Titre : | Décision 2024-062 du 15 avril 2024 relative aux observations devant le Conseil d’État sur la légalité du décret n° 2023-255 du 6 avril 2023 autorisant la création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif à la prise en charge des mineurs de retour des zones d’opérations de groupements terroristes (MRZOGT) |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Défense des enfants, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 15/04/2024 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2024-062 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position non suivie d’effet [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Données personnelles [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Prévention [Mots-clés] Radicalisation [Mots-clés] Terrorisme [Mots-clés] Non-respect de la confidentialité [Mots-clés] Secret professionnel [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Absence d'écoute [Mots-clés] Absence de prise en considération des arguments [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination directe [Mots-clés] Origine [Mots-clés] Race, Ethnie |
Mots-clés: | Traitement des données ; Atteinte disproportionnée |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi de la situation des mineurs de retour de zones d’opérations de groupements terroristes, à la suite du recours déposé par la Ligue des droits de l’homme et les grands-parents de plusieurs enfants concernés, tendant à l’annulation du décret n° 2023-255 du 6 avril 2023 autorisant la création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif à la prise en charge des mineurs de retour des zones d’opérations de groupements terroristes (MRZOGT).
Dans ses observations présentées au Conseil d’État, la Défenseure des droits relève que les dispositions de ce décret ne poursuivent pas la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, et portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles des enfants concernés. Elle considère en effet que l’inscription systématique des enfants de retour de zones d’opérations de groupements terroristes dans le traitement de données créé par le décret entraîne une stigmatisation des enfants non nécessaire à leur protection, dans la mesure où l’utilité du fichier pour protéger plus efficacement ces enfants des conséquences de leur séjour sur une zone de conflits n’est, selon le Défenseur des droits, pas démontrée. La Défenseure des droits relève en outre le caractère particulièrement problématique du fichage de mineurs sans seuil d’âge, donc notamment très jeunes, à des fins de prévention de la délinquance et de la radicalisation. Elle considère également que la durée de conservation des données est excessive, dans la mesure où elles sont conservées jusqu’à la majorité de l’enfant, y compris en l’absence de nécessité de suivi administratif ou judiciaire. La Défenseure des droits relève par ailleurs que la liste des accédants et destinataires du traitement de données, dont certains sont particulièrement éloignés de la prise en charge effective des mineurs concernés, constitue un risque d’atteinte au principe de confidentialité et au secret professionnel. |
Suivi de la décision : |
Par décision du 8 juillet 2024, le Conseil d’État a rejeté l’ensemble des requêtes, considérant que le traitement répond à des finalités d'intérêt général légitimes, en ce qu’il est réalisé dans l’intérêt même des mineurs et de l’ordre public. Il considère en outre que le traitement ne porte pas une atteinte disproportionnée et discriminatoire à la vie privée des personnes mineures concernées, compte tenu des garanties dont il est assorti. Le Conseil d’État estime que la situation des mineurs revenant de zones d'action de groupements terroristes diffère, au regard de l'objet du décret et de ses finalités, de celle des autres mineurs se trouvant sur le territoire français, et que le décret ne porte ainsi pas atteinte au principe d'égalité. Concernant le principe de minimisation des données, le Conseil d’État considère que les données collectées sur les mineurs sont nécessaires à la coordination du suivi de ces mineurs et limitées à l'objet du traitement, et que les données collectées sur les parents et titulaires de l'autorité parentale permettent une meilleure coordination des services compétents en matière de prise en charge administrative, judiciaire, médicale et socio-éducative des mineurs. Sur la sécurité et la confidentialité des données dans le cadre de l'accès et de la communication, le Conseil d’État considère que les représentants de plusieurs administrations qui figurent parmi les accédants et destinataires du traitement ont accès aux données dans la limite du besoin d’en connaître, et que cela n'est pas de nature à établir un niveau de sécurité et de confidentialité insuffisant. Il considère également que le décret n’est pas entaché d'incompétence négative en omettant de définir de façon suffisamment précise les conditions d'exercice de l'accès aux données du traitement. Il relève par ailleurs que le fait de prévoir une procédure préalable permettant d'apprécier les demandes d'accès ou encore une mesure de sécurité portant sur les partages d'informations confidentielles au sein des cellules de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles restreintes (CPRAF-R) ne peut être reproché à l'acte par lequel le traitement est autorisé. S'agissant de la durée de conservation des données, le Conseil d’État considère que sa limitation est respectée car elle est cohérente avec la finalité que constitue la coordination de la prise en charge des mineurs jusqu'à l'atteinte de leur majorité. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Discrimination - Egalité;Famille - Enfant - Jeunesse |
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