Document public
Titre : | Décision 2023-114 du 25 octobre 2023 relative à des recommandations portant sur le caractère discriminatoire de certaines dispositions du dispositif "Accès plus" à l’égard des personnes handicapées ou à mobilité réduite (PMRH), nécessitant la modification du dispositif et la suppression des dispositions en question |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Discriminations dans le secteur privé, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 25/10/2023 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2023-114 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation individuelle et générale [Documents internes] Règlement en droit [Documents internes] Position partiellement suivie d’effet [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Handicap [Mots-clés] Biens et services [Mots-clés] Transport |
Résumé : |
La Défenseure des droits a été saisie de plusieurs réclamations relatives aux restrictions quant au nombre et au poids des bagages pouvant être emportés par les voyageurs bénéficiant du système d’assistance aux personnes en situation de handicap et à mobilité réduite (PMRH) de la SNCF dit « Accès plus » : un seul bagage d’un poids maximum de 15 kilos. Les réclamants estiment cette restriction discriminatoire en raison de leur handicap.
Interrogée par les services du Défenseur des droits, la société mise en cause a justifié cette restriction par la nécessité de protéger la santé et la sécurité de ses agents, ajoutant que ce dispositif est plus favorable que celui imposé par les directives européennes, que le poids de 15 kilos est considéré comme un poids raisonnable et que cette restriction correspond à celle imposée aux personnes valides qui ne peuvent voyager qu’avec les seuls bagages qu’elles sont en capacité de porter. Elle a en outre contesté l’existence en droit français d’une obligation d’aménagement raisonnable en matière d’accès aux biens et services, faisant valoir que les dispositions de la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH) prévoyant cette obligation n’étaient pas d’application directe. Le Défenseur des droits estime à l’inverse, que l’obligation d’aménagement raisonnable s’impose en matière de biens et services dans l’ordre juridique interne. En effet, le principe de l’aménagement raisonnable est un élément consubstantiel du principe général de la non-discrimination et suit donc nécessairement le même régime que celui-ci : il s’applique à tous les droits reconnus par la CIDPH, que ceux-ci soient ou non reconnus d’effet direct, et est d’application immédiate. Au demeurant les règles françaises interdisant les discriminations dans les biens et services doivent être lues et interprétées à la lumière de la CIDPH. La Défenseure des droits considère que le dispositif « Accès plus » contrevient au principe de l’aménagement raisonnable et produit une différence de traitement entre les PMRH et les autres voyageurs, les premières n’ayant pas la même liberté de voyager que les seconds. La Défenseure des droits recommande de revoir le dispositif d’assistance aux voyageurs PMRH afin de leur garantir l’accès au transport ferroviaire sans discrimination et à cette fin, notamment : - de supprimer des conditions générales d’utilisation (CGU) du service « Accès Plus » la limitation de bagages en nombre et en poids ; - d’adapter les modalités d’assistance aux personnes handicapées en fonction de leurs besoins, dans la limite des conditions générales applicables à l’ensemble des voyageurs, en mettant à leur disposition, le cas échéant, plusieurs agents dotés, si besoin, de matériels de transport de charge pour effectuer leur tâche. La Défenseure des droits recommande en outre de mener une réflexion avec l’ensemble des acteurs du transport ferroviaire européen pour garantir la continuité d’un tel service d’assistance sur l’ensemble du réseau européen. La Défenseure des droits demande aux ministres et à la SNCF de rendre compte des suites données aux recommandations ci-dessus dans un délai de six mois à compter de la date de notification de la présente décision. La Défenseure des droits transmet la décision à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) au regard de sa compétence concernant l’application au règlement général sur la protection des données (RGPD) et la problématique soulevée. Pour leur information, plusieurs autres instances et organisations ont été destinataires de cette décision. |
Suivi de la décision : |
Dans un courrier en date du 10 novembre 2023, la présidente de la CNIL assure la Défenseure des droits qu’elle prend les questions soulevées très au sérieux et indique que ses services seront prêts à examiner de près les traitements de données des personnes concernées par le service « Accès plus » dans le cadre d’un éventuel futur contrôle. La SNCF a répondu par un courrier en date du 9 février 2024 qu’elle maintenait les éléments présentés précédemment. Elle rappelle que ni le règlement (CE) n°1371/2007 du parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires, en vigueur au moment des faits dénoncés par les réclamants ni le règlement (CE) n°2021/782 du 29 avril 2021 qui remplace le premier depuis le 7 juin 2023 ne prévoient l’obligation de port de bagage dans le cadre de l’assistance proposée aux personnes handicapées et à mobilité réduite. L’entreprise ajoute que la limitation de bagage n’empêche en rien une personne handicapée de pouvoir transporter des bagages plus nombreux ou plus lourds par ses propres moyens et à l’aide d’une tierce personne accompagnatrice, tout comme une personne valide le ferait une personne valide. Elle a ainsi une analyse moins stricte de la limitation de bagages que celle opposée aux réclamants jusque-là. L’entreprise rappelle de nouveau l’existence du service « MesBagages », service de bagage à domicile pour tous les voyageurs. Elle fait valoir que sa position serait confirmé par le fait que le décret 2023-126 prévoit notamment « La prestation d'assistance fournie en gare inclut, pour les personnes visées au 1°, 2°, 3°, 4° et 7° de l'article 7-1, le portage d'au moins un bagage selon les conditions, notamment de dimension et de poids, déterminées dans les conditions générales de vente et de transport des entreprises ferroviaires et dans le document de référence des gares établi par SNCF Gares & Connexions en application de l'article 14-1 du décret du 7 mars 2003 susvisé. Le poids maximum du bagage admis est d'au moins 15 kilogrammes. Ces conditions sont diffusées par la plateforme unique de réservation mentionnée à l'article L. 1115-9 du code des transports et font partie des informations fournies à la demande des usagers préalablement au voyage, dans le respect des obligations d'accessibilité. » Il convient de relever que ce texte impose « au moins un bagage », « d’au moins 15 kilos » et n’est donc pas contraire à un aménagement adapté aux besoins de chacun. Quant à la proposition de mettre en place des dispositifs de transport de bagages, l’entreprise soutient en avoir testés mais que la taille des gares, des plateformes et des quais interdit l’usage de véhicules transportant les bagages en raison des risques pour la sécurité des agents et des clients et qu’aucun dispositif respectant les règles de sécurité n’aurait pu être trouvé. Concernant le recours à des agents supplémentaires, cette solution présenterait pour l’entreprise une charge disproportionnée par rapport au prix d’un billet de train TGV Inoui, OuiGo, Intercité ou TER. Les frais de cette prestation pour les personnes handicapées seraient exclusivement supportés par la SNCF et les autorités organisatrices sans compensation de l’Etat. Elle n’apporte néanmoins pas d’élément concret sur ce coût. L’entreprise indique que néanmoins elle continue d’assurer une « veille technologique » pour trouver des solutions susceptibles d’améliorer la situation. Elle prend également l’engagement de poursuivre le dialogue avec les associations représentatives des personnes handicapées pour trouver des nouvelles solutions en termes d’usage. L’entreprise n’a pas mentionné le nouveau dispositif Assist’enGare indiqué sur la page internet d’« Accès plus » : à l’occasion du lancement d’AssistenGare, la marque « Accès Plus » est repositionnée pour englober tous les produits et services proposés par TGV-INTERCITÉS pour les personnes à mobilité réduite et en situation de handicap. Le service de Relation Client « Accès Plus » est maintenu sur le 3635#45 (prix d’un appel local) en ligne experte dédiée. Il ne pourra plus traiter la demande de réservation de l'assistance en gare mais pourra aider à réserver les billets de train. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Discrimination - Egalité |
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