Document public
Titre : | Décision 2023-051 du 17 mars 2023 relative à la mise à l’écart d’une candidate dans le cadre d’une procédure de recrutement, suite à son refus de communiquer sa date de naissance |
Titre précédent : | |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Discriminations dans le secteur privé, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 17/03/2023 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2023-051 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination indirecte [Mots-clés] Âge [Mots-clés] Embauche [Mots-clés] CV anonyme [Mots-clés] Preuve |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation relative à la mise à l’écart d’une candidate à un emploi dans le cadre d’une procédure de recrutement.
En l’espèce, la réclamante a postulé pour pourvoir une offre d’emploi et a ensuite été convoquée par courrier à des tests de sélection devant avoir lieu à une date donnée. Il lui était précisé qu’elle devait prendre contact avec l’employeur en cas d’impossibilité de se présenter. Etant dans cette situation, la réclamante a pris contact avec l’employeur qui lui a demandé de communiquer sa date de naissance afin de pouvoir être de nouveau convoquée à une session de tests. Elle a refusé de répondre à cette demande, estimant qu’elle pouvait occasionner une discrimination en raison de l’âge. En l’absence de transmission de cette information, sa candidature a été écartée. Par décision MLD/2016-248 du 10 octobre 2016, le Défenseur des droits a constaté que la réclamante avait été victime d’une discrimination à l’embauche fondée sur son âge, et a décidé de recommander à l’employeur de se rapprocher d’elle en vue de réparer son préjudice, de modifier sa procédure de recrutement afin qu’elle soit garante du principe de non-discrimination, notamment en raison de l’âge, et de rendre compte des suites données à cette recommandation dans un délai de 3 mois. La décision n’ayant pas été suivie d’effet, le Défenseur des droits a décidé de présenter ses observations, sur la base de la décision précédente, devant le conseil de prud’hommes saisi du litige. Par un jugement du 13 novembre 2018, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté la réclamante de ses demandes au titre de la discrimination. Cette dernière a interjeté appel contre la décision du conseil de prud’hommes. Par décision 2021-290 du 15 novembre 2021, la Défenseure des droits a décidé de présenter ses observations devant la cour d’appel. En particulier, la Défenseure des droits a considéré que la société mise en cause ne justifiait pas en quoi la communication de la date de naissance, d’une part, avait comme finalité d’apprécier la capacité à occuper l'emploi proposé ou les aptitudes professionnelles de la réclamante et d’autre part, présentait un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles, tel qu’imposé par l’article L.1221-6 du code du travail. De même, la Défenseure des droits a retenu que la société ne justifiait pas, comme le lui impose la directive 2000/78 et l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, que sa pratique consistant à conditionner la poursuite du processus de recrutement à la communication de la date de naissance des candidats était justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires. Par conséquent, la Défenseure des droits a considéré que la procédure de recrutement de la société conditionnant la poursuite du processus de recrutement à la communication de la date de naissance du candidat constituait une discrimination indirecte en raison l’âge. Par arrêt du 2 février 2022, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement en toutes ses dispositions et débouté en conséquence la réclamante de l’ensemble de ses demandes. En particulier, la cour d’appel a considéré que la société mise en cause n’avait jamais eu connaissance de l’âge de la salariée, qu’elle ne pouvait l’avoir discriminée sur ce motif, et qu’elle avait justifié d’un motif légitime pour connaître la date de naissance des candidats étant une entreprise à statut. La réclamante a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt et la Défenseure des droits a décidé de présenter ses observations devant la Cour de cassation. À ce titre, la Défenseure des droits a considéré qu’en jugeant la procédure de recrutement au sein de la société mise en cause, et en particulier l’exigence de communication de la date de naissance des candidats avant leur convocation à la journée de sélection, conforme au principe de non-discrimination, la cour d’appel n’avait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il ressortait qu’une proportion moindre voire nulle des recrutements concernait des agents de plus de 55 ans, ce qui était de nature à laisser supposer l’existence d’une discrimination fondée sur l’âge, que celle-ci soit qualifiée de directe ou d’indirecte et ne pouvait en aucun cas être considéré comme un élément de nature à écarter toute discrimination. La Défenseure des droits a ainsi retenu que la cour d’appel avait violé les articles L. 1132-1, L. 1133-1 et L. 1133-2 du code du travail mettant en œuvre en droit interne des articles 2, 4 et 6 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. |
Suivi de la décision : |
Par un arrêt du 6 septembre 2023, n° 22-15.514, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 2 février 2022. La Cour de cassation a relevé que, pour débouter la candidate de ses demandes au titre de la discrimination indirecte en raison de l'âge, l'arrêt d’appel retenait d'abord, par motifs adoptés, que la phase d'anonymat du recrutement avait pris fin dès la première convocation de la candidate à une journée de sélection et qu'il était « d'usage courant que tant les administrations que les entreprises utilisent la donnée de l'âge (non interdite de collecte par la Cnil) pour s'assurer de l'identité des personnes qui les sollicitent ». L’arrêt d’appel relevait ensuite, d'une part que l'employeur Y ignorant l'âge de la candidate ne pouvait l'avoir discriminée pour ce motif, d'autre part que Y avait un motif légitime pour connaître la date de naissance des candidats au regard des exigences d'âge requises pour l'accès éventuel au statut. L'arrêt d’appel relevait enfin que Y veillait à une pratique professionnelle du recrutement respectueuse de l'égalité des chances de tous dans l'accès à tous ses emplois et détaillait un listing des nouveaux agents recrutés par tranche d'âge. La Cour de cassation a jugé, qu’en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que dans ce listing aucun des agents recrutés n'avait plus de 56 ans, que la candidate faisait valoir être âgée de 57 ans, avoir postulé en raison de l'anonymat de la phase de sélection promue par la charte de la diversité signée par Y et avoir refusé de communiquer son âge par crainte d'être discriminée, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé que la connaissance de la date de naissance de la candidate, à ce stade du processus de recrutement sur un poste d'animateur agent mobile, était objectivement et raisonnablement justifiée par un but légitime, et que le refus de reconvoquer la candidate à la suite de son refus de communiquer sa date de naissance était nécessaire et approprié, n'a pas donné de base légale à sa décision. La Cour de cassation a ainsi cassé l’arrêt d’appel en toutes ses dispositions et renvoyé l’affaire devant la cour d'appel de Paris autrement composée. |
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