionnée à l’objectif poursuivi. Il considère que la suspension des allocations familiales pour raison d’absentéisme d’un enfant est non seulement susceptible de rendre plus vulnérable la situation économique et sociale de la famille concernée mais aussi il n’est pas établit qu’elle concoure à l’objectif de réinsérer l’enfant dans le cadre scolaire. Le Comité observe que les modifications législatives successives dans ce domaine montrent les doutes à propos de la portée pratique et de l’effectivité de cette mesure. En outre, le Comité déduit des données chiffrées relatives au nombre des familles touchées par cette mesure et aux élèves retournés à l’école que la mesure n’a pas eu l’effet escompté. Par ailleurs, dans la mesure où les allocations familiales dont il est question contribuent à assurer un complément de revenu sous l’angle de l’article 16 de la Charte, atteindre la suffisance économique s’avère plus nécessaire pour un nombre significatif des familles touchées par l’application du dispositif litigieux. En effet, la vulnérabilité sociale, liée au fait de ne pas être en mesure d’assurer les responsabilités parentales relatives à la fréquentation scolaire de l’enfant, va souvent de pair avec une précarité économique accentuée. Dès lors, le Comité estime que la mesure controversée ne s’avère pas raisonnable à la lumière de l’article 16 de la Charte. En conclusion, il considère que la mesure contestée de suspension avec éventuelle suppression des allocations familiales fait peser exclusivement sur les parents toute la responsabilité d’assurer le but de réduire l’absentéisme scolaire, et augmente la vulnérabilité économique et sociale des familles affectées. Par conséquent, cette mesure n’est pas proportionnée à l’objectif poursuivi et elle constitue, donc, une restriction au droit de la famille à une protection sociale, juridique et économique protégé par l’article 16 de la Charte qui n’entre pas dans les conditions admises par l’article G de la Charte. Toutefois, le Comité rappelle qu’il statue selon la situation juridique en vigueur à la date de l’adoption de la décision et compte tenu du fait que les dispositions en cause ont été abrogées par la loi n° 2013-108 du 31 janvier 2013, il n’y a pas violation de l’article 16 de la Charte. Enfin, le Comité estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les allégations de non-respect de l’article E de la Charte en combinaison de l’article 16 et qu’il n’y a pas violation de l’article 30 de la Charte. Enfin, aucune question distincte ne se pose sous l’angle de l’article E de la Charte combiné avec l’article 30. |
Note de contenu : | Cette décision qui a été rendue le 19 mars 2013 est devenue publique le 10 juillet 2013 |
En ligne : | http://hudoc.esc.coe.int/eng?i=cc-82-2012-dadmissandmerits-fr |
Documents numériques (1)
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