Document public
Titre : | Décision 2023-237 du 27 novembre 2023 relative à l’accueil d’une enfant bénéficiant d’une mesure de placement à l’aide sociale à l’enfance, dans un service d’accueil familial thérapeutique |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Défense des enfants, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 27/11/2023 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2023-237 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation individuelle et générale [Documents internes] Règlement en droit [Documents internes] Rappel des textes [Documents internes] Position partiellement suivie d’effet [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Aide sociale à l'enfance (ASE) [Mots-clés] Placement [Mots-clés] Famille d'accueil [Mots-clés] Organisation des services publics [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Absence d'écoute [Mots-clés] Licenciement [Mots-clés] Santé mentale |
Mots-clés: | projet pour l'enfant ; assistante familiale ; accompagnement ; Formation |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi par de la situation de X., âgée de 7 ans, placée auprès de l’aide sociale à l’enfance (ASE) de Y. par décision du juge des enfants, et accueillie depuis 2017 par le service d’accueil familial thérapeutique (SAFT) du centre hospitalier public interdépartemental de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent – fondation Z.
Son assistante familiale, Madame A. contestait la décision prise par la fondation Z. de lui retirer l’enfant pour la confier à une autre assistante familiale. Elle considérait cette décision contraire à l’intérêt supérieur et aux droits de l’enfant. Il convient cependant de souligner qu’il n’appartient pas au Défenseur des droits de se positionner sur les procédures qui opposent ou ont opposé Madame A. à son employeur, ni de remettre en cause la décision prise par le SAFT de mettre fin à l’accueil de X. chez Madame A. Cette décision était motivée notamment par le fait que l’équipe médicale estimait que cette dernière n’était plus en mesure d’assurer à la fillette des conditions d’accueil adaptées à sa problématique. Dans cette décision, le Défenseur des droits a tenu en préalable à saluer l’engagement des professionnels aux côtés des enfants qu’ils accompagnent face à la complexité des situations et les difficultés qu’elles peuvent entraîner. A cet égard, la Défenseure des droits a tenu à encourager et souligner la qualité et l’opportunité des dispositifs de familles d’accueil thérapeutiques, adossés à des établissements hospitaliers, particulièrement adaptés pour l’accueil des enfants à problématiques complexes, situés aux frontières du handicap et de la protection de l’enfance. Le Défenseur des droits s’est attaché, dans cette situation, à questionner le fait de savoir si les services avaient mis en place une organisation et des modalités d’accompagnement de l’assistante familiale, de nature à prévenir autant que possible toute rupture d’accueil pour un enfant déjà particulièrement vulnérable, et à préserver l’intérêt supérieur de celui-ci. Les changements de lieux d’accueil subis par un enfant, s’ils peuvent dans certaines circonstances intervenir dans son intérêt, viennent nécessairement bouleverser sa vie. Ils ne devraient donc pas être la résultante de défaillances des services dans la mise en œuvre des moyens indispensables à un accueil de qualité et adapté à ses besoins fondamentaux. Ces réorientations sont parfois vécues également comme un échec par l’assistant familial et les membres de sa famille, et comme une décision arbitraire. Il est alors d’autant plus indispensable que le dialogue se maintienne autour de la situation de l’enfant, que les difficultés fassent l’objet d’échanges, et que les motifs de la réorientation de l’enfant, soient explicités. Consciente du fort engagement des professionnels aux côtés des enfants qu’ils accompagnent, et de la complexité des enjeux autour de ces situations, la Défenseure des droits a souhaité dans cette décision, apporter un éclairage différent sur la situation de X. afin de préconiser des pistes d’amélioration des pratiques, des systèmes et des dispositifs, dans l’objectif d’une meilleure prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’effectivité de ses droits fondamentaux. Son analyse l’a conduite relever certaines défaillances ayant porté atteinte à l’intérêt de X. et ainsi à adresser à la fondation Z. et à l’aide sociale à l’enfance de Y., plusieurs recommandations, notamment sur le recrutement, la formation et l’accompagnement des assistants familiaux thérapeutiques, sur l’importance d’envisager d’avoir recours aux assistants familiaux relais, sur la nécessité d’élaborer le projet d’accueil thérapeutiques et le projet pour l’enfant, sur le rôle du référent ASE et sur les liens entre l’enfant et son ancienne assistante familiale. |
Suivi de la décision : |
D’une part, la Défenseure des droits a recommandé à la fondation Z. de : - Mettre en place, avant toute entrée en fonction d’un nouvel assistant familial, une formation obligatoire sur l’appréhension des troubles psychiques et troubles du comportement chez l’enfant et la gestion des crises clastiques, et une proposition d’immersion en observation, au sein des services d’accueil de jour et/ou de pédopsychiatrie ; - Mettre en place des temps de supervision et/ou analyse des pratiques en faveur des assistants familiaux, sous la conduite d’un professionnel extérieur au SAFT de la fondation Z.; - Évaluer la possibilité de mettre en place un dispositif de familles d’accueil relais identifiées par les enfants comme habituelles et chaleureuses, en veillant à la stabilité de celles-ci afin de favoriser les liens d’attachement des enfants à l’égard de leurs deux assistants familiaux ; - Mettre en place, conformément au cadre légal, le projet thérapeutique pour chaque enfant accueilli, en associant l’assistant familial à son élaboration. Par courrier du 4 mars 2024, la fondation Z. a informé la Défenseure des droits des suites données à sa décision. La fondation Z. a indiqué avoir désormais intégré dans son plan de formation « une priorité portant sur les besoins de formation des assistants familiaux », et engager un travail pour identifier leurs besoins. À ce titre, deux premiers axes ont été identifiés par la fondation Z. au titre de l’année 2024 à savoir « le développement de la connaissance des pathologies et troubles » et « la formation à la prévention de l’agitation et de la violence ». Pour ce faire, la fondation Z. a déclaré avoir mis en place en 2024 deux formations, intitulées « Connaissance de la maladie mentale – Comprendre pour mieux communiquer » et « gestion de la violence et de l’agressivité », systématiquement organisées à l’attention d’assistants familiaux recrutés par l’établissement, si ceux-ci n’en ont pas préalablement bénéficié auprès d’un autre employeur. La fondation Z. a par ailleurs mentionné avoir « retenu le principe de réserver » un budget spécifique à la formation des assistants familiaux, visant à les aider dans leur intervention auprès des enfants accueillis. De plus, la fondation Z. a précisé travailler à l’organisation d’immersion en observation au sein des unités du centre hospitalier, en accueil de jour et en unité d’hospitalisation. Elle a par ailleurs indiqué qu’une action relative à l’accueil d’éventuels nouveaux accueillants familiaux serait intégrée dans le cadre du projet social actuellement en cours de négociation avec les organisations syndicales, dont le principe en a été « convenu » avec ces dernières. Concernant la mise en place de temps de supervision, la fondation Z. a précisé que depuis le mois de mars 2024, un intervenant extérieur à l’établissement assurait désormais la supervision et l’accompagnement des assistants familiaux à raison d’une fois par mois, dans le but de proposer des échanges sur les pratiques « en dehors de tout jugement » et de mettre en place des repères historiques, au fur et à mesure de l’avancée du travail. Pour autant, la fondation Z. a indiqué que bien que les différents assistants familiaux au service d’accueil familial et thérapeutique de l’établissement effectuent des relais entre eux pour permettre des temps de repos, elle n’a cependant pas pu mettre en place des relais avec des assistants familiaux extérieurs à l’établissement, faute de réponse du département d’implantation de la fondation Z. Enfin, la fondation Z. a déclaré qu’un projet thérapeutique, intitulé projet personnalisé d’intervention, est élaboré par le service d’accueil familial thérapeutique lors de chaque accueil d’un enfant par un assistant familial, et comprend, sous forme de tableau, les différents domaines de développement de l’enfant, les soins dispensés et les objectifs. Elle a également indiqué que ce projet fait l’objet d’une actualisation lors de réunion de synthèse du service d’accueil familial thérapeutique, en présence de l’assistant familial. D’autre part, la Défenseure des droits a recommandé à l’ASE de Y. de : - Élaborer un projet pour l’enfant (PPE) pour chaque mineur bénéficiant d’une mesure de protection de l’enfance dès le début de la mesure ; -Actualiser régulièrement le projet pour l’enfant, pour tenir compte de l’évolution des besoins de l’enfant et des avancées réalisées avec le mineur et sa famille, conformément au guide édité par le département de Y. ; -Veiller à ce qu’un référent de l’ASE soit désigné pour chaque mineur confié afin de co-construire, impulser, coordonner le projet pour l’enfant et de veiller à la continuité et la sécurisation de son parcours ; -Anticiper la question du maintien des liens entre assistant familial et enfant accueilli dès lors qu’une modification dans les modalités d’accueil est envisagée et chaque fois que cela apparaît dans son intérêt ; - Veiller à la stricte application des décisions de justice concernant les droits de visite des tiers, sans délai, afin que les liens ne soient ni rompus ni détériorés entre l’enfant et la personne avec qui il a noué des relations d’affection et des liens d’attachement. Par courrier du 13 mars 2024, l’ASE de Y. a informé la Défenseure des droits des suites données à sa décision. L’ASE de Y. a indiqué comme faisant partie de ses principes prioritaires l’élaboration d’un PPE pour chaque mineur bénéficiant d’une mesure de protection de l’enfance dès le début de la mesure, principe désormais inscrit en tant que tel dans le schéma de prévention et de protection de l’enfance de Y. pour les années 2021-2025, comme outil favorisant la participation de l’enfant et de ses parents à la mesure dont il fait l’objet. Si un PPE n’a pu être réalisé pour la situation de X., l’ASE de Y. a expliqué que les thématiques essentielles (projet de soin, scolarité adaptée aux besoins de X. et ses difficultés, travail sur l’histoire familiale complexe, favoriser la socialisation) sont toutefois travaillées et périodiquement actualisées avec l’enfant et ses parents, qui sont en lien régulier avec les services. L’ASE de Y. a par ailleurs tenu à indiquer que le principe de désigner un référent de parcours pour chaque mineur confié est « central et porté de manière forte » par leur service. Ce faisant, elle a indiqué que ce principe a conduit à la création, entre 2019 et 2020, de 110 postes dont 45 postes d’assistants socio-éducatifs au sein des différents services de l’ASE de Y. De plus, elle a notamment expliqué que l’ensemble de la réorganisation de sa sous-direction de prévention et de protection de l’enfance, initiée la même année, a été conduite dans un objectif de continuité et de cohérence des parcours, que le référent doit mettre en œuvre et garantir. En ce sens, elle a indiqué que le guide de référence socio-éducative qui formalise le cadre de travail de l’ASE de Y. sur le sujet ainsi que les formations proposées de façon périodique aux travailleurs sociaux et aux personnels administratifs, en sont « l’illustration ». Néanmoins, l’ASE de Y. a tenu à expliquer que l’objectif d’un référent pour chaque enfant est mis à mal par un certain « turn-over » et une difficulté récurrente à recruter des travailleurs sociaux auxquels Y., tout comme l’ensemble des départements, n’échapperait pas. Dans le cas de X., même si un même référent de parcours n’a pas toujours pu être maintenu, l’ASE de Y. a mentionné qu’un référent a toujours été nommé, et la transmission des éléments garantie, afin de maintenir une continuité d’accompagnement. Le maintien de cette référence a permis selon elle de réaliser chaque année une visite sur place au service d’accueil familial concerné, tel que prévu par le guide de la référence socio-éducative. L’ASE a également indiqué comme faisant bien partie de ses principes, dans la limite d’éventuelles restrictions du juge des enfants, la question du maintien des liens entre assistant familial et enfant accueilli dès lors qu’une modification dans les modalités d’accueil est envisagée, et chaque fois que cela apparaît dans son intérêt. Dans la situation de X., l’ASE a indiqué que le maintien des liens n’a pas pu être réalisé immédiatement, en raison du conflit qui opposait l’assistante familiale avec la fondation Z ., la médiatisation de la situation, et le choix du secteur de prioriser, dans ce contexte, le lien parents-enfant. Par ailleurs, elle a énoncé que l’ordonnance accordant initialement un droit de visite à l’assistante familiale aurait été contredite par la dernière ordonnance émise, qui ne la mentionnait pas directement, nécessitant pour l’ASE de Y. un « temps de clarification ». Néanmoins, l’ASE de Y a indiqué que ces droits de visite ont pu être mis en place à compter de novembre 2021 et jusqu’en mai 2022, date à laquelle l’enfant n’aurait pas manifesté le désir d’un maintien des liens et auquel les parents continueraient de s’opposer. Ce faisant, l’ASE de Y. a déclaré que le SAFT et l’ASE Y. elle-même ont alors sollicité le magistrat compétent pour y mettre fin. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Famille - Enfant - Jeunesse |
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