Document public
Titre : | Décision 2024-008 du 18 janvier 2024 relative à des observations complémentaires à la décision n°2023-224 présentées devant le Conseil d’État concernant la conformité de l’article L. 332-3 du CESEDA au droit de l’Union européenne |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Défense des enfants, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 18/01/2024 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2024-008 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Mineur non accompagné [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Contrôle frontière [Mots-clés] Droit européen [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination directe [Mots-clés] Nationalité [Mots-clés] Absence d'écoute [Mots-clés] Protection de l'enfance |
Mots-clés: | séjour irrégulier |
Résumé : |
Le Conseil d’État a été saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre l’ordonnance n°2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du CESEDA.
Dans ce cadre, et par décision du 24 février 2022, le Conseil d’État a sursis à statuer sur les conclusions dirigées contre l’article L. 332-3 du CESEDA jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne (la Cour) se soit prononcée sur la question suivante : « en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures, dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du règlement (UE) 2016/399, l'étranger en provenance directe du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut-il se voir opposer une décision de refus d’entrée, lors des vérifications effectuées à cette frontière, sur le fondement de l’article 14 de ce règlement, sans que soit applicable la directive 2008/115/CE ? ». Par un arrêt du 21 septembre 2023, la Cour a répondu à la question préjudicielle et a dit pour droit que « le code frontières Schengen et la directive 2008/115 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’un État membre a réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures, il peut adopter, à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers qui se présente à un point de passage frontalier autorisé situé sur son territoire et où s’exercent de tels contrôles, une décision de refus d’entrée, en vertu d’une application mutatis mutandis de l’article 14 de ce code, pour autant que les normes et les procédures communes prévues par cette directive soient appliquées à ce ressortissant en vue de son éloignement ». Saisie de plusieurs réclamations relatives à la question des franchissements de frontières intérieures depuis le rétablissement des contrôles en France et des procédures appliquées aux ressortissants d’États tiers, dont des mineurs non accompagnés, la Défenseure des droits a souhaité présenter ses observations et constats au Conseil d’État, par une décision n°2023-224. À la demande du Conseil d’État, la Défenseure des droits a présenté des observations complémentaires concernant l’interprétation de l’article 6§3 de la directive 2008/115. Sur ce point, la Défenseure des droits a souhaité rappeler que les arrêts Arib et ADDE de la Cour devaient être lus de manière combinée avec l’arrêt Affum concernant l’application de l’article 6§3 de ladite directive. A la lumière de ces arrêts, il ressort en effet que le champ d’application de la directive retour est défini expressément par l’article 2 et l’application ou l’interprétation de l’article 6§3 de ladite directive ne saurait donc étendre ou restreindre celui-ci. L’article 6§3 de la directive permet seulement et simplement à l’État membre de ne pas édicter de décision de retour, par exception à l’article 6§1 de la directive, s’il adopte une décision de remise. La Défenseure des droits a rappelé qu’une décision de remise d’un ressortissant d’un pays tiers en situation irrégulière, et interpellé à une frontière intérieure sur laquelle ont été rétablis des contrôles, constitue une mesure prévue par la directive retour pour mettre fin au séjour irrégulier du ressortissant et est une étape préparatoire à l’éloignement de celui-ci du territoire de l’Union européenne. L’État membre concerné, à l’origine de cette décision de remise, reste donc lié par les autres dispositions de cette directive qu’il doit alors respecter dans leur intégralité. Toute autre interprétation viderait de leur substance les arrêts de la Cour et les dispositions de la directive retour puisqu’elle conduirait à soustraire les personnes interpellées aux frontières intérieures des garanties de la directive retour, et donc pérenniserait les pratiques actuelles. |
Suivi de la décision : |
Saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre l’ordonnance portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers en France (CESEDA), par décision du 24 février 2022, le Conseil d’État a sursis à statuer sur les conclusions dirigées contre l’article L. 332-3 du CESEDA jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) se soit prononcée sur la question suivante : « en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures, dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du règlement (UE) 2016/399, l'étranger en provenance directe du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut-il se voir opposer une décision de refus d’entrée, lors des vérifications effectuées à cette frontière, sur le fondement de l’article 14 de ce règlement, sans que soit applicable la directive 2008/115/CE ? ». Dans un arrêt ADDE du 21 septembre 2023, la CJUE a répondu qu’en cas de rétablissement de contrôles aux frontières intérieures dans l’espace Schengen, les États membres peuvent opposer une décision de refus d’entrée fondée sur le code frontières Schengen aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, qui sont contrôlés à celles-ci. Cependant, et comme le Défenseur des droits l’a soutenu devant elle (décision n°2022-147), la Cour juge que les États doivent appliquer la directive 2008/115 (dite directive retour) à ces ressortissants en vue de leur éloignement, en particulier les garanties qui y sont inscrites telles que : l’adoption d’une décision de retour vers le pays tiers, le bénéfice d’un délai pour quitter le territoire, l’éloignement forcé ne devant intervenir qu’en dernier recours et dans le respect des cas de report prévus par la directive, la garantie d’une voie de recours effective, l’utilisation uniquement en dernier ressort du placement en rétention administrative. Dans le sens des observations du Défenseur des droits (décisions n°2023-224 et 2024-008), le Conseil d’État a jugé que l’article L. 332-3 du CESEDA n’était pas conforme au droit de l’Union européenne tel qu’éclairé par l’arrêt ADDE, et devait être annulé en tant qu’il ne limitait pas l’édiction de refus d’entrée aux frontières intérieures aux seules réadmissions (en application des accords bilatéraux conclus avant le 13 janvier 2009). Tirant toutes les conséquences de l’arrêt ADDE précité, le Conseil d’État a précisé les conséquences de cette annulation en rappelant que les garanties de la directive retour devaient s’appliquer aux personnes interpellées aux frontières intérieures sur lesquelles sont rétablis des contrôles puisqu’elles sont considérées comme étant sur le territoire. Dès lors, le Conseil d’État a rappelé l’application des articles L. 813-1 et 813-3 du CESEDA relatifs à la retenue aux fins de vérification du droit de circulation ou de séjour et les garanties afférentes, l’application des dispositions du livre VII du CESEDA à l’exécution des décisions d’éloignement, et enfin l’application du livre V du CESEDA à l’enregistrement des demandes d’asile. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etrangers - Migrants;Famille - Enfant - Jeunesse |
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