Document public
Titre : | Décision 2024-031 du 7 mars 2024 relative à une radiation des cadres et à une déclaration d’inaptitude définitive pour une intégration dans le corps de conception et de direction de la police nationale discriminatoire en raison de l’état de santé du candidat |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Discriminations et protection sociale dans l'emploi public, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 07/03/2024 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2024-031 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination directe [Mots-clés] État de santé [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Carrière [Mots-clés] Embauche |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi, par l’intermédiaire d’un Sénateur, de la situation d’un réclamant qui conteste un arrêté du ministère de l’intérieur et des Outre-mer mettant fin à sa scolarité à l’école nationale supérieure de la police nationale (ENSP) et le radiant des cadres pour inaptitude physique définitive liée à son trouble de l’attention sans hyperactivité.
Le réclamant estime avoir fait l’objet d’une discrimination en raison de son état de santé dès lors que sa capacité réelle à exercer les missions de commissaire de police n’aurait pas été prise en compte. Par une ordonnance n° 2308158 du 18 octobre 2023, le juge des référés d’un tribunal administratif a suspendu l’exécution de l’arrêté contesté et a enjoint au ministre de l’intérieur de réintégrer l’intéressé en tant qu’élève commissaire de police au sein de l’ENSP jusqu’à ce que le tribunal ait statué au fond. Devant le Défenseur des droits, le réclamant apporte des éléments concordants laissant présumer que l’appréciation des conditions de santé particulières exigées pour l'exercice des fonctions relevant du corps de conception et de direction de police nationale n’a pas été effectuée de manière individuelle et en tenant compte des possibilités de traitement. En effet, il ressort des pièces du dossier que c’est en raison de son trouble de l’attention sans hyperactivité que le réclamant a été déclaré inapte définitivement pour une intégration dans le corps de conception et de direction de police nationale. Les pièces transmises au Défenseur des droits ne permettent pas d’établir que le ministère de l’intérieur aurait apprécié in concreto les effets de cette pathologie et de son traitement sur les facultés du réclamant à exercer les missions de commissaire de police. En outre, l’avis émis par le conseil médical supérieur saisi par l’intéressé indique qu’il « n’a pas d’arguments pour s’opposer à l’intégration de l’agent à l’École nationale supérieure de police ». Les certificats et avis médicaux révèlent un état de santé antérieur du réclamant qui lui a permis de suivre sa scolarité dans de bonnes conditions, de réussir ses études de droit ainsi que le concours externe de commissaire de police. Il en ressort également que son traitement médicamenteux ne présente aucun effet secondaire ou indésirable, aucune comorbidité ou risque addictif et permet une compensation de son état de santé. Par conséquent, la Défenseure des droits considère que le réclamant a fait l’objet d’une exclusion a priori au moment de son admission à l’ENSP en raison de ses troubles de santé constituant une discrimination en raison de l’état de santé de ce dernier. C’est pourquoi, la Défenseure des droits a décidé de présenter ses observations devant le tribunal administratif saisi par le réclamant. |
Suivi de la décision : |
Par un jugement n° 2308157 du 24 mai 2024, le tribunal administratif de Lyon a annulé l’arrêté du ministre de l’intérieur et des outre-mer mettant fin à la scolarité du réclamant au sein de l’ENSP et a prononcé sa radiation des cadres pour inaptitude physique définitive. Il a également enjoint au ministre, dans un délai d’un mois, de confirmer la réintégration de l’intéressé en qualité d’élève commissaire de police au sein de l’ENSP. Afin d’aboutir à cette solution, le tribunal a tout d’abord rappelé que l’avis d’inaptitude médicale définitive émis par le conseil médical ministériel ne revêt pas le caractère d’un avis conforme et que le ministre de l’intérieur n’avait pas, comme l’a relevé le Défenseur des droits, porté une appréciation in concreto sur les capacités médicales du réclamant et s’est estimé à tort en situation de compétence liée à l’égard de l’avis précité. Le tribunal a ainsi retenu l’erreur de droit. Le tribunal a, par ailleurs, considéré de manière très intéressante, « qu’aucune affection n’est, par elle-même et in abstracto, incompatible avec l’exercice de toute fonction publique et que la prise d’un traitement médicamenteux n’est pas davantage, à elle seule, de nature à entrainer une inaptitude physique à l’exercice des fonctions de commissaire de police, il ne ressort pas des pièces du dossier que les capacités médicales de M.X, dont il n’est pas contesté qu’il est atteint d’un trouble déficit de l’attention (TDA) sans hyperactivité nécessitant la prescription d’un traitement médicamenteux, ne lui permettaient pas de satisfaire aux conditions de santé particulières prévues pour l’exercice des fonctions affectées du profil médical seuil I ou II exigées pour être admis en formation au sein de l’ENSP (…), et en particulier que la prise régulière de ce traitement médicamenteux soit incompatible avec les impératifs de vigilance et de réactivité liés à l’emploi de la force et des armes et moyens de force intermédiaire. » Le tribunal a ajouté, à l’instar du Défenseur des droits, que les : « considérations d’ordre général (invoquées par le ministère de l’intérieur) qui ne sont reliées ni à l’état de santé de M. X ni aux conséquences pratiques de son affection sur sa capacité à exercer les fonctions auxquelles il prétend, sont contredites par les pièces médicales produites par l’intéressé » et, que, « ces considérations abstraites, qui ne tiennent compte, ni des incidences concrètes de ce traitement médicamenteux sur la capacité individuelle du requérant à exercer les fonctions de commissaire de police, ni de la fonction compensatoire dudit traitement, sont également contredites par les pièces médicales produites par l’intéressé ». Le tribunal a, enfin, estimé en se fondant sur les observations du Défenseur des droits, que : « si le ministre de l’intérieur et des outre-mer fait valoir « que le constat d’inaptitude » du requérant « a été formulé de manière concordante à deux reprises par des médecins différents, une première fois par le médecin statutaire (…) et une deuxième (fois) (…) par les médecins du conseil médical ministériel », ces deux avis, qui ont été rédigés dans des termes particulièrement succincts, généraux et peu circonstanciés par des médecins généralistes et qui révèlent, ainsi que le soutient la Défenseure des droits dans ses observations présentées le 7 mars 2024, une « analyse abstraite » tant « de la pathologie dont (M.X) est atteint et du traitement médicamenteux qu’il suit » que des « effets de cette pathologie et de ce traitement sur (s)es facultés (…) à exercer les missions de commissaire de police », ne sont pas de nature à infirmer les constatations contenues dans les quatre certificats médicaux précités et rédigés par des médecins spécialistes ayant examiné ou suivi l’intéressé ». Le tribunal en a conclu que le ministre de l’intérieur et des outre-mer a fait une inexacte application de la règlementation applicable notamment aux commissaires de police. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Discrimination - Egalité |
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