Document public
Titre : | Arrêt relatif au placement en centre de rétention administrative d’enfants accompagnant leur mère : A.M. et autres c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 04/05/2023 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 7534/20 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Géographie] Angola [Mots-clés] Défenseur des droits [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Rétention administrative [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant |
Résumé : |
La requête concerne le placement en rétention administrative d’une mère accompagnée de ses trois enfants mineurs, âgés respectivement de huit mois, six et treize ans au moment des faits, qui s’est déroulé sur une période de dix jours.
La requérante A.M., ressortissante angolaise, entra en France le 16 mai 2019 accompagnée de ses enfants C.M. et D.U.. Son fils Y.M. naquit le 18 mai 2019. Par arrêté, le préfet du Bas-Rhin ordonna le transfert de la requérante aux autorités portugaises, responsables de l’examen de sa demande d’asile, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit règlement Dublin III. Le tribunal administratif de Strasbourg rejeta la requête de Mme A.M. aux fins d’annulation de l’arrêté de transfert et le préfet assigna la requérante A.M. à résidence pour une durée de 45 jours dans la perspective d’organiser son transfert vers le Portugal. La veille du vol à destination du Portugal, le préfet décida de placer la requérante en centre de rétention administrative. La requérante A.M. refusa d’embarquer et fut alors conduite avec ses enfants au centre de rétention administrative n° 2 du Mesnil-Amelot, puis la durée de la rétention fut prolongée par le juge des libertés et de la détention, décision confirmée par le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris. Le 6 février 2020, la Cour, saisie par les requérants d’une demande de mesure provisoire sur le fondement de l’article 39 du règlement, décida d’indiquer au Gouvernement de mettre fin à leur rétention administrative. La rétention des requérants prit fin le même jour. La Défenseure des droits a présenté des observations devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). La CEDH dit qu’il y a eu : - violation de l'article 3 (traitement inhumain ou dégradant) de la Convention européenne des droits de l'homme; - violation de l’article 5 (droit à la liberté et à la sureté) de la Convention européenne des droits de l'homme. Sur la violation alléguée de l’article 3 de la Convention (extraits de la décision) : 16. Compte tenu de l’âge des enfants mineurs, dont un nourrisson, des conditions d’accueil au centre de rétention n° 2 du Mesnil-Amelot et de la durée du placement en rétention, la Cour considère que les autorités compétentes les ont soumis à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention. Eu égard aux liens inséparables qui unissent une mère et son bébé de huit mois, ainsi qu’aux émotions qu’ils partagent, la Cour estime qu’il en va de même, dans les circonstances particulières de l’espèce, s’agissant de la requérante A.M. dont elle souligne en outre qu’elle se trouvait seule avec ses trois enfants mineurs. 17. Partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à leur égard." Sur la violation alléguée de l’article 5 § 1 (extraits de la décision) : 19. Les principes généraux concernant la conformité de la rétention d’un enfant mineur accompagnant ses parents avec l’article 5 § 1 de la Convention ont été rappelés dans l’affaire M.D. et A.D. c. France (précitée, §§ 85-86). En particulier, le placement puis le maintien en rétention d’un enfant mineur accompagnant ses parents ne sont conformes aux exigences de l’article 5 § 1 f) qu’à la condition que les autorités internes établissent qu’elles ont recouru à ces mesures en dernier ressort, seulement après avoir recherché effectivement qu’aucune autre moins attentatoire à la liberté ne pouvait être mise en œuvre. 22. Or, la Cour estime disposer d’éléments suffisants, lesquels ont conduit, compte tenu des conditions de rétention, au constat d’une violation de l’article 3 de la Convention (voir paragraphes 16-17 ci-dessus), pour considérer que les autorités internes n’ont pas effectivement vérifié, dans le cadre de la mise en œuvre du régime juridique applicable en France, que le placement initial en rétention administrative de la première requérante accompagnée de ses trois enfants mineurs puis sa prolongation constituaient des mesures de dernier ressort auxquelles aucune autre moins restrictive ne pouvait être substituée. 23. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention dans le chef des requérants mineurs." Sur la violation alléguée de l’article 5 § 4 (extraits de la décision) : 26. En l’espèce, la Cour considère que le juge des libertés et de la détention puis le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel ont, insuffisamment pris en compte, dans le cadre du contrôle juridictionnel qui leur incombait d’exercer, de la présence des trois enfants dans les appréciations auxquelles il leur appartenait de se livrer tant pour contrôler la légalité du placement initial en rétention que pour décider d’en ordonner la prolongation. Elle constate notamment que le juge des libertés et de la détention ne fait aucune mention de la présence des enfants mineurs de la requérante. Ce dernier n’a pas plus recherché de mesure alternative à la rétention de la requérante alors même que, jusqu’à son placement en rétention, la requérante faisait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence à son domicile, mesure qu’elle avait respectée. 27. En outre, la Cour note, au vu de l’ensemble des motifs des ordonnances des 30 janvier et 3 février 2020, qu’alors même que le droit français prévoit qu’en la matière « [l]’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » (...), que ni le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance ni le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel n’ont suffisamment tenu compte de la présence des requérants C.M., D.U. ET Y.M. et de leur statut d’enfants mineurs, avant d’apprécier la légalité du placement initial et d’ordonner la prolongation de la rétention administrative pour une durée de vingt-huit jours dans le cadre du contrôle juridictionnel qu’il leur incombait d’exercer. 29. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention à leur égard. |
ECLI : | CE:ECHR:2023:0504JUD000753420 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etrangers - Migrants |
En ligne : | https://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-224444 |
Cite : |
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