Document public
Titre : | Décision 2023-116 du 26 mai 2023 relative aux règlementations qui déterminent l’aptitude à servir dans les emplois de l’armée, de la gendarmerie nationale et des sapeurs-pompiers constitutives d’une discrimination en raison de l’état de santé et du handicap en ce qu’elles excluent les personnes atteintes de VIH |
est cité par : |
|
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Fonction publique, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 26/05/2023 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2023-116 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Orientation sexuelle [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Professionnel de la sécurité [Mots-clés] Militaire [Mots-clés] Armée [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Gendarmerie [Mots-clés] Séropositivité [Mots-clés] Santé - soins [Mots-clés] État de santé [Mots-clés] Maladie [Mots-clés] Handicap [Mots-clés] Réglementation |
Mots-clés: | LGBTI ; Sapeur-pompier |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi par plusieurs associations de lutte contre les discriminations LGBTphobes d’une réclamation par lesquelles elles font état de ce que les réglementations relatives à l’appréciation de l’aptitude à servir dans les emplois au sein de l’armée, de la gendarmerie nationale, des sapeurs-pompiers et de la police nationale excluent de manière quasi-systématique de l’accès à ces emplois les personnes atteintes du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et sont discriminatoires en raison de l’état de santé et sur le handicap.
Concernant la discrimination fondée sur l’état de santé, l’enquête menée par les services du Défenseur des droits a permis d’établir que les personnes séronégatives asymptomatiques avec une charge virale indétectable et une immunité cellulaire satisfaisante sont dans un état de santé comparable aux personnes séronégatives. Or, les dispositions relatives à l’accès aux fonctions publiques concernées opposaient des restrictions majeures d’activité de manière systématique aux personnes séropositives asymptomatiques. En cours d’instruction, le ministère des armées a modifié la réglementation pour les sapeurs-pompiers de Paris, les marins-pompiers de Marseille et l’ensemble des forces armées qui, sans prévoir de restrictions d’activités aux personnes séropositives asymptomatiques, établit toujours une différence de traitement entre ces personnes et les personnes séronégatives. Pour justifier cette différence de traitement, les ministères de l’intérieur et des armées soutenaient que pour répondre aux nécessités opérationnelles, les agents devaient être dans un état de santé irréprochable. Or, il résulte de nombreuses études qu’un candidat asymptomatique a une très bonne espérance de vie mais également un très bon état de santé général à l’instar d’une personne séronégative. Ainsi, son état de santé lui permet d’exercer les fonctions concernées. La Défenseure des droits a d’ailleurs considéré que la suppression du référentiel d’aptitude SIGYCOP pour les policiers en service actif constituait un indice supplémentaire permettant de retenir le caractère discriminatoire des règlementations en litige. De plus, l’administration considérait que les contraintes de suivi du traitement médical justifiaient la différence de traitement précitée. Or, la Défenseure des droits a rappelé qu’il était envisageable pour les agents en opération de s’approvisionner au préalable en traitement et qu’un nouveau traitement par injection pouvait permettre de pallier cette difficulté. En outre, les ministères soutenaient que les médecins pouvaient se départir du SIGYCOP. Toutefois, la Défenseure des droits a relevé, comme énoncé par le médiateur interne de la police nationale, que les médecins appliquaient systématiquement les dispositions du SIGYCOP conduisant à une exclusion quasi-systématique des personnes séropositives asymptomatiques avec une charge virale indétectable et une immunité cellulaire satisfaisante. Une telle exclusion n’apparaît cependant pas justifiée par des moyens proportionnés pour atteindre des objectifs légitimes. S’agissant de la discrimination fondée sur le handicap, la Défenseure des droits a considéré que les personnes séropositives symptomatiques ou ayant une immunité cellulaire perturbée pouvaient être considérées comme en situation de handicap au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles. Or, les dispositions réglementaires contestées prévoyaient de les exclure systématiquement de la plupart des emplois publics concernés. La Défenseure des droits a considéré que les exclure de facto est constitutif d’une discrimination fondée sur le handicap dès lors que le SIGYCOP n’est qu’un référentiel et que l’examen d’aptitude médicale doit se faire in concreto en prenant en compte la capacité réelle à exercer les fonctions. Ainsi, au terme de son instruction, la Défenseure des droits a considéré que les dispositions réglementaires en litige étaient constitutives d’une discrimination fondée sur l’état de santé et le handicap. La Défenseure des droits a dès lors décidé de présenter ses observations devant la juridiction saisie d’une demande par les associations réclamantes d’abrogation des dispositions précitées qui déterminent l’aptitude à servir. |
Suivi de la décision : |
Cette affaire, qui soulevait des questions juridiques complexes, a donné lieu à une audition des services du Défenseur des droits le 25 janvier 2021 par une mission conjointe d’inspections du ministère de l’intérieur sur l’accès des personnes séropositives à certains métiers de ce ministère et sur le caractère discriminatoire de certaines de ces restrictions. Dans le cadre de l’examen du recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’État avait organisé une séance orale d’instruction en mars 2023. Par une décision n° 447107 du 21 novembre 2023, le Conseil d’État a décidé qu’il n’y avait pas lieu à statuer sur les conclusions des associations dirigées contre les règlementations applicables aux policiers, militaires dont font partie les gendarmes et aux sapeurs-pompiers dès lors que des textes récents avaient modifié de manière substantielle les règlementations initiales en ne prévoyant plus d’exclusion a priori des personnes atteintes de VIH. Ainsi, pour la police nationale, le Conseil d’Etat a considéré qu’en application du nouvel arrêté du 25 novembre 2022[1], qui ne fait plus désormais référence au SIGYCOP, une affection par le VIH n’entraîne plus nécessairement l’exclusion du candidat des services actifs. Il n’y avait donc plus lieu à statuer sur ce point. S’agissant de l’aptitude aux fonctions de militaires et de sapeurs-pompiers, un nouvel arrêté du 9 mai 2023 a remplacé les dispositions précédentes qui excluaient quasi-systématiquement de ces emplois les candidats atteints de VIH. Ce nouveau référentiel permet ainsi aux personnes atteintes d’un VIH asymptomatique et traitées depuis plus de douze mois d’être recrutées sur la plupart des emplois militaires. Toutefois, cette aptitude est appréciée selon la tolérance au traitement, ce qui n’était pas le cas dans le précédent référentiel, et certaines catégories d’emploi leur reste fermée. En effet, seule l’attribution d’un coefficient 1 sur un sigle G « traduit l'aptitude à tous les emplois des armées, même les plus pénibles, les plus contraignants ou les plus stressants ». Pour ce qui est des personnes atteintes d’un VIH symptomatique ou ayant une immunité cellulaire perturbée, le nouveau référentiel leur attribue désormais un coefficient de 3 à 5 ce qui continue à les exclure de certains postes au sein de l’armée. Ce nouveau référentiel prévoit toutefois, de prendre en compte le taux de lymphocytes et la charge virale, ce qui n’était pas le cas auparavant. C’est pourquoi la Défenseure des droits considère que ces nouvelles dispositions traduisent toujours une différence de traitement entre les personnes séronégatives et les personnes séropositives asymptomatiques sans traitement avec une immunité cellulaire satisfaisante et une charge virale indétectable, alors que sur un plan médical ces personnes sont dans la même situation. Une différence de traitement continue, par ailleurs, d’exister également pour les personnes symptomatiques ou ayant une charge virale perturbée. Un non-lieu à statuer a toutefois été prononcé là encore par le Conseil d’État. Cependant, le rapporteur public, M. Florian ROUSSEL a estimé dans ses conclusions rendues dans cette affaire, que : « Nous comprenons bien que le nouveau texte ne donne pas entière satisfaction aux requérantes mais, comme il a été rappelé, il ne s’agit pas du critère pertinent pour déterminer si le recours conserve son objet. Il leur appartient ainsi, s’ils l’estiment justifié, de saisir le ministre d’une demande d’abrogation de ce nouveau texte (…) ». La Défenseure des droits se félicite des modifications textuelles précitées qui n’induisent plus de discrimination par principe à l’égard des personnes atteintes de VIH pour l’accès aux professions concernées. Il est à noter que de telles modifications font suite aux nombreux courriers adressés par l’institution aux administrations mises en cause en vue de mettre un terme aux discriminations subies par les personnes atteintes de VIH. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Discrimination - Egalité |
Cite : |
|
Documents numériques (1)
DEC_20230526_2023-116.pdf Adobe Acrobat PDF |