Titre : | Décision 2023-014 du 26 janvier 2023 relative à un refus d’aménagement raisonnable à un enfant en situation de handicap pour maintenir des liens familiaux avec sa mère détenue |
est cité par : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Défense des enfants, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 26/01/2023 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2023-014 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Mots-clés] Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) [Mots-clés] Convention européenne des droits de l'homme [Mots-clés] Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Handicap [Mots-clés] Autisme [Mots-clés] Parent [Mots-clés] Établissement pénitentiaire [Mots-clés] Administration pénitentiaire [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Aide sociale à l'enfance (ASE) [Mots-clés] Droit de visite [Mots-clés] Droit de visite médiatisé [Mots-clés] Crise sanitaire [Mots-clés] Covid-19 [Mots-clés] Procédure de référé [Mots-clés] Technologies du numérique [Mots-clés] Vidéo-surveillance [Mots-clés] Aménagement raisonnable [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi par une personne détenue de difficultés rencontrées par celle-ci pour maintenir entre mai 2020 et juin 2021 les liens familiaux avec son fils, âgé de 4 ans et en situation de handicap. L’enfant est né en détention et est resté auprès de sa mère détenue pour être ensuite placé auprès de l’aide sociale à l’enfance. Madame X bénéficiait de droits de visite médiatisés qui se déroulaient au sein du relais enfants-parents du lieu de détention.
Cependant, en raison de la pandémie du Covid-19, l’accès aux parloirs familiaux et aux autres lieux de maintien des liens familiaux (unités de vie familiale, relais enfants-parents) a été suspendu dans l’ensemble des lieux de détention. Seuls les parloirs avocats étaient maintenus. Dans le cadre de la réouverture progressive des parloirs à partir du 11 mai 2020, la direction du centre pénitentiaire a décidé que, de manière à respecter les gestes barrières, les parloirs familiaux seraient redirigés vers les parloirs avocats avec la mise en place d’une séparation toute hauteur (plexiglas) afin d’éviter tout contact physique. Le relais enfants-parents du centre pénitentiaire concerné était alors fermé car la configuration de cette salle ne permettait pas, selon l’administration pénitentiaire, le respect des gestes barrières. Les visites habituellement réalisées dans ce lieu étaient également réorientées vers les parloirs avocats équipés de séparation toute hauteur. Cependant, il a été très vite indiqué à la direction du lieu de détention qu’en raison du handicap de l’enfant (autisme), celui-ci était dans l’impossibilité de se rendre au parloir avocat. Il était donc sollicité la réouverture exceptionnelle du relais enfants-parents pour cet enfant. Par courrier du 9 octobre 2020, la direction de l’établissement a indiqué maintenir fermé le relais enfants-parents et refuser de le rouvrir exceptionnellement pour cet enfant. Le conseil de Madame X a introduit un recours en référé suspension devant le tribunal administratif contre la décision de la direction de l’établissement pénitentiaire du 9 octobre 2020. Par ordonnance du 2 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu la décision de refus de la direction du centre pénitentiaire du 9 octobre 2020 et a enjoint la directrice de l’établissement de réexaminer la demande de Madame X. Cependant, par courrier du 6 avril 2021, la direction de l’établissement a indiqué que la surveillance par le personnel pénitentiaire afin de procéder à une vérification régulière du respect des gestes barrières et du protocole n’était pas possible au sein du relais enfants-parents, qui est muni d’une simple vidéosurveillance et non d’une surveillance humaine susceptible de prévenir tout non-respect des gestes barrière entre la mère et l’enfant. Cette nouvelle décision de l’administration pénitentiaire a également fait l’objet d’un recours en référé suspension devant le tribunal administratif. Par ordonnance du 18 juin 2021, le juge des référés du tribunal administratif a dit n’y avoir lieu à statuer en raison de la réouverture des relais enfants-parents et du fait qu’une première visite avait pu être proposée à Madame X le 22 juin 2021. L’enfant est ainsi resté 15 mois sans pouvoir rencontrer sa mère dans des conditions satisfaisantes et sans aucun contact physique avec elle. La Défenseure des droits a décidé de présenter des observations devant le tribunal administratif dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir contre les deux décisions de la direction de l’établissement pénitentiaire des 9 octobre 2020 et 6 avril 2021. Tant sur le droit au maintien des liens familiaux des personnes détenues garanti par la Convention internationale des droits de l’enfant et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que sur le droit à un aménagement raisonnable protégé par la Convention internationale relative au droit des personnes handicapées, la Défenseure des droits a considéré que la direction du centre pénitentiaire n’a pas recherché de solution et d’aménagements raisonnables, notamment en lien avec les professionnels en charge de l’enfant, lui permettant de maintenir des liens avec sa mère détenue, ce qui a eu pour conséquence une absence de rencontre physique entre l’enfant et sa mère pendant plus d’un an, et alors que ce dernier n’était âgé que de 4 ans. La direction du centre pénitentiaire, informée de l’incapacité de l’enfant à échanger avec sa mère dans le cadre des parloirs avocats au regard de son handicap, n’a pas porté d’appréciation objective et individualisée sur la faisabilité d’une solution alternative, telle que la réouverture exceptionnelle pour l’enfant des relais enfants-parents et n’a donc pas satisfait à son obligation de mise en place d’aménagements raisonnables afin de garantir aux enfants en situation de handicap un égal accès au droit au maintien des liens familiaux sur la base de l’égalité avec les autres enfants dont les parents sont détenus, sans pour autant démontrer en quoi cette réouverture exceptionnelle engendrait une charge disproportionnée. Pour l’ensemble de ces raisons, la direction du centre pénitentiaire a commis une erreur de droit lors de l’examen de la demande de Madame X, qui entache ses décisions de refus de réouverture du relais enfants-parents du 9 octobre 2020 et du 6 avril 2021 d’illégalité. |
Suivi de la décision : |
Par décision du 16 février 2023, le tribunal administratif a conclu que dans le cadre du déconfinement progressif, il a pu être proposé à Mme X une évolution des modalités de visite. Ainsi, le 25 mai 2021, soit postérieurement à l’enregistrement de sa requête, la direction de l’établissement a indiqué à Mme X que la prochaine visite de son fils, à partir du 9 juin 2021, pourrait se dérouler au sein du parloir médiatisé prévu à cet effet, sous réserve de l’absence de dégradation de la situation sanitaire au sein de l’établissement, le ministre ayant fait valoir en outre que l’enfant Z avait été autorisé à rencontrer sa mère les 22 juin, 13 juillet et 13 août 2021. Le jugement considère que l’administration doit ainsi être regardée comme ayant fait droit à la demande de Mme X, qui ne conteste pas avoir obtenu satisfaction. Par suite, les conclusions en annulation et en injonction présentées par Mme X dans les deux instances ont perdu leur objet, il n’y a plus lieu d’y statuer. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Famille - Enfant - Jeunesse |
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Documents numériques (1)
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