Document public
Titre : | Règlement amiable RA-2024-030 du 29 mars 2024 relatif à l'annulation d’un indu d’allocation aux adultes handicapés notifié à une ressortissante de l’Union européenne au motif qu’elle ne justifiait plus de son droit au séjour en France |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Droits fondamentaux des étrangers, Auteur |
Type de document : | Règlements amiables |
Année de publication : | 29/03/2024 |
Numéro de décision ou d'affaire : | RA-2024-030 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Règlement amiable [Documents internes] Règlement amiable réussi [Documents internes] Pas de suite attendue [Mots-clés] Protection et sécurité sociale [Mots-clés] Handicap [Mots-clés] Allocation aux adultes handicapés (AAH) [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Erreur de fait [Mots-clés] Erreur de droit [Mots-clés] Droit des étrangers |
Texte : |
Le Défenseur des droits a été saisi par une ressortissante roumaine d’une réclamation relative à l’interruption du versement de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) par la caisse d’allocations familiales (CAF) au motif qu’elle ne justifiait pas de sa régularité de séjour.
La réclamante était entrée en France mineure, accompagnée de ses parents. Alors âgée de 12 ans, elle s’était vue attribuer l’allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH). À sa majorité, la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) lui avait notifié l’attribution d’une AAH. Le 7 février 2022, la CAF a indiqué à la réclamante qu’elle avait perçu la somme de 19 861,20 euros au titre de l’AAH alors qu’elle n’y avait pas droit. Le 25 mars 2022, l’intéressée a reçu un accord de la CAF pour une remise totale de cette dette. Par courrier du 21 avril 2022, en réponse à une saisine de la commission de recours amiable portant sur le refus de versement de l’AAH, la CAF a indiqué que l’intéressée ne remplissait pas les conditions prévues par l'article L. 233-1 du code de l'entrée et séjour des étrangers et du droit d'asile concernant la régularité de son séjour. La Défenseure des droits a demandé à la CAF le réexamen de la situation de la réclamante au regard du droit applicable, estimant qu’elle n’avait pas examiné sa situation sous l’angle de son droit au séjour permanent. Pour bénéficier d’un droit au séjour permanent, le ressortissant de l’Union doit avoir séjourné légalement, sur une période continue de cinq ans, sur le territoire français. S’agissant en premier lieu de la période considérée pour les cinq années de résidence en France, la réclamante justifiait résider en France depuis 2011, date à laquelle elle s’était vue attribuer l’AEEH en raison de son handicap. À cet égard la Défenseure des droits a précisé que la circonstance que l’entrée en France de l’intéressée soit antérieure à la fin des mesures transitoires applicables à la Roumanie, le 1er janvier 2014, pour son entrée dans l’Union européenne, n’affectait pas son droit au séjour permanent. La CJUE a en effet considéré que les années de séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil effectuées avant même l’adhésion de l’État d’origine à l’Union européenne doivent être comptabilisées dès lors qu’elles ont été accomplies dans les conditions prévues par la directive 2004/38/CE (CJUE, 21 décembre 2011, C-424/10.) S’agissant en second lieu de la légalité du séjour sur une période de cinq années, la CJUE considère, en application du considérant 17 de la directive 2004/38/CE, que les périodes prises en compte dans le cadre de l’examen du droit au séjour permanent sont celles au cours desquels le ressortissant de l’Union a bénéficié d’un droit au séjour sur le fondement de l’article 7 de la directive, qui prévoit notamment un droit au séjour en qualité de membre de famille d’un ressortissant de l’Union disposant d’un droit au séjour (CJUE, 10 juillet 2014, C-244/13). Si la question du droit au séjour ne se posait pas pendant la minorité de l’intéressée, la Défenseure des droits a cependant constaté, pour les besoins de la reconnaissance du droit au séjour permanent de l’intéressée, qu’en l’espèce, à compter de janvier 2017 et au moins jusqu’en janvier 2022 elle remplissait les conditions de droit au séjour en qualité de membre de famille d’un ressortissant de l’Union européenne disposant d’un droit au séjour. Concernant la qualité de membre de famille d’un ressortissant de l’Union européenne, l’article 2 de la directive 2004/38/CE prévoit que peuvent être qualifiés ainsi les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt-et-un ans ou qui sont à charge. Au cours de la période considérée pour l’étude du droit au séjour permanent de la réclamante, cette dernière était alors âgée de dix-sept à vingt-deux ans. Sa qualité de membre de famille d’un ressortissant de l’Union européenne n’apparaît pas contestable dès lors qu’elle était âgée de moins de vingt-et-un ans jusqu’à juillet 2020. Ensuite, elle pouvait toujours se prévaloir de cette qualité dès lors qu’elle était à charge de son père, tel qu’attesté par un courrier de la Caisse de Mutualité Sociale Agricole indiquant sa présence dans la composition du foyer pour ses droits ouverts depuis le mois de septembre 2021. Sur le droit au séjour du père de la réclamante, ce dernier justifiait de bulletins de salaires en qualité d’ouvrier polyvalent de mars à décembre 2016 puis de janvier 2017 à janvier 2018. Suite à une rupture conventionnelle de son contrat de travail, il justifiait d’une inscription sur la liste des demandeurs d’emploi depuis le 1er février 2018. La Défenseure des droits a par conséquent indiqué à la caisse que le père de la réclamante disposait d’un droit au séjour en qualité de travailleur entre mars 2016 et janvier 2018, puis au titre du maintien de cette qualité suite à une privation involontaire de son emploi, sans limitation de durée, de janvier 2018 à au moins janvier 2022. En effet, la CJUE adopte une interprétation large de la notion de privation d’emploi et ne considère pas nécessairement que celle-ci doit résulter d’un licenciement (CJUE, 20 décembre 2017, C-442/16, Gusa) mais peut résulter d’une rupture conventionnelle du contrat de travail (CAA Versailles, 12 avril 2016, n°15VE03400). À la suite de cette intervention, la CAF a indiqué que le dossier avait été réétudié et qu’un rappel de 25 668,90€ avait été versé à la réclamante. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Protection sociale |