Document public
Titre : | Décision 2023-143 du 19 juillet 2023 relative à la subordination de l’accès à un club sportif au retrait par la réclamante de son foulard islamique |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Discriminations dans le secteur privé, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 19/07/2023 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2023-143 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation individuelle [Documents internes] Règlement en droit [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Sports et loisirs [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination directe [Mots-clés] Religion - Croyances [Mots-clés] Signe religieux [Mots-clés] Islam |
Mots-clés: | Sport ; Tenue vestimentaire |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation relative à la subordination de l’accès de la réclamante à un club sportif à des restrictions vestimentaires qu’elle estime discriminatoire sur le fondement de sa religion.
La réclamante indique avoir souhaité s’inscrire pour un cours d’essai dans un club de boxe, mais qu’un entraîneur l’aurait informée de l’interdiction du port de tout couvre-chef ou signe religieux au sein du club. Le règlement intérieur, disponible en ligne, stipule : « La pratique de la boxe exige une tenue adaptée et correspondant à la tenue réglementaire fédérale […] les boxes se pratiquent tête nue, […] le port de signes ou tenues par lesquels les adhérents manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ou politique est interdit. » Or, le code sportif de boxe amateur applicable pour la saison 2022-2023, document officiel publié par la Fédération Française de Boxe pour encadrer les conditions de pratique de la boxe amateur, définit les règles applicables concernant la « tenue des boxeurs et boxeuses » à la Règle 11. Ce règlement ne contient aucune restriction relative au port de couvre-chefs ou signes religieux ; il indique en revanche que « le port du casque est obligatoire », et que « les cheveux longs doivent être maintenus à l’intérieur du casque (bonnet de bain, bandanas…) ». Le port d’un couvre-chef pour des raisons religieuses ne va donc pas à l’encontre de ce règlement ; au contraire, s’il ne présente pas de risque avéré pour la sécurité des pratiquants, son port est nécessaire pour pouvoir exercer la boxe amateur dès lors qu’il maintient en place les cheveux longs sous le casque règlementaire. Interrogée par le Défenseur des droits, l’association gestionnaire du club a indiqué que les règles du club sont mises en place dans l’objectif de garantir la sécurité des pratiquants, et qu’il est possible de porter un foulard pour les pratiques sportives « si ce dernier permet d’assurer la sécurité des personnes, avec une problématique possible dès lors que le tissu ne couvre pas la seule tête, mais également le cou ou autres parties du corps ». L’association affirme en outre que l’accès au club n’a jamais été interdit aux personnes portant un foulard, et que plusieurs femmes voilées pratiquent régulièrement au sein du club, précisant que la disposition du règlement relative à la pratique de la boxe à tête nue est appliquée en pratique de manière souple si un joueur met un bonnet ou un foulard respectant les normes de sécurité, et que le club demande seulement le retrait des couvre-chefs « qui sont épais et qui descendent le long de la nuque notamment ». Le Défenseur des droits a cependant souligné que, sans remettre en cause la nécessité d’assurer la sécurité des pratiquants et la légitimité d’un tel but dans le cadre présent, la prohibition totale du port de tout couvre-chef telle que stipulée à l’écrit par le règlement intérieur du club demeure disproportionnée, dès lors que l’association ne justifie pas dans sa réponse du caractère nécessaire et approprié d’une telle interdiction. Si l’association avance une application en pratique souple de cette disposition, avec une appréciation au cas par cas des équipements portés par le personnel du club, l’absence d’expression d’une telle souplesse dans le texte du règlement intérieur reste susceptible de constituer une discrimination indirecte. Cette application souple, telle que revendiquée, de la règle écrite interdisant tout couvre-chef confirme le caractère non-nécessaire de la règle générale. Au demeurant, l’association ne justifie pas du motif de l’interdiction du port des signes religieux ou politiques, en affirmant seulement que cette interdiction ne saurait être qualifiée de discriminatoire « dans la mesure où tous les signes sont visés dans ce règlement ». Or, la visée explicite de « l’appartenance religieuse ou politique », même sans cibler une religion particulière, entraîne une discrimination directe au sens de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008. En l’absence de justifications de la part de l’association sur ce point quant à l’existence d’un but légitime à une telle interdiction, le caractère discriminatoire de cette clause est établi. En conclusion et au vu de ce qui précède, la Défenseure des droits : Constate que la disposition concernée du règlement intérieur de l’association constitue à la fois une discrimination directe et indirecte en raison de l’appartenance à une religion déterminée, en violation des articles 1 et 2 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 ; Constate que le refus d’accès aux cours de boxe par l’association opposé à la réclamante constitue une discrimination directe en raison de son appartenance religieuse, en violation des articles 1 et 2 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008. Recommande à l’association : - De modifier la disposition figurant à son règlement intérieur relative à la pratique de la boxe tête nue, afin de refléter dans sa formulation l’appréciation au cas par cas des équipements des pratiquants en considération des règles d’hygiène et de sécurité inhérentes à la pratique de la boxe, en conformité avec les règlementations de la Fédération Française de Boxe ; - De supprimer de son règlement intérieur la clause relative à l’interdiction du « port de signes ou tenues par lesquels les adhérents manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ou politique ». Demande à l’association Y de rendre compte des suites données aux recommandations ci-dessus dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la décision. |
Suivi de la décision : |
L’association Y, tout en maintenant sa position et son désaccord sur la qualification de la discrimination, a suivi les recommandations du Défenseur des droits et modifié l’article litigieux de son règlement intérieur « dans un souci d’apaisement et de clarté ». La nouvelle version du règlement intérieur ne vise plus le « port de signes ou tenues par lesquels les adhérents manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ou politique ». Il rappelle désormais que ne sont « généralement pas compatibles » avec les exigences de sécurité et d’hygiène les « vêtements ou accessoires trop longs, fluides ou susceptibles d’être accrochés ou arrachés lors de la pratique des séances » et précise qu’une « appréciation au cas par cas sera susceptible d’être effectuée par le personnel encadrant en cas de difficulté ». |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Biens - Services |
Cite : |
Documents numériques (1)
DEC_DDD_20230719_2023-143 Adobe Acrobat PDF |