
Document public
Titre : | Décision 2023-119 du 1er juin 2023 relative au refus d’une commune de permettre l’accès à l’eau potable aux occupants d’un campement |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des Droits, Auteur ; Services publics, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 01/06/2023 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2023-119 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Services publics locaux [Mots-clés] État de santé [Mots-clés] Santé - soins [Mots-clés] Conditions d'accueil [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Migrant [Mots-clés] Droit des étrangers |
Mots-clés: | Accès à l'eau ; campement ; Assainissement ; occupation sans droit ni titre ; eau ; Personne vulnérable |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi de la réclamation de plusieurs associations visant le refus implicite opposé par une mairie à la demande tendant à la mise en œuvre de solutions permettant un accès à l’eau et à l’assainissement aux occupants d’un campement.
Existant depuis 2018, ce campement accueillerait une trentaine d’occupants sans droit ni titre. Dans ce campement, aucune installation n’existerait pour permettre l’accès à l’eau et à l’assainissement des occupants. À ce jour, le point d’accès à l’eau le plus proche du campement serait à 1,6km. En plus de ne pas permettre de remplir des bidons, il ne serait pas accessible la nuit. L’accès régulier des exilés à l’eau et aux douches est donc assuré par les habitants de la commune, notamment au travers d’une association. Des habitants de ce campement, soutenus par les associations ayant saisi le Défenseur des droits, ont introduit un référé-liberté auprès du tribunal administratif de Z afin d’ordonner à la Préfecture et à la Commune qu’ils prennent les mesures permettant de mettre fin aux atteintes aux libertés fondamentales au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative résultant de l’absence d’accès à l’eau potable et à l’assainissement dans le campement en cause. En effet, le droit d’accès à l’eau est un droit reconnu par plusieurs instances internationales et par l’Union européenne. En particulier, l’article 16, paragraphe 1, de la directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine a consacré un droit à tous d’accéder à l’eau potable. Cette disposition a été transposée à l’article L.1321-1 A du code de la santé publique. Certaines composantes de ce droit sont protégées au titre de libertés fondamentales au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. En premier lieu, le « défaut d’accès ancien et persistant à l’eau potable » peut porter atteinte à la santé humaine et ainsi constituer une atteinte à la substance du droit au respect de la vie privée. En second lieu, l’absence de prise en compte des besoins élémentaires des exilés par les autorités publiques en ce qui concerne leur hygiène et leur alimentation en eau potable peut révéler une carence de nature à exposer ces personnes à des traitements inhumains ou dégradants. Cela est notamment le cas lorsque les exilés « se trouvent dans un état de dénuement et d'épuisement, n'ont accès à aucun point d'eau ou de douche ni à des toilettes et ne peuvent ainsi, notamment, ni se laver ni laver leurs vêtements et souffrent en conséquence de pathologies telles que la gale ou des impétigos, de divers troubles liés à une mauvaise hygiène ou encore de plaies infectées ainsi que de graves souffrances psychiques résultant de cette situation ». En l’occurrence, le refus implicite de la commune de permettre l’accès à l’eau potable constitue une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée. Pour ces motifs, le Défenseur des droits a décidé de présenter des observations devant le Tribunal administratif de Z. |
Suivi de la décision : |
Le Défenseur des droits a été saisi de la réclamation de plusieurs associations visant le refus implicite opposé par la mairie de Y à la demande tendant à la mise en œuvre de solutions permettant un accès à l’eau et à l’assainissement aux occupants du campement installé aux abords de Y. A ce jour, le point d’accès à l’eau le plus proche du campement serait à 1,6km. En plus de ne pas permettre de remplir des bidons il ne serait pas accessible la nuit. L’accès régulier des exilés à l’eau et aux douches est donc assuré par les habitants de Y. Par un courrier du 19 décembre 2022, une des associations, soutenue par les celles ayant saisi le Défenseur des droits, a demandé à la commune de Y d’émettre une demande auprès du gestionnaire du réseau d’eau, afin de mettre à sa disposition un point de raccordement pour l’accès à l’eau à l’intérieur du site, d’ouvrir ce point à la consommation d’eau courante et de continuer d’en assurer le paiement de la facture d’eau auprès du gestionnaire. En outre, elle a demandé à la commune de mettre en œuvre une prestation permettant un accès à un dispositif de douches et l’installation d’infrastructures de toilettes. Ce courrier est resté sans réponse de la part de la commune faisant naître une décision de rejet implicite. Par courrier du 4 mai 2023, les services du Défenseur de droits ont sollicité de la commune mise en cause des éléments d’informations concernant les risques d’atteintes aux droits et libertés résultant de l’absence d’accès à l’eau et à l’assainissement dans le campement en cause. Le 29 mai 2023, plusieurs personnes ainsi que les associations ont introduit un référé-liberté auprès du tribunal administratif de Z afin d’ordonner à la Préfecture, à la Commune de Y, à la Communauté urbaine Z et au Centre communal d’action sociale communal qu’ils prennent les mesures permettant de mettre fin aux atteintes aux libertés fondamentales au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative résultant de l’absence d’accès à l’eau potable et à l’assainissement dans le campement en cause. Dans le cadre de ses observations devant le juge des référés du Tribunal administratif de Z, le Défenseur des droits a souligné que l’absence d’accès à l’eau potable peut porter atteinte à des libertés fondamentales au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. En l’occurrence, le refus implicite de la commune de permettre l’accès à l’eau potable sur le site d’habitat précaire constitue une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée. Le 2 juin, le juge des référés du Tribunal administratif de Z a enjoint la commune de Y ainsi que le préfet de créer, à proximité immédiate du campement de migrants, des points d’eau et des latrines, ainsi qu’un dispositif d’accès à des douches selon des modalités prévoyant des créneaux dédiés pour les personnes vulnérables. Il reviendra à ces autorités d’organiser, en lien avec les associations requérantes, le nombre, la localisation précise de ces installations et leurs modalités d’accès. Ces prescriptions devront connaître un début de réalisation dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Compte tenu de l’issue de cette procédure et de la motivation du jugement rendu, il apparaît que la position du Défenseur des droits a été suivie par la juridiction saisie. |
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