Document public
Titre : | Décision 2024-044 du 19 avril 2024 relative à la soumission d’une personne détenue, porteuse de prothèses métalliques aux jambes, à des fouilles intégrales en raison du déclenchement systématique des portiques de détection |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Justice et libertés, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 19/04/2024 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2024-044 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation individuelle et générale [Documents internes] Règlement en droit [Documents internes] Rappel des textes [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Établissement pénitentiaire [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Fouille intégrale [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Absence d'écoute [Mots-clés] Absence de prise en considération des arguments [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Handicap |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi par Monsieur X, incarcéré, car l’administration pénitentiaire l’a soumis à des fouilles intégrales (« à nu ») pendant plus de six mois. Ces fouilles étaient justifiées par le fait que Monsieur X était porteur de broches métalliques dans les jambes, situation qui relève du handicap, et qu’il déclenchait systématiquement les sonneries des portiques de détection. Monsieur X produisait pourtant à chaque fois un certificat médical qui attestait de sa situation.
Le Défenseur des droits a saisi la direction de l’administration pénitentiaire, qui a confirmé que les fouilles étaient justifiées par le déclenchement systématique des portiques de détection, ainsi que par la fragilité de Monsieur X en détention, le rendant susceptible de subir des pressions de la part d’autres personnes détenues. Bien qu’elle n’ait pas produit les décisions de fouille intégrale, l’administration pénitentiaire a considéré que ces fouilles étaient motivées « par la nécessité de garantir le bon ordre de l’établissement et la sécurité de la personne détenue », et étaient dès lors « pleinement justifiées et fondées en droit ». Partant, le Défenseur des droits a constaté que : - l’absence de décisions plaçant Monsieur X sous le régime de la fouille intégrale, empêchant d’en vérifier la légalité, entraîne l’illégalité des mesures de fouilles et est de nature à constituer une faute de l’administration susceptible d’engager sa responsabilité ; - les fouilles intégrales subies par Monsieur X, malgré les explications apportées a posteriori par la direction de l’administration pénitentiaire, n’ont été ni justifiées par le comportement de l’intéressé ou un risque d’infraction, en contradiction avec les dispositions de l’article L. 225-1 du code pénitentiaire, ni décidées en conformité avec les principes de subsidiarité, de nécessité et de proportionnalité. Le Défenseur des droits a donc conclu que : - en soumettant Monsieur X à des fouilles intégrales systématiques du 17 juin 2020 au 6 janvier 2021 sans justifications légales, l’administration pénitentiaire l’a soumis à un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; - en soumettant Monsieur X à des fouilles intégrales systématiques au motif que les prothèses médicales dont il est porteur déclenchaient les alarmes des portiques de sécurité, et sans chercher les aménagements qui auraient pu être mis en place pour lui permettre de bénéficier des mêmes garanties que toute autre personne détenue, l’administration pénitentiaire a mis en œuvre à son encontre une mesure discriminatoire au sens de la Convention internationale des droits des personnes handicapées. La Défenseure des droits a recommandé au directeur de l’administration pénitentiaire de : - rappeler aux directions des établissements pénitentiaires que toute décision de fouille intégrale doit être formalisée, qu’elle doit contenir les motifs au soutien de cette mesure, et qu’il est nécessaire d’en assurer la traçabilité ; - rappeler aux directions des établissements pénitentiaires qu’une personne détenue ne peut être soumise à une fouille intégrale que si cette mesure est justifiée par la présomption d’une infraction ou par les risques que son comportement fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l’établissement, et qu’elle doit être conforme aux principes de subsidiarité, de nécessité et de proportionnalité ; - rappeler aux directions des établissements pénitentiaires qu’une personne détenue ne peut être soumise à une fouille intégrale systématique que si les conditions au soutien d’une décision de fouille intégrale ponctuelle sont préalablement remplies et que si cette décision de fouille intégrale systématique répond en outre aux nécessités de l’ordre public et aux contraintes du service public pénitentiaire ; - rappeler aux directions des établissements pénitentiaires que lorsqu’elles souhaitent soumettre une personne en situation de handicap à une fouille intégrale, il leur appartient de démontrer en quoi aucun aménagement raisonnable propre à assurer à cette personne la jouissance ou l’exercice, sur la base de l'égalité avec les autres, de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales, n’a pu être mis en place ; - procéder à l’indemnisation du préjudice subi par Monsieur X résultant du traitement inhumain et dégradant et de la mesure discriminatoire subis en raison des fouilles intégrales dont il a fait l’objet, dès lors qu’il en aura fait la demande. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Discrimination - Egalité;Privation de liberté |
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